Un premier contact

Le silence.
Ce terrifiant silence, précédé par un gémissement de souffrance et un léger son de lame. Le silence qui indique que tout est terminé. Même le vent, le courant du fleuve, les insectes nocturnes semblaient se taire à chaque fois que cela se produisait, à chaque fois que Alissa faisait glisser le tranchant de sa lame contre la gorge d'un pauvre voyageur sans défense.

Quelques pièces d'or, quelques gorgées de sang prélevées à la source. Avec le reste du sang qui coulait de la plaie, la vampire remplira deux petites fioles avant de se débarrasser du corps dans la Normine. C'était ainsi que Alissa subsistait depuis plus d'un siècle. Mais son amour de la mort, grandissant de jours en jours, la poussait à aller plus loin. Elle voulait arrêter de jouer les détrousseurs et voir plus grand : Gota'hac, Olderve, voire même Tacomnal. Mais pour cela il faudrait qu'elle paraisse sympathique ou du moins qu'elle parle à quelqu'un, au moins, avant de le tuer. Cela faisait bien des années qu'elle n'avait pas parlé à un être vivant autre qu'à elle meme ou quelques animaux.

Elle était assise, au bord de la Normine, regardant le sang de ce pauvre bougre se mélanger avec l'eau tandis que le corps filait avec le courant. La vampire était pensive, elle devait faire quelque chose de totalement paradoxal, et elle n'aimait pas les paradoxes. Elle savait qu'elle devait s'ouvrir aux autres pour mieux les poignarder dans le dos. La traîtrise ne lui posait pas de problème, elle avait renoncé à ses principes depuis des décennies. Mais il y avait quelque chose, de plus enfouit en elle, qui faisait qu'elle ne pouvait trahir ses proches. Elle se sentait seule.

C'est alors qu'elle entendit un bruit, non loin de là. Elle se leva et posa sa main sur l'arbalète de poing accrochée à sa ceinture.

- Vous allez le regrett...

La vampire se reprit afin de peut être entamer une conversation avec un possible être vivant.

- Qu.. Qui est là ?

Sa rencontre avec Morathi datait de quatre semaines. Il n'était resté que trois jours dans la Forêt du Calme, le temps de prendre un peu la température auprès de quelques tribus, avec plus ou moins de succès, se faisant généralement repousser. Il n'avait pas pu être mis au courant de quelconques tensions actuelles entre Centaures et Humains et s'était désintéressé de la région. Et même du pays. Sur un coup de tête, il avait décidé de galoper en direction du nord-est, au pays des éleveurs de Lézards. Il ne doutait pas que lui-même, Centaure, serait traité comme un animal là-bas. Il ne comptait pas s'approcher des grandes villes et ne craignait pas d'être capturé : il se disait que ses invocations suffiraient déjà à prévenir sa capture.

Le Normine coulait avec un tout petit peu de remous en cette fin de printemps. Les orages avaient balayé le royaume avant qu'Enkiial n'arrive à destination, et maintenant encore quelques averses subsistaient. Le fleuve perdait de son agitation après quelques crues. Ce point de repère fiable assurait de nombreux lieux idéaux pour la chasse, et le Centaure n'eut aucune peine à trouver de quoi manger. Cette vie sauvage lui convenait parfaitement : il n'avait jamais été un grand adepte des villes. Cependant, la solitude, elle, restait un fardeau certains jours.

C'est alors qu'il la vit. Cette silhouette encapuchonnée, près du fleuve. Enkiial pensa tout de suite à un Humain. Il s'approcha, l'arc dans le dos pour ne pas paraître hostile – il avait d'autres moyens de se défendre en cas de besoin. Il voulut tout d'abord s'assurer que cette personne était seule. Il faisait nuit, aussi Enkiial ne voyait-il pas bien. Obligé de s'approcher assez près pour examiner d'éventuelles traces de présences autres que celles de cette personne, il fut repéré.

C'est une voix de femme qui commença à prononcer une menace mais se coupa net, pour finalement demander d'un ton plus hésitant qui était là. Enkiial se détacha de la végétation pour se présenter à la femme. Jeune femme, au son de sa voix. La hallebarde du Centaure à la robe baie barrait son dos humain. Il s'approcha à trois mètres d'elle et s'arrêta, agitant un peu la queue et jetant quelques coups d'œil aux alentours.

