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Chasse à la sorcière

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Message  Eol Dim 11 Aoû 2019 - 14:50

- Ses traces sont presque invisibles, chef. Je te paris que c’est une femelle elfe. Mais tu te souviens de la drow de la dernière fois ? Les elfes sont trop puissants, et j’ai besoin de plus d’hommes qu’un demi-drow idiot pour réussir à en capturer un.
- Mon cher ami, sur la défaite il ne faut pas que tu paris. La dernière fois s'est jouée de malchance mais à présent je te fais totalement confiance. Demain sera un bon jour, tu es le meilleur encore et pour toujours !
- Baratin de radin! Cette elfe est trop puissante ! J’ai remarqué des marques qui ne laissent aucun doute : elle utilise la magie. Et contre ça, Eol vaut rien. J’ai besoin de plus d’hommes pour capturer cette esclave. Et tu le regretteras pas, tu connais mieux que moi la valeur d’une esclave elfe pratiquant la magie…
- Bien… j’entends ta requête, mauviette…

Mon maître regarde Thyou. Il pose sa main sur sa barbe. Elle est rousse par endroit. J’aime bien cette couleur. Ça me rappelle les couchers de soleil en automne.

- Tu es sûr de toi, concernant les capacités de la proie ?
- J’en donnerais ma main à couper, chef.
- Dans ce cas, pas le choix. Je m'en vais mander les services de la Vipère, à l’auberge de la Bergère.
- Par les sept ! La Vipère ? Ce fol qui a bouffé les yeux de l’halfelin qui a osé le regardé en face ?
- Celui-là même. Et cesse ces blasphèmes.
- C’est que… chef… cette énergumène est dérangée. Il est puissant, c’est sûr, mais… il risque de pas rester grand-chose de l’elfe après son passage…

Mon maître rit. Il ne répond pas et il s'en va. Je baisse les yeux sur ma cheville. Je regarde la chaîne qui me maintien accroché à un arbre. Elle est trop serrée. Ça fait mal. Ça m’empêche de dormir. J’entends Thyou marcher vers moi. Il me donne un coup de pied.

- Dégage de mon chemin !

Je me pousse. Thyou est énervé. C’est très mauvais signe. Il s’assoit près du feu. Il lève la tête vers le ciel. Je regarde les étoiles avec lui. Thyou finit par pousser un long soupir et murmurer :

- Hé, le drow ! Demain on travaillera avec la Vipère pour traquer une elfe. Ce mec est dérangé, alors pas un mot en sa présence, c’est compris ?
- C'est compris.
- Et ne le regarde jamais dans les yeux, il déteste ça.

Ce n’est pas la peine de me le dire. Je ne regarde jamais les gens dans les yeux. Mais je ne dis rien. Je suis fatigué. Je ferme les yeux. Je pense à Nïn et à Yawldaec. Depuis un an, je ne pense qu’à eux quand je m’endors. Avant, je pensais à Théobald et Egfroi. Mais j’ai fini par oublier leur visage. Ça me rend triste. J’ai peur d’oublier celui de Nïn et celui de Yawldaec. Alors je me concentre très fort sur leurs traits, tous les soirs, pour ne jamais oublier.
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Message  Nïn Dim 11 Aoû 2019 - 18:20

Les pattes de la panthère se posent doucement sur la branche de l'arbre sur laquelle elle s'est laissé tomber. Les yeux de l'animal sont fixés sur le sol, où un oiseau grignote ce qui doit être un insecte. L'once s'accroupit. Sa queue frétille. Elle se laisse soudain tomber de la branche, qui émet un léger bruissement. Léger, mais les bois sont silencieux. L'oiseau s'envole instantanément, échappant de justesse aux griffes du félin, qui en feule de frustration. Les contours de l'animal se troublent et, à sa place, une fine silhouette reprend sa posture bipède, en gémissant.

Nïn a faim. Elle ne sait pas depuis combien de temps elle n'a rien avalé. Ses connaissances en matière de plantes lui permettent de vivoter et il lui arrive d'attraper une proie, mais tout cela se fait rare, ces derniers temps. Elle sait qu'elle est sans doute trop proche des habitats humains pour cela. Mais c'est plus fort qu'elle, elle ne peut pas s'empêcher. Elle sait pourtant que c'est risqué. Elle risque de se faire capturer. Et la pierre avec elle. La pierre dont elle doit trouver les pouvoirs pour Schizae, ou qu'elle doit détruire pour le dragon. La pierre qui avait réagi, sans qu'elle comprenne comment, par quel moyen, juste avant l'incident...

