Les grandes oreilles font-elles bon ménage entre elles?

ZAKEN - J'en pense que tu n'es qu'une immondice sans nom. Mais je ne vaux sûrement pas mieux que toi. Je tue des humains, et uniquement des humains, pour me venger d'eux. Mais mes actes sont vides. Ils ne prendraient sens qu'une fois que la race humaine ait totalement disparu de cette terre. Et je sais très bien que ça n'arrivera pas de mon vivant. Pourquoi je tue, alors? Peut-être simplement pour évacuer ma frustration... Par caprice...

Je souris intérieurement. Il n'est pas si différent de moi après tout. Il tue pour extérioriser sa haine. Comme moi. Sauf que lui ne se ment pas a lui même en se disant qu'il tue par folie. À la seconde ou ce constat me vient à l'esprit, mon masque tombe. Je serre des dents, sors mes griffe, gronde comme un prédateur. Il parle de haine ? Il me traite moi d'immonde ?! Il ne me connaît pas. Il ne sait pas a quel point ma rage et mon aversion pour tout ce qui vit sont combien de fois plus grandes et justifiées que les siennes ! Je pousse un rugissement dans sa direction puis lui hurle ces mots :

-Pauvre idiot ! Pour qui tu te prends ?! Tu vaux pas mieux que moi je te signale ! Les méchants humains ont étés vilains avec toi parce que tu es un semi-elfe ? Et donc, ta vie est détruite et tu tues des gens pour te défouler ? Pourquoi tu serais le seul a en avoir le droit ? Pourquoi tu serais le seul a avoir le droit de souffrir ?
Je pense pouvoir dire que moi aussi j'en ai bavé
Sûrement plus que toi. Et selon toi, vivre de la vengeance sur l'existence est immonde, mais errer sans but en tuant par caprice c'est noble ?! Et c'est moi l'immondice ?!

J'en peux plus. Cette pleureuse a besoin qu'on lui claque la tête pour le réveiller une bonne fois.

Je bondis a grande vitesse au dessus du feu, et en un éclair je me retrouve a califourchon sur Zaken le tenant par le col, lui hurlant ma colère.

-Y'a pas que toi dans ce monde ! T'es pas le seul a avoir mal ! Tu vaux pas mieux que moi !

Je le regarde dans les yeux d'un regard de braise sans faire un geste.

Ma phrase n'a pas l'air de lui avoir plu. A peine ai-je eu le temps de finir que son sang était déjà parti. On croirait réellement à un félin enragé: il sort ses griffes, il rugit. Je dois admettre que je suis un peu déçu. Lui qui était si calme, si impassible à l'habitude, voilà que toute cette part de lui s'envole à la mention d'une simple insulte. Et maintenant, voilà que c'est lui qui m'incendie. C'est un simple fou. Il déforme mes propos, en oublie d'autres, pour reformer une version qui lui convient et qui le place, lui, en victime. Je pourrais croire qu'il me traite comme un gamin. Pourtant, c'est lui qui se comporte tel un enfant, en réalité.

Il en vient même à me sauter dessus. Je n'esquisse pas un mouvement. Je sais très bien qu'au corps à corps, il n'a aucune chance d'éviter mon sort. J'ai juste à faire en sorte de ne pas malencontreusement prendre un coup fatal. Mais il se contente de m'écraser, me tenant par le col. Il ne sort pas d'armes, c'est suffisant. Lui, il me crie dessus, projetant son haleine féline à mon visage, ainsi que quelques postillons. Et il confirme ce que je pensais: il n'a écouté que ce qui l'arrangeait. S'il compte faire ça tout le temps, ça risque d'être ennuyant.

Sans laisser la moindre expression percer sur mon visage, je lève un index et vient tapoter son poignet avec.

ZAKEN - Tu n'écoutes pas ce que je dis, Zaqual. Et tu te plains beaucoup pour pas grand chose, j'ai l'impression.

Je reste tout de même sur mes gardes. Je ne suis pas à l'abri d'un coup de griffe en direction de ma gorge. Néanmoins, j'ai là une belle occasion de prendre l'ascendant psychologique sur le tigrain, en le laissant s'énerver tout en gardant mon calme de mon coté. Et s'il pense pouvoir me faire mal réagir en m'insultant, il se trompe lourdement.

ZAKEN - Tu n'écoutes pas ce que je dis, Zaqual. Et tu te plains beaucoup pour pas grand chose, j'ai l'impression.

Je sens que ma rage va finir par exploser en moi et tout détruire sur des kilomètres. Je lève ma main gauche vers mon visage, en position pour porter un coup, sors mes griffes, et frappe le plus fort possible en direction de sa petite face. Me rendant compte de la stupidité de mon geste, je dévie ma main juste avant qu'elle n'atteigne le semi-homme. Je porte alors un grand coup sur ma poitrine. Je sens mes griffes s'enfoncer dans ma peau. Le sang couler abondamment de la plaie. Et mon état de furie s'échapper de cette même plaie. Je reprends peu a peu le contrôle de moi même et me concentre sur la douleur. Elle me rend plus fort. Insensible. Efficace. Je n'ai aucune aptitude surnaturelle. J'ai grandi avec cette douleur. Tué avec, et vécu toute ma vie avec elle. La souffrance physique transforme ma peine en détermination. C'est ma meilleure alliée, et je ne suis moi même que quand elle est présente. C'est ainsi que je salue intérieurement ma vieille amie venue m'aider.