ENKIIAL – Vous êtes seule ?

Qu'est-ce que c'est que ça ?

Alissa vit sortir de l'ombre un grande silhouette quadrupède. Elle fit un pas en arrière avant de reconsidérer la situation, elle avait déjà entendu parler des centaures. Ces créatures hybrides au corps de cheval et buste humain, mais elle n'en avait pourtant jamais rencontré.

- Vous êtes seule ?

Le centaure paraissait aussi méfiant qu'elle, à vrai dire. Peut être pensait-il à une embuscade dont la vampire servait d'appât. La question, aussi anodine soit-elle, avait vexé Alissa. Elle ne savait pas ce qui lui empêchait de planter un carreau entre les deux yeux du centaure. Mais elle se retint et se contenta de répondre, d'un ton méprisant :

- N'ai-je pas l'air assez forte pour vous ?

Elle s'approcha un peu plus de son interlocuteur afin d'appuyer ses paroles.

- Vous pensez que j'ai besoin d'une troupe de mercenaire pour pouvoir tuer une seule créature ?

Quand elle fut assez près du centaure elle dégaina rapidement une de ses dagues et mima une attaque rapide. Sa lame s'arrêta à un cheveu de la peau du centaure. Elle regarda son visage et ajouta :

- Mieux vaut ne pas sous-estimer les jeunes filles armées que l'on rencontre au beau milieu de la nuit.

Elle rangea sa dague et s'éloigna de nouveau du centaure pour se rasseoir au bord du fleuve.

La femme le dévisagea et il fit de même. Il ne voyait pas bien son visage, à cause de l'obscurité de la nuit et du capuchon. La tenue de la femme, au demeurant, semblait parfaite pour se dissimuler dans l'obscurité. En général, les personnages un peu louches dans ce genre ont quelques méfaits sur la conscience – s'ils ont une conscience. Enkiial avait commis plus d'un crime, et parmi les plus abjectes. Il n'en faisait aucun cas de conscience et ce serait une agréable rencontre que de parler à quelqu'un comme lui.

ALISSA – N'ai-je pas l'air assez forte pour vous ?

Le ton était grinçant, presque grincheux. La question d'Enkiial trouvait au moins sa réponse, bien que d'une manière inattendue. La femme se rapprocha de lui et appuya :

ALISSA – Vous pensez que j'ai besoin d'une troupe de mercenaires pour pouvoir tuer une seule créature ?

Le ton virait presque à la menace. En tout cas, une chose était certaine : Enkiial l'avait vexée. Et pour une fois, il vexait quelqu'un sans que ce ne fût son intention ! Cette femme prenait la mouche bien facilement. Enkiial eut un sourire en coin. Il aimait déjà cette femme. Dommage que ce ne fût qu'une Humaine.

Il resta toutefois sur ses gardes : elle continuait de s'approcher de lui d'un air menaçant, et ça, par contre, il n'aimait pas plus que quiconque. Sa queue s'agita mais il ne fit pas de pas en arrière, ne voulant pas lui faire croire qu'elle pouvait obtenir l'ascendant sur lui. Il surveilla les gestes de la femme et anticipa le coup de dague rapide. Bien que simplement mimé, Enkiial le para de son avant-bras, prouvant à la femme que même si elle avait réellement voulu l'égorger, elle aurait raté. Le Centaure se cabra et la repoussa de ses sabots.

ENKIIAL – Que crois-tu, Humaine ? Que tu peux me menacer facilement ? Si tu espères m'intimider, cesse tes efforts vains, je te le dis amicalement.

La femme se rassit au bord du fleuve. Enkiial garda son sourire en coin, et après un bref instant de silence, s'approcha de l'Humaine, gardant tout de même un mètre et demi entre eux deux.

ENKIIAL – Que cherches-tu à me prouver, mmh ? Tu sembles être quelqu'un qui a déjà souvent tué, je me trompe ? Donne-moi ton nom.

- Que cherches-tu à me prouver, mmh ? Tu sembles être quelqu'un qui a déjà souvent tué, je me trompe ? Donne-moi ton nom.