A cette pensée, elle serre les poings, à s'enfoncer les ongles dans sa chair. Eol... Elle a trop mal d'y penser. Elle risque de mettre encore le feu. Et ça aussi, c'est très risqué. Plus encore lorsqu'elle se trouve aussi loin du coeur des bois qu'elle l'est là. Elle se force à reprendre sa recherche. Au bout de quelques heures, elle finit par déterrer quelques racines, à peine nourrissantes. Mais c'est déjà ça. Puis elle s'endort, épuisée, serrant la pierre contre elle, comme à chaque fois qu'elle dort. Elle y trouve un certain réconfort.

Quand elle se réveille, la première chose qui la frappe est la qualité du silence qui règne autour d'elle. Elle comprend immédiatement qu'elle n'est pas seule. Ses battements de coeur s'accélèrent. Une partie d'elle-même lui hurle de fuir, de s'enfoncer dans les bois, de disparaître. Elle la fait taire. Si ce qu'on lui a dit est vrai, si la description qui lui a été donnée était fidèle, et si elle ne s'est pas emballée trop vite... Cela fait peut-être beaucoup de si. Surtout pour la sécurité de la pierre. Mais il est trop tard pour reculer. Et elle doit retrouver Eol.

Le plus rapidement possible, elle revêt sa forme d'once, puis prend la direction d'un vieil arbre, qu'elle a repéré il y a quelques jours. L'arbre lui inspire confiance. C'est le meilleur gardien qu'elle ait trouvé. Et elle sait qu'elle parviendra à le retrouver, si tout se passe comme elle l'espère. Et si ce n'est pas le cas... Une fois encore, elle s'efforce de détourner ses pensées. Ne pas penser à Schizae. Ne pas penser à la déception de la jeune maîtresse qui doit l'attendre. Au risque, une fois encore, de se perdre dans les flammes qu'éveillent la conscience de ses échecs.

Une fois la pierre en sécurité au milieu des racines du vieil arbre, elle prend le chemin du retour, en prenant soin de passer par les branches des arbres, de sorte à ce qu'aucune piste ne puisse mener à son trésor. Une fois assez éloignée, elle reprend sa forme bipède et rejoint le sol. Aux signes que lui renvoient les bois, ses habitants demeurent sur le qui-vive. Nïn connaît bien les plantes et les animaux. Toutefois, elle n'est pas une pisteuse, elle ne saurait traquer une proie. Ou un intrus. En revanche, elle peut le guetter à l'ouïe.

Les guetter, au bruit qu'ils font. De nouveau, son coeur s'accélère. Elle sait qu'elle risque gros. Si elle se fait capturer, et emmener loin, et qu'elle ne parvient plus jamais à retrouver Eol et Schizae... Elle secoue la tête. C'est justement parce-qu'elle doit les retrouver qu'elle ne doit pas s'enfuir. Qu'elle doit prendre ce risque. Elle leur a failli. Il lui faut rattraper sa faute. Coûte que coûte.
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Message  Eol Lun 12 Aoû 2019 - 12:08

Thyou, le traqueur


Je piste cette maudite elfe depuis bientôt trois heures. Trois heures passées aux côtés de la Vipère, de quoi me glacer le sang. Je ne le regarde jamais dans les yeux, j’essaie juste de me concentrer sur les traces laissées au sol, mais cela ne m’empêche pas d’entendre les murmures de l’homme qui marche derrière moi. Enfin, si on peut appeler ça un « homme ». Il parle avec une voix gutturale, entrecoupée de propos prononcés d'une voix enfantine encore plus effrayante que la première. Il semble se parler à lui même :

- J’ai encore jamais goûté à de l’elfe…
- Mais on n’a pas le droit de la manger, on nous a dit de l’attraper.
- Ce n’est pas la présence d’un coquin et d’un sang-mêlé qui me gênera pour prélever quelques morceaux de la gueuse aux oreilles pointues !
- Il ne faut pas la manger, c’est mal. Très mal !
- Peu me chaut ! Je veux connaître le goût de l’elfe et je le connaitrais avant ce soir ! Ha ha ha !


Je m’écarte et laisse Eol entre la Vipère et moi. La baraque humaine commence à s’agiter toute seule, lançant ses bras dans tous les sens et poussant de petits cris aigus de bébé affolé. Et entre deux gémissements, il recommence à murmurer pour lui-même :

- Maman dit qu’on ne doit pas faire de mal aux autres. Elle nous frappera si on recommence.
- Cette ribaude ne peut plus nous blesser, ses restes pourrissent là où on les a laissés. Ne t’inquiète plus de ça et laisse moi faire ce que je veux.