Je serre les dents.

-Ecoutes semi-elfe. Je me fiche de me faire insulter. Ce qui me met hors de moi, c'est que ce jugement précis vient de toi. Il me donne l'impression que tu te croies au dessus de moi et que tu es le seul a pouvoir te défouler sur le premier crétin qui passe parce que tu en as bavé. Mais si c'est ce que tu penses, tu te trompes. Moi aussi la vie m'a fait du mal. Probablement plus qu'à toi. Et je pense que malheureusement, nous sommes loin d'être les seuls.

Je me relève et retourne a ma place pour que Zaken puisse se rassoir.

-Je commence a voir comment tu fonctionnes. Tu dénigres et déteste ma façon de faire. Ma façon de voir. Ma façon d'exister. Et sans affirmer que je détiens tous les secrets de ta personne, je crois fortement que c'est parce que tu reconnais des facettes de toi en moi. Des facettes que tu voudrais occulter. C'est ça qui me met hors de moi. si tu relâchais ta propre bride, nous serions encore moins différents que nous le sommes déjà. Voilà ma pensée.

Je prends une gorgée d'eau, puis une des branches enflammées du feu et l'applique sur ma plaie. Je serre les dents, et au bout de cinq longues secondes, je remet la branche la où je l'ai prise. Je souffle sur la plaie cautérisée pour chasser les poils brûlés avant de reprendre la discussion.

-Tu es un idiot Zaken. Comme je le suis aussi très probablement. Mais tu es un idiot intelligent avec une personnalité intéressante pour quelqu'un comme moi. Tu veux te venger des humains ? Parfait, je veux me venger du monde. Particulièrement des centaures et des humains. Avec des efforts chacun de notre côté, nous pourrions sûrement être d'exellents compagnons de sang. Et qui sait, de bons amis.

Je reprends une gorgée d'eau et lui envoie le premier regard depuis que je me suis relevé. Je suis totalement calme maintenant.

Le coté provocateur de ma phrase a fait mouche un peu trop vite, j'ai l'impression. En effet, le voilà en train de lever ses griffes au dessus de mon visage. Nul doute qu'il va m'asséner un coup. On me hurle de bouger, comme tout à l'heure. Et ils ont raison... Je ne saurais pas encaisser l'arme naturelle des tigrains en plein visage. A la première velléité d'abattre sa main sur moi, je décale à nouveau la tête du coté opposé. Son attaque vient embrasser le sol... Néanmoins, j'aperçois qu'il a légèrement dévié sa trajectoire initiale. Il cherche à me tester, de nouveau?

Il arme désormais son autre main. Sauf qu'au lieu de la diriger vers moi... Il vise son propre corps. Ainsi, il entaille légèrement son torse, laissant un fin filet de sang s'échapper de la blessure qu'il vient d'y apposer. Un silence s'installe le temps de quelques secondes. Sa respiration, jusque là saccadée, se fait désormais de plus en plus régulière. Il a redirigé sa colère contre lui-même, afin de pouvoir se calmer par la suite. C'est... Curieux, comme comportement. Cela dit, plus de la moitié de son comportement m'a semblé curieux jusqu'à maintenant. Il s'agit peut-être de sa norme, en fin de compte.

ZAQUAL - Ecoutes semi-elfe. Je me fiche de me faire insulter. Ce qui me met hors de moi, c'est que ce jugement précis vient de toi. Il me donne l'impression que tu te croies au dessus de moi et que tu es le seul a pouvoir te défouler sur le premier crétin qui passe parce que tu en as bavé. Mais si c'est ce que tu penses, tu te trompes. Moi aussi la vie m'a fait du mal. Probablement plus qu'à toi. Et je pense que malheureusement, nous sommes loin d'être les seuls.

Effectivement, je me pense au dessus de lui. Je ne vois pas en quoi j'aurais à me sentir inférieur à un assassin à moitié rongé par la folie. S'il pense que son âge plus avancé lui donne plus de légitimité, il se fourvoie. Et je ne me défoule pas sur n'importe qui. Seulement sur les pires. Enfin, il lâche enfin son emprise, pour retourner s'asseoir. Cela me suffit, je n'ai pas besoin d'en rajouter. Il peut bien penser ce qu'il veut sur moi, je m'en moque. J'en profite simplement pour regagner ma place, et dé-bouchonner ma gourde, afin d'humidifier légèrement ma gorge.

Le calme n'a pas le temps de s'installer. En effet, Zaqual reprend la parole. Il déclare commencer à comprendre ma manière de penser. Selon lui, je reconnaîtrais des morceaux de ma personnalité en lui. C'est faux. Je n'ai absolument rien à voir avec lui. Il est fou, je ne le suis pas. Je tue, lui ne tue pas. Il crée des carnages. Et enfin, il pense que je suis retenu par une "bride". Hors, il y a bien longtemps que je me suis libéré de mes entraves.