Malgré son physique bestial, ce centaure n'était pas totalement dénué d'intelligence, il avait compris qu'il fallait craindre Alissa, même s'il n'avait pas l'air si inquiet de la présence de l'assassine. Par contre, sa façon de parler déplaisait beaucoup à la vampire. Elle venait de la petite bourgeoisie de Tacomnal, on lui devait le respect. Quoique. Le nom des Karakjen avait du disparaître durant le siècle qu'elle venait de passer. Elle devait surement être la dernière personne "vivante" de sa famille. Elle se retourna vers son interlocuteur d'un air nonchalant :

- Alissa. Mon nom est Alissa. Peu importe mon nom de famille.

Elle se leva et ajouta :

- Tu sais, tu me plais bien, centaure. Tu m'as l'air d'un bon combattant. Que dirais-tu que l'on fasse un bout de chemin ensemble, histoire de me raconter tes plus belles œuvres ?

Pour la vampire, tuer était un art. Par "œuvre", elle entendait "meurtre", "assassinat" voire "massacre" ou "génocide". C'était une chance pour elle d'avoir rencontré quelqu'un qui semblait avoir déjà tué et plus d'une fois. Si son retour en société avait commencé par une rencontre avec un être pacifique ou un de ces poivrot de marchands, Alissa l'aurait déjà vidé de son sang.

La femme cessa de lui tourner le dos et se présenta :

ALISSA – Alissa. Mon nom est Alissa. Peu importe mon nom de famille.

Son nom de famille ? Parce qu'elle en avait un ? Dans cette tenue, Enkiial ne l'imaginait pas sortie d'un manoir bourgeois et encore moins d'un château. Enkiial serait déçu d'apprendre que cette femme était une bourgeoise. Les Humains de la « haute société », comme ils disaient, étaient les pires. Le plus grand rival d'Enkiial n'avait-il pas été un baron ? En tant que Centaure, il n'avait pas l'usage des noms de famille, mais que cette femme précisât en avoir un avait une signification déplaisante.

ALISSA – Tu sais, tu me plais bien, Centaure. Tu m'as l'air d'un bon combattant. Que dirais-tu que l'on fasse un bout de chemin ensemble, histoire de me raconter tes plus belles œuvres ?

Ses plus belles œuvres ? Les plus belles œuvres d'Enkiial avaient été de commettre des crimes abjectes aux yeux d'un Humain, il n'était vraiment pas sûr que cela put intéresser une bourgeoise d'Humaine. Cependant, cela pourrait être amusant de voir sa réaction en l'entendant s'en enorgueillir ; cette pensée lui dessina un sourire malsain.

ENKIIAL – Soit, je suis sûr que cela te plaira de les écouter.

Il prit un ton ironique, pensant bel et bien avoir affaire à une bourgeoise bien-pensante. Pourtant, il se refit la réflexion : cette femme n'en avait pas les atours, ni les manières. Elle avait accueilli Enkiial en essayant de lui poser une lame sous la gorge – bien qu'Enkiial eût paré son geste. Quelle Humaine de « bonnes mœurs » se comportait ainsi ? Il devait en savoir plus. Il ne savait pas encore à qui il avait affaire.

ENKIIAL – Mais avant tout, dis-moi : pourquoi aurais-tu un nom de famille ? Tu n'as pas les parures ni les manières d'une bourgeoise.

- Soit, je suis sûr que cela te plaira de les écouter.

Le sourire qui se dessina sur le visage du centaure plu beaucoup à la vampire, il révélait un tempérament cruel et sanguinaire. Elle en fit de même derrière son masque. Mais ce sourire s'effaça quand Enkiial lui posa une question pour le moins étrange :

- Mais avant tout, dis-moi : pourquoi aurais-tu un nom de famille ? Tu n'as pas les parures ni les manières d'une bourgeoise.

Alissa soupira profondément pour exprimer sa lassitude. Elle fixa le centaure de ses grands yeux saphir, histoire de le jauger un peu, savoir si elle pouvait lui raconter son histoire ou lui faire juste les grandes lignes. Elle opta pour la deuxième option. Elle n'était pas encore prête à faire confiance, après toutes ces années d'exil.

- Par où commencer ..

Tout d'abord elle rabattit sa capuche et son masque afin de lui dévoiler son visage. Ses longs cheveux noirs, libérés, se mouvèrent au gré du vent et sa peau blanche ressortait beaucoup dans le noir de la nuit.