D’un mouvement sec, il crache sur le demi-elfe. Un instant, j’ai peur qu’Eol réagisse et je lui lance un coup de pied pour qu’il tombe au sol, ce qui provoque un effrayant fou rire chez la Vipère. Le demi-drow se relève sans dire le moindre mot et frotte le crachat de son bras avec un air dégoûté. Je lâche un soupir de soulagement en le remerciant intérieurement d’avoir bien retenu ce que je lui avais dit la veille. Eol ne prononce pas un seul mot, et c’est ce qui va nous sauver la peau.

Je continue ma traque en essayant de ne pas penser à toutes les personnes qui ont osé braver la Vipère. Je me concentre sur cette touffe d’herbe légèrement aplatie en tentant en vain de ne pas faire remonter le souvenir de ce gamin à qui le fol a arraché littéralement la langue pour avoir prononcé un mot de travers à son égard.

Je trouve une seconde trace non loin de la première. Je ne suis pas sûr de moi, mais je n’ai pas d’autre indice pour le moment, alors je mène le groupe plus en avant. Eol s’approche de moi et, étrangement, je trouve sa présence presque réconfortante. Derrière nous, la Vipère continue à murmurer des discours insensés. Le gros bonhomme gesticule et se met à insulter le vide. Je n’ai pas du tout envie de savoir ce qu’il voit. Il tire sa langue bifide en direction d’un arbre et la vue de cet organe inflammé et purulent me donne envie de vomir. Je me souviens encore du jour où il a coupé sa langue en deux dans le sens de la longueur pour la faire ressembler à celle d’un serpent. J’étais attablé un peu plus loin quand il est passé à l’acte. Il pissait le sang par la bouche, mais au lieu de grimacer de douleur, son visage exprimait une jubilation sans borne. Le fol prenait un plaisir certain à mutiler sa propre chaire. Par la suite, il a également limé ses dents pour les rendre plus pointues que celles d'un requin, plus acérées que la lame d'un rasoir. Depuis, ses morsures sont réputées pour être mortelles.

- C’est long, j’en ai assez !

La Vipère crie tout en poussant Eol d’un violent coup de pied. Le demi-drow a beau être solide, il vole littéralement jusqu’à l’arbre le plus proche pour s’y écraser. Je regarde l’esclave se redresser en se frottant les côtes et, un instant, je ressens presque de la compassion pour cette créature qui m’accompagne depuis un an déjà.

- On se rapproche, les traces sont de plus en plus fraîches. Un tout petit peu de patience…

Au pied de l’arbre, Eol se redresse et se remet à marcher sans prononcer le moindre mot. Une chance qu’il soit idiot et docile. S’il avait tenté de se rebeller, la Vipère n’en aurait fait qu’une bouchée, et je me serais retrouvé seul avec lui, quelle horreur.

Oh ! Mais quelle est cette marque juste ici ? Je me baisse au sol et m’exclame à l’attention des deux autres :

- Dégainez vos armes et passez devant. Notre proie est dans les parages.

La Vipère pousse un cri d'enfant excité et il attrape sa masse d'arme en la faisant voltiger aussi aisément que s'il s'agissait d'un petit bout de bois. Je l'imagine sans mal décapiter deux ou trois humains d'un seul mouvement. Excité, il sautille d'un pied sur l'autre en regardant dans tous les sens. Par réflexe, je m'éloigne un peu et laisse Eol me contourner pour rejoindre l'autre au poste de combat. Avec une certaine grâce, il dégaine à son tour un cimeterre et se campe solidement sur ses deux jambes. Ses yeux sont à l'affut du moindre mouvement et il est prêt à se battre.
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Message  Nïn Mar 13 Aoû 2019 - 12:46

Même sans son oreille de panthère, Nïn les aurait entendu arriver de loin. A tel point qu'ils lui ont mis le doute sur leurs intentions. Sont-ils bien en train de la traquer ? En faisant tout ce bruit ? Ou, pour être plus juste, alors que l'un d'entre eux fait tant de bruit ? Car les deux autres ont davantage une attitude de chasse. Et c'est ce qui l'a convaincue de ne pas rejoindre les branches des arbres pour disparaître. Ca, et l'arrêt qu'ils ont finalement fait, à peu de distance d'elle. A ce moment, elle a senti l'attitude du bavard se modifier. D'abord, il a enfin cessé de parler. Des armes ont été dégainées. Les démarches se sont faites plus précises.