ZAKEN - Ne te méprends pas. Il n'y a rien qui ne me retienne. J'agis au gré de mes envies. Mais contrairement à toi, je ne suis pas adepte du massacre. Pas aujourd'hui.

Il se relève lentement, pour se diriger vers le feu. D'où je suis, je peux voir quelques gouttes de sueur perler de son front, tandis qu'il saisit une branche du feu pour l'approcher doucement de sa poitrine. Sa blessure a l'air de le miner un peu, et il n'a pas l'air de disposer de bandages. Si bien qu'il décide d'empêcher l'écoulement du sang à sa manière: par la brûlure. Je ne peux m'empêcher de lâcher une légère grimace. Les brûlures sont les blessures les plus douloureuses de toutes, ainsi que les plus marquantes. Son torse gardera sans doute une petite cicatrice. Sa besogne accomplie, il m'adresse de nouveau la parole.

ZAQUAL -Tu es un idiot Zaken. Comme je le suis aussi très probablement. Mais tu es un idiot intelligent avec une personnalité intéressante pour quelqu'un comme moi. Tu veux te venger des humains ? Parfait, je veux me venger du monde. Particulièrement des centaures et des humains. Avec des efforts chacun de notre côté, nous pourrions sûrement être d'excellents compagnons de sang. Et qui sait, de bons amis.

Se venger du monde? Moi qui me trouvait parfois ridicule d'en vouloir à une race entière, lui semble encore plus ambitieux que ça. Même s'il semble partager avec moi une certaine aversion envers la race humaine. En plus de ça, il parle d'autre chose... Une possibilité. Celle de lier une amitié avec moi. Vu l'aperçu qu'il m'a donné jusqu'à présent, l'idée me déplaisait au plus haut point. Il semble... Imprévisible. J'ai besoin de me concerter. Aussi, je quémande mentalement mes deux inséparables compères, en espérant qu'ils puissent m'aiguiller correctement.

ZAKEN - J'ai besoin de votre avis. Nous partageons des points communs. Seulement, il a l'air encore plus imprévisible que prévu.

L'attente fut très courte. Les deux voix vinrent me répondre tour à tour: d'abord la moqueuse, puis la rugueuse.

LYLÏ - Il est amusant, ce Zaqual. Il bouge beaucoup. La seule chose qui a l'air de le calmer, c'est la douleur. Peut-être pourrais tu lui servir de catalyseur, petit frère?

DEYN - Tu sais très bien ce que j'en pense, Zaken. Tu n'es pas doué pour te faire des amis. Et nous n'avons besoin de personne d'autre.

Deyn marque un point. Ca fait bien longtemps que je n'ai plus réussi à lier de liens d'amitié avec personne. Cependant, la proposition de Lylï était aussi attirante. Zaqual tente de toute évidence de m'attirer vers sa folie. Et si l'inverse se produisait? Si moi, je l'attirais vers mon mode de pensée? Après un remerciement intérieur envers mes aînés, je tire mon regard du vide pour le poser sur Zaqual. Comme tout le monde, il n'a du y voir qu'une simple absence.

ZAKEN - Amis? Cela fait bien longtemps que je n'ai pas eu d'amis. Et je ne suis pas du genre à me lier avec le premier venu. Laissons les choses évoluer. Nous verrons bien la tournure qu'elles prendront.

Je laisse quelques secondes s'écouler, le temps de retracer mentalement les précédents évènements, et paroles qui m'ont été prononcées. Après ce court instant, je tends une main en sa direction, m'efforçant à rendre ce geste le moins hostile possible.

ZAKEN - Sans animosité, ni rancune.

Il propose de laisser les choses évoluer et attendre. Je suis d'accord. Je vois qu'il me tend une main. Je la vois comme un cessé le feu.

ZAKEN - Sans animosité, sans rancune.

Cette idée plaît.
Je serre donc sa main en lui adressant un sourire honnête.

-Aucune.

Après une seconde de regard dans les yeux l'un envers l'autre, ou ne se faisaient entendre que le bruissement des arbres et le crépitement du feu, nos mains se séparèrent.

-Dormons. Demain, il y aura du chemin. Et si on est assez rapides, on aura droit à un fort plein de bandits pour divertissement après le dîner.
Un sourire en coin se dessine sur ma bouche.

ZAKEN - Dormons, oui. La journée de demain sera... Prometteuse.

Je prends deux minutes pour écouter la chouette, et repenser aux récents événements. J'espère que tout se passera bien.
Ma petite réflexion terminée, je sors mes griffes et m'en sert pour grimper à un arbre après avoir pris deux autres couteaux de lancer au cas où. Je ne crains pas Zaken, mais même dans ses régions, on est pas à l'abri d'une surprise. C'est ainsi que je m'endors, révisant en rêve mes techniques de combat.