- Je dois être la dernière représentante de la famille Karakjen, autrefois puissante famille de Tacomnal. Il y a quelques années ( pour ne pas dire siècles ) j'ai abandonné la vie de sombre bourgeoise de merde pour découvrir le pays et vivre ma propre vie et non celle de mes ancêtres. J'ai renoncé au parures et autres colifichets que m'offrait mon titre.

Cette question provoqua un long soupir. Enkiial eut l'impression que la femme devait répondre trop souvent à cette question et exprimait sa lassitude. En même temps, elle n'avait ni la tenue ni le comportement d'une bourgeoise mais prétendait avoir un nom de famille. Il était normal que l'on s'en étonne, non ? Enkiial ne connaissait pas à ce point la société humaine pour savoir que d'autres circonstances peuvent amener à porter un nom de famille, et il s'agit généralement d'une question de réputation, soit-elle bonne ou mauvaise. Les maîtres artisans par exemple, peuvent porter des noms de famille. Mais même si Enkiial avait su cela, la question aurait demeuré : elle n'avait pas non plus l'allure d'un artisan, mais bien d'une voyageuse. Une voyageuse de nuit qui aime camoufler son visage. Quelque chose intriguait Enkiial chez cette femme, il y avait anguille sous roche. Et puis en général, dans les sociétés humaines, les femmes ne voyagent pas, elles n'ont pas les mêmes droits et libertés que les hommes. Enkiial n'avait jamais bien compris pourquoi car cela n'entrait pas dans la culture centaure, mais c'est en tout cas un fait dont il avait connaissance.

La femme chercha ses mots, et rabattit sa capuche et son foulard. Elle fixait le Centaure qui la dévisageait en retour, agitant machinalement la queue à intervalles irréguliers. Le visage de la femme absorbait la lueur pâle de la lune.

ALISSA – Je dois être la dernière représentante de la famille Karakjen, autrefois puissante famille de Tacomnal. Il y a quelques années, pour ne pas dire siècles, j'ai abandonné la vie de sombre bourgeoise de merde pour découvrir le pays et vivre ma propre vie et non celle de mes ancêtres. J'ai renoncé au parures et autres colifichets que m'offrait mon titre.

Si elle qualifiait son ancienne vie de celle d'une « sombre bourgeoise de merde », c'est qu'elle n'en avait plus gardé grand-chose. Une bourgeoise refoulée, voilà ce qu'elle était en quelque s... Quoi ?! Quelques siècles ?!

Enkiial percuta avec une latence. Cette femme avait abandonné son ancienne vie de bourgeois il y a de cela quelques siècles ?! A moins que ce ne soit qu'une expression pour dire que le temps lui avait paru extrêmement long, une telle phrase ne pouvait signifier qu'une seule chose : cette femme n'était pas une Humaine. Alors quoi, une Demi-sang ? Difficile à dire comme ça, en pleine nuit. Ce n'était ni une Demi-Drow ni une Demi-Orque en tout cas, car même sous la lune, si près d'elle, Enkiial l'aurait remarqué. Ce devait donc être une Demi-Elfe. Il lui faudrait voir ses oreilles pour confirmer.

ENKIIAL – Attends, quel âge as-tu ? Tu parles de plusieurs siècles... Tu es une Demi-Elfe ?

Ce centaure n'était pas stupide comme Alissa avait entendu dire de ces quadrupèdes. Elle avait fait l'erreur de dire qu'elle avait plus d'un siècle de vie derrière elle. Sombre abrutie ... Elle ouvrit la bouche sans pouvoir sortir un mot en fuyant du regard, comme pour chercher une échappatoire de dernière minutes, puis elle abandonna.

- Je .. Je suis maudite. Un chaman à qui j'avais mal parlé m'a rendu immortelle.

C'était peu probable, mais c'est tout ce que la vampire avait trouvé à dire pour ne pas dévoiler le fait sa vraie nature de créature de la nuit.

- Je suis condamnée à vivre. C'est bête, dit comme ça mais c'est une terrible souffrance.