Nïn sent un frisson la parcourir. Elle n'a pas élaboré de plan quant à la suite des événements. Elle n'élabore pas de plan. Ce n'est pas le rôle d'un esclave. Les maîtres font les plans. Les esclaves suivent les ordres. Mais cela pose problème, elle l'a remarqué, lorsqu'il faut agir alors que les maîtres ne sont pas auprès des esclaves, et n'ont pas laissé d'instructions dans le cas où les esclaves devraient les retrouver par leurs propres moyens.

Elle décide qu'elle avisera quand elle sera face à Eol. Elle se refuse à penser que cela puisse n'être pas lui. On lui a parlé d'un demi-drow, dont la description ressemble à celle d'Eol. Un demi-drow qui capture des esclaves. Elle doit donc se faire capturer par lui. Certes, on lui a dit que le demi-drow était lui-même un esclave. Ce qui ne correspond pas à Eol. Il est son maître. Pas un esclave. Mais elle a bien vu comme il pouvait se trouver à obéir à d'autres personnes. Il le faisait avec son demi-frère. Avant de le tuer. Pour la protéger, elle.

Lentement, elle sort du fourré dans lequel elle se tenait. Elle s'approche des trois individus. Émerge des feuillages, le souffle bloqué par l'attente, son coeur battant la chamade, si fort que les trois intrus doivent l'entendre avant de la voir.

Elle se fige.

C'est lui. C'est Eol. Qui pointe une arme vers elle. Elle ne voie que lui. Elle ne peut plus bouger. Ses jambes ne lui répondent plus. Elle sent la tête lui tourner. Cela fait si longtemps. Elle l'a tellement cherché. A tellement voulu le retrouver. Comme une nécessité. Et maintenant, il est là. Et tout va s'arranger. Comme une nécessité.
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Message  Eol Mer 14 Aoû 2019 - 21:39

Thyou, le traqueur


Il n’y a plus aucun bruit. L’apparition a cloué le bec de la Vipère dont la respiration sifflante et rapide trahi son état d’excitation. Ses yeux roulent dans ses orbites pour contempler notre proie qui, contre toute attente, s’est présentée d’elle-même à nous. Je n’avais pas du tout prévu cela. Le plan de base était de nous diviser pour laisser la bruyante Vipère faire fuir notre proie tout droit dans le piège qu’Eol et moi aurions formé. Mais voilà qu’avant même que nous nous séparions, l’elfe se présente face à nous. Elle doit être vraiment puissante pour agir de la sorte.

Sa chevelure noire et blanche vole légèrement dans la brise. La famine a laissé des traces sur son corps frêle. Ses deux grands yeux d’un bleu glacial son fixés sur Eol. La garce doit s’imaginer que, de par l’avantage de son sang, le demi-Drow est le seul de ses adversaires à pouvoir faire le poids contre elle. Mais elle fait erreur. Je ne lui permettrais pas d’avoir le dessus. Elle nous prend par surprise, mais je réagis immédiatement en encochant une flèche à mon arc. Je tire si rapidement que personne n’a le temps de comprendre ce qu’il se passe. J’encoche une seconde flèche et tire à nouveau. J’ai visé ses cuisses, n’en déplaise au chef. Je sais bien qu’il ne faut pas abimer la marchandise, mais là, je ne le sens vraiment pas. Mieux vaut déroger aux règles plutôt que de finir refroidi par une catin d’elfe.

La Vipère n’a pas attendu pour partir à l’attaque. Je n’ai pas le temps de regarder ce qu’il fait qu’une masse me plaque à terre.

- Mordiable ! Lâche-moi !

Je n’arrive pas à en dire plus car le demi-drow m’étouffe de tout son poids. Il s’est jeté sur moi et s’apprête à m'étrangler en hurlant des propos insensés.

- Ne l’abime pas ! C’est à moi !

Parbleu, mais c’est qu’il perd la raison ! D’un mouvement du bassin, je libère le bas de mon corps pour effectuer une passe de jambe et caler son cou au creux de mon genou. Je tire brusquement sur ma cuisse pour le projeter en arrière, mais le bougre est si baraqué que son buste n’imprime qu’un léger mouvement de recul, ce qui est suffisant pour que je me libère de son étreinte. Je roule plus loin en l’insultant.

- Bâtard ! Tu dois m’obéir et je t’interdis de poser la main sur ma personne !

Par Méphiti… je n’ai jamais vu l’idiot avoir un tel regard. Ses yeux gris sont plantés dans les miens, lui qui n’a jusqu’alors jamais osé me regarder. Je contemple sa colère et comprends qu’il est prêt à me tuer. Il se redresse pour me hurler dessus.

- C’est à moi ! C’EST A MOI ! A MOI ! A MOI !

Dieux, serait-il en train de parler de l’elfe ? Il récupère son arme et s'apprête à me trancher la gorge. Je dois réagir rapidement si je ne veux pas mourir. Son cimeterre vole vers mon visage et j’esquive, mais pas assez vite. Ma joue s’éclate et le sang gicle jusqu’au demi-drow. Son visage ensanglanté est la personnification de la folie. Je dois sauver ma vie, et vite.

- C’est à toi ! Oui, c’est à toi et à toi seulement, je n’y toucherais plus. Calme toi !

Il avance droit vers moi et lève son arme. Je vais mourir. Désespéré, je lance une dernière tentative.

- La Vipère va la tuer ! Regarde !

Défiguré par la colère, son œil fou vrille un instant sur le côté et le gaillard se rend compte que j’ai raison. Je ne sais pas très bien ce qu’il se passe de l’autre côté. La Vipère pousse des hurlements de bébé diabolique en attaquant l’elfe. Peut-être l'ai-je blessée, je ne saurais le dire. En tout cas, Eol se jette vers eux.

Je me laisse alors glisser au sol en respirant rapidement. J’ai évité la mort de si peu… ! Un instant, j’ai cru m’être trouvé face à Méphiti elle-même. Jamais, ô grand jamais, quelqu’un ne m’avait fait aussi peur que ce fou furieux. A côté de ce que je viens de voir, même la Vipère n’est qu’un enfant de cœur…
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Message  Nïn Ven 16 Aoû 2019 - 23:57

Rien n'existe plus d'autre pour elle que cette apparition, qui a pénétré sa réalité, et oblitère tout le reste. Il est là. C'est tout ce qui compte. Et pourtant, le reste se fraie un chemin. Violemment.

Une forte douleur explose soudain dans sa jambe. Sa jambe qu'elle ne sentait plus, un instant plus tôt, et qui se rappelle brutalement à elle. L'instant explose sous la douleur, et les éléments qui l'entourent reprennent leur place sous la contrainte. Eol n'est pas seul. Et l'un des humains qui l'accompagne vient de tirer sur la demi-elfe. Il décoche une autre flèche. Dans le même temps, l'autre humain se lance vers elle, masse en avant.

Nïn se laisse tomber au sol, de sorte à éviter la flèche, roule, veut se relever... Sa jambe blessée l'empêche d'être aussi prompte qu'elle l'aurait voulu, et l'autre est immédiatement sur elle. Il tente de lui asséner un coup de sa masse monstrueuse, qu'elle esquive avec peine. Sa jambe répond mal. Et il ne fait aucun doute que cela va devenir pire, si elle n'a pas l'occasion de retirer la flèche, et de se soigner un minimum.

Le coup suivant la cueille au côté et la projette au sol, duquel elle ne cherche pas à se relever. Elle ne se fait pas d'illusion. Elle sait se battre, mais sa blessure ne lui permettra pas de tenir tête à un homme en pleine forme, armé qui plus est d'une masse d'arme effrayante, quant elle n'a que ses poings et pieds. Pas moyen non plus de se transformer. Sa patte blessée l'empêcherait tout autant de se battre, ainsi que de fuir. Et il n'est, de toute façon, pas question d'abandonner Eol, maintenant qu'elle l'a retrouvé.

Alors que l'homme, dans les yeux duquel elle peut lire une soif de sang qui la fait frémir, lève son arme pour l'abattre sur elle, elle lève la main, dans un geste qui peut sembler dérisoire. Mais qui ne l'est pas. Car une flamme s'en échappe, qui bondit à l'assaut de son assaillant, et embrase instantanément ses vêtements. Nïn ne cherche pas à contrôler ce feu. Elle a trop peur, si elle cherchait à le faire, d'être dévorée par la faim des flammes, et de s'oublier. Même si elle songe une fraction de seconde à accompagner sa flamme pour l'aider à s'insinuer dans les chairs ennemies, elle résiste à la tentation.

Toutefois, la réaction de son adversaire la surprend. Dans un tel cas, elle aurait été prête à parier que l'ennemi la laisserait tranquille, au moins le temps d'éteindre le feu de ses vêtements. Mais ce n'est même pas le cas. L'homme, face à elle, hurle. Mais elle ne saurait même pas dire si c'est la souffrance des brûlures qui le fait crier ainsi. Il n'essaie même pas d'éteindre le feu qui se propage à ses cheveux.