Ces nombreuses années à se taire avait rendue Alissa trop bavarde. Elle en disait trop. Elle dévoilait trop vite ses faiblesses. Enkiial pourrait en tirer profit, et ce serait le drame. La vampire entendit un bruit, non loin. Un bruit de pas, sûrement un marchand ou un bandit. C'était une occasion rêvée de se rattraper par rapport à ce qu'elle venait de dire. Il fallait qu'elle prouve au centaure que ce n'était pas une petite fleur fragile. Les pas se rapprochaient, il étaient très légers et pourtant très proches, plus que quelques secondes et la vampire pourrait dévoiler son talent de chasseuse. Maintenant, c'était le bon moment.

- Excuse moi une minute.

Elle sortit son arbalète de poing, l'arma et visa derrière le centaure. Dès que la cible potentielle fut visible, elle tira. Le carreau se planta dans le sternum du pauvre voyageur, produisant un craquement sonore et l'inconnu tomba, raide mort. Personne ne saura qui était ce pauvre bougre, et à vrai dire, Alissa n'en avait cure. Elle rangea nonchalamment son arme et s'adressa de nouveau au centaure.

- Bref, où en étions nous ?

L'indifférence sur le visage de la jeune femme était déconcertante. Elle jetait simplement quelques coups d’œil en direction du corps en se demandant s'il y avait quelque chose d'intéressant dans sa bourse.

Enkiial fit mouche avec cette question. Apparemment, la femme avait lâché une information qui lui avait échappé. Elle ouvrit la bouche pour vite dire quelque chose mais rien ne sortit, ce qui lui laissa une expression idiote sur le visage. Son regard fuit, mais Enkiial attendit d'autant plus la réponse qu'elle allait donner. Finalement, la femme dévoila être maudite. Ce n'était même pas ce à quoi Enkiial s'attendait. Une malédiction qui condamnait cette femme à vivre... sous-entendu : “pour l'éternité”. Cette femme ne vieillissait donc pas ? Pourquoi lui aurait-on jeté un tel sort ? En tout cas, le maléficien avait réussi son coup puisqu'Alissa parlait de cela comme d'une malédiction et d'une « terrible souffrance ».

C'était sans doute cela qui intriguait Enkiial chez cette femme depuis le début. La pièce manquante pour comprendre le genre de personnes qu'il avait face à lui. Une ancienne bourgeoise, reniant sa vie, et ne pouvant vieillir, lassée de vivre et attendant la mort comme une délivrance. Ce genre de personnes devaient être prêtes à tout et n'importe quoi, au risque les plus fous, puisqu'elles n'avaient plus rien à perdre. Alissa devait voir la mort comme une amie éloignée et ne devait pas avoir peur d'aller à sa rencontre. Une personnalité intéressante...

Le Centaure perçut un bruit de pas se rapprochant d'eux. Il ne devait y avoir qu'une seule personne, si ses oreilles fines ne le trompaient pas. Il tourna la tête, attendant que l'inconnu soit suffisamment proche pour être visible. Alissa fut moins passive : elle fit signe à Enkiial de la laisser faire, arma son arbalète et visa. Enkiial haussa les sourcils, en se demandant pourquoi elle faisait cela, mais puisqu'il en fut amusé, il ne fit rien pour empêcher le futur crime.

La personne apparut, un Humain de stature moyenne, sans armure, qui n'eut même pas le temps de regarder les deux personnes vers qui il avançait sans le savoir : le carreau d'arbalète fila droit dans son sternum, le tuant sur le coup. Alissa rangea son arbalète, et le plus nonchalamment du monde, dit :

ALISSA –  Bref, où en étions-nous ?

Whow. Juste : whow.
Cette femme venait d'abattre de sang froid et gratuitement un illustre inconnu qui passait par là, qui ne les avait même pas vus, qui n'avait pas dit un mot et n'avait rien fait du tout pour les contrarier. Juste comme ça. Le plaisir de tuer à l'état brut. Cet Humain venait d'être abattu pour rien. Rien du tout. C'était gratuit, bête, sans raison.
Enkiial était choqué d'être tombé sur une personne capable de ça. Il n'en avait pas connues beaucoup dans sa vie. Même le Baron de Lamphie avait agi par haine, par honneur, par bêtise, quoi qu'il en soit, ses agissements avaient eu une explication, quelle qu'elle fût ; là, il n'y avait juste rien. Alissa ne gagnait strictement rien dans ce qu'elle venait de commettre.
Whow.

ENKIIAL – Tu pourrais au moins aller le dépouiller, histoire de ne pas l'avoir tué pour rien.