Nïn sent la frayeur l'envahir, et elle recule tant bien que mal. Mais l'homme avance vers elle. Hurlant toujours, il lève l'arme que le feu l'avait obligé à baisser, et s'apprête à frapper la demi-elfe. Alors cette fois-ci, c'est elle qui s'embrase. Elle n'a pas réfléchi. N'a pas contrôlé. Le feu a réagi à sa peur. Et, comme elle, il gronde et enfle. Les flammes qui partent à l'assaut de l'assaillant sont cette fois plus nombreuses.
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Message  Eol Mer 21 Aoû 2019 - 10:50

L'herbe est rouge. Elle brille quand les rayons du soleil l'atteignent. Elle brille parce qu'elle est mouillée. Mouillée par du sang. Et ce sang, c'est celui de Nïn. Et c'est le mien aussi, parce que Nïn m'appartient tout entière. Je le regarde et ça me fait mal à l'intérieur. Je ne veux pas que ce sang soit dans l'herbe. Je veux qu'il soit dans Nïn. Alors je crie encore.

- C'est à moi !

Et je frappe. Je frappe le feu. Je frappe l'homme derrière le feu. Ça me brule parce qu'il brule.

- Pas cuite ! Je la veux crue, saignante, bleue !

Sa voix change. Elle devient aigüe, comme celle d'un enfant excité par un jeu :

- bleue, bleue, blllleuleueleleuleu bleuleuleuleuleu ! Hi hii hiiiii !

Il brule et ça le fait rire. Moi aussi je brule, parce que mes mains touchent le feu. Mais je ne le sens pas. Je sens juste de la colère. De la colère dans tout mon corps. Elle a pris le contrôle. Elle a anesthésié mes mains brulées. Et je frappe celui qui fait couler le sang de Nïn. Mon cimeterre lui traverse l'avant-bras. Mais la Vipère plie le coude et tourne son membre. Ma lame reste enfoncée entre ses os et son mouvement est trop puissant pour moi. Je lâche mon arme. La Vipère l'attrape et la retire de son bras. Il la lance loin. Il m'attrape par le cou. Les flammes m'aveuglent. J'ai mal à mon oreille gauche. J'ai mal à mes mains qui brulent. Et tout à coup je sens le vent sur mon corps. Et un arbre dans mon dos. J'ai été projeté. J'ouvre les yeux. La Vipère est sur Nïn. Et dans sa bouche, il y a mon oreille. Je ne l’ai aperçue qu'une seconde. Parce qu'il l'a avalée.

Nïn est en flamme. La Vipère aussi. Il lui tient le bras. Il la tire vers son visage. Il ouvre la bouche. Ses dents sont jaunes. Et rouges. Et pointues. On dirait des crocs de loups. Elles s'enfoncent dans la chaire de Nïn. Il referme sa gueule. Il va lui arracher le bras. Alors j'attrape mon arc. Vite, très vite. Je décoche une flèche. Elle brille comme une étoile filante. Elle vole droit vers la Vipère. Elle lui traverse l’œil. Il pousse un hurlement en lâchant Nïn. Il se tient la tête et roule sur lui-même. Il s'éteint dans l'herbe, mais sa peau a déjà été mangée par les flammes. Il sent le cochon trop cuit. Son torse est tout rouge. Ses épaules sont pleines de cloques. Et ses bras son carbonisés. Ils sont violets. Bleus. Noirs. Blancs. La peau ne recouvre plus ses os. Il pousse des cris. Ou alors il rit, je ne suis pas sûr.

De l'autre côté, Nïn est en feu. Je ne veux pas qu'elle devienne comme la Vipère. Je ne veux pas que sa peau fonde. Je ne veux pas voir ses os. Je dois l'éteindre vite. Alors je me lève mais tout devient noir. Je tombe par terre. J'ai mal à l'arrière du crâne. On m'a frappé. On m'a assommé.

C'est Thyou.

Je vois ses pieds qui s'approchent de Nïn. Je vois... je vois... je ne vois plus rien.

Je perds connaissance.
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Message  Nïn Sam 24 Aoû 2019 - 2:39

Un démon. L'homme qui lui fait face est un démon. Nïn le regarde avec horreur, continuer de s'approcher d'elle malgré le feu, abattre son arme malgré le feu. Sur elle. Sur la fournaise. Tout en criant. Elle crie aussi. De peur, tout en roulant de côté, frôlant, elle en a conscience, la mort. Elle n'arrive pas à se relever. Sa jambe lui fait mal, et elle sait que la moindre seconde d'inattention, à cause de la douleur, pourrait lui être fatale. Le fou pourrait la tuer. Et le feu pourrait lui échapper. Il lui a déjà échappé, en partie. Celui qui mange la chair de son assaillant n'est plus elle. Il est libre. Il lui a échappé, lorsqu'elle-même s'est embrasée. Elle est le feu autour d'elle. Et c'est déjà bien assez. Déjà presque trop.

Il la poursuit. Il est sur elle. Et à ce moment, elle est certaine qu'il va la tuer. Il hurle encore. Mais une autre voix hurle aussi. C'est celle d'Eol, Eol qui se jette sur l'homme en feu, Eol qui se brûle sur les flammes, ses flammes à elle, les flammes qui étaient elle quelques instant plus tôt mais lui ont échappé. L'arme d'Eol pénètre les chairs déjà meurtries par les flammes. Mais l'adversaire y semble aussi insensible qu'il l'est aux brûlures. L'arme toujours dans son bras, il l'arrache à Eol, qui se retrouve désarmé. Alors, le démon se jette sur lui.

Nïn crie de nouveau. Sa panique enfle, renouvelant d'un combustible inédit les flammes, qui se jettent de nouveau à l'assaut de l'ennemi. Ennemi qui est aux prises avec Eol. Et, trop tard, Nïn comprend que le feu brûle tout.

- Non.

Ordre murmuré. Eol n'est pas à manger. Même si les flammes sont voraces. Seule la chair de l'ennemi leur est autorisée. Et, à la rigueur, celle de toute la forêt. Mais celle d'Eol, jamais. Elle sent le feu frémir sous sa volonté. Elle sent son appétit se plier. Elle ne mangera que le démon.

Mais le démon en question projette Eol contre un arbre, et le visage du demi-drow est en sang. Et aussitôt, le démon se retourne sur elle, lui saisit le bras, un bras de chair, alors qu'elle se croyait feu. Un bras solide, que l'autre attire à lui. Et elle a beau se débattre, il est plus fort qu'elle, il approche son bras de sa bouche, qui est ensanglantée. Il la mord, et Nïn hurle. Sa morsure déchire ses chairs, et elle ne parvient pas à s'en extraire. Elle ne peut que le mordre en retour, de ses mille crocs à elle, qui le fouaillent impitoyablement, qui le dévorent vivant. Mais il tient bon. Elle comprend alors qu'ils vont tous les deux mourir. Ils vont s'entre-dévorer.

C'est alors que les dents lâchent prise. Un hurlement sort de la bouche qui la mangeait. L'oeil du démon est percé d'une flèche. Il se laisse tomber au sol. Il se débat pour se libérer de ses crocs à elle. Mais elle l'a déjà digéré. Doucement, elle s'éteint. A la fois vidée et rassasiée.

Le bruit d'un choc lui fait tourner la tête. Eol vient de s'effondrer au sol. Derrière lui, l'autre humain, qui s'approche de Nïn. Celle-ci se raidit. Elle est épuisée. Sa cuisse mériterait d'être soignée, et elle n'ose pas regarder les dégâts qu'ont fait les crocs du démon dans son bras. Elle sait juste qu'il n'est pas cassé, car elle peut encore le bouger. Mais la gravité de la déchirure de sa chair l'inquiète. Malgré tout, elle est prête à livrer combat. Elle ne laissera pas l'humain blesser Eol. Ni l'empêcher, elle, de rejoindre celui-ci, et de prendre la mesure de ses blessures.

Elle lève les yeux vers l'homme, et tend son bras valide devant elle, en sa direction. Ses yeux flamboient.

- Reste où tu es ! Ou tu brûleras.

Peu lui importe qu'il s'agisse d'un humain. Qu'elle lui doive par là le respect. Il est un maître. Mais Eol est son maître. Et si cet humain menace Eol, elle est prête à le tuer.
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Message  Eol Dim 1 Sep 2019 - 12:10

Ma tête a mal. J’entends Nïn. Sa voix est méchante. Je ne sais pas à qui elle parle parce que je ne vois rien. Je voudrais me relever. Mais je n’y arrive pas. Aucun de mes muscles ne peut bouger. J’essaie de parler :

- Gueu…

Je n’y arrive pas bien.

- D’accord, d’accord, je ne m’approche pas de toi. Reste calme.

C’est la voix de Thyou. Il parle avec douceur. Et quand il fait ça, c’est qu’il s’apprête à faire quelque chose de mauvais. Je voudrais prévenir Nïn. Je voudrais lui dire de s’enfuir. J’essaie de toutes mes forces :

- Nnnnnnnn…

Ma voix est couverte par celle de Thyou :

- Vous vous connaissez, pas vrai. Toi et… cette créature.

Quand j’entends le mot créature, une main se pose sur ma tête. C’est une main pleine de doigts rugueux. Des doigts qui caressent mes cheveux. Je voudrais les mordre.

- Voilà qui change la donne. Si j’avais su que ses histoires à dormir debout à propos de son esclave et de son centaure étaient vraies…. Ha ha ha ! Qui l’eut cru ! Un monstre débile réussit à se faire obéir par une elfe ? J’en reviens pas ! Hé l'arriéré, en fait t'es peut-être pas aussi idiot que ce que tu donnes à voir !

Les doigts serrent mes cheveux. Ils les tirent vers le haut. Ma tête est accrochée à mes cheveux, donc elle suit le mouvement. Je ne sens plus l’herbe sur ma joue. Je ne sens plus mon oreille non plus. Peut-être parce que je n’en ai plus, d'oreille. Ma tête se balance lentement. Je sens l'air frais sur mon visage. Mais je ne vois toujours rien. Ce n'est pas normal.

Ah ! C’est froid ! Il y a quelque chose de froid sur mon cou. Je n’aime pas ça du tout.

- Si tu tentes quoi que ce soit, je tranche la gorge du drow.

C’est froid et ça s’appuie contre ma peau de plus en plus fort. Je sens que ça coupe. Et ça coule. Ça doit être mon sang parce que c’est chaud.

Du froid, du chaud, de la douleur….

Mes yeux se mettent à pleurer. Même si Théo disait que les hommes ne doivent pas pleurer, je ne peux rien faire d’autre.

- Maintenant, tu vas gentiment m’obéir. D'abord, dis-moi où est le centaure. Et ensuite, tu vois ce gros bonhomme que t’as cramé ? Tu vas lui faire les poches. Mais lentement et avec les mains bien en évidences. Pas d’entourloupe ou "couic !"

La pression sur mon cou se fait plus forte. La main tire mes cheveux dans tous les sens et ma tête suit, à droite et à gauche.

- Nnnnnnn… Nnnnn… Nïn…

Il faut qu’elle parte. J’essaie de le lui dire. Mais pourquoi ma bouche n’arrive pas à articuler ?

- Nïn ? C’est le nom qu’il t’a donné ? On trouvera mieux, ne t’en fait pas ma jolie. Une esclave comme toi mérite une appellation plus… concupiscente, si tu vois ce que je veux dire. Bon, ça vient?  Montre moi ce qu'elle possédait, cette saleté de Vipère.
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Message  Nïn Dim 1 Sep 2019 - 21:54

- D’accord, d’accord, je ne m’approche pas de toi. Reste calme.

La voix est calme, douce. Pas menaçante. Et pourtant, il vient d'assommer Eol. Eol duquel il est toujours proche, trop proche. Et, comme pour confirmer cette gêne, Eol dont il se met à acresser les cheveux, tout en disant à Nïn :

- Vous vous connaissez, pas vrai. Toi et… cette créature.

Nïn frissonne. Eol n'est pas une créature. Et ces paroles n'augurent rien de bon. La panique refait surface, à l'idée qu'il touche Eol, et  qu'elle est trop loin. Elle veut se concentrer sur la terre, entre Eol et l'homme, la pousser à protéger le demi-elfe... Mais la caresse de l'homme se fait prise sur les cheveux blancs, tandis qu'il continue :

- Voilà qui change la donne. Si j’avais su que ses histoires à dormir debout à propos de son esclave et de son centaure étaient vraies…. Ha ha ha ! Qui l’eut cru ! Un monstre débile réussit à se faire obéir par une elfe ? J’en reviens pas ! Hé l'arriéré, en fait t'es peut-être pas aussi idiot que ce que tu donnes à voir !

Nïn étouffe un cri, qui se fait grondement, dans sa gorge. Elle voudrait le tuer, pour ses insultes, mais la proximité entre le demi-drow et lui rend toute opération magique risquée. Elle devrait peut-être tenter, toutefois, quelque-chose, d'utiliser l'air, peut-être... Mais avant qu'elle n'ait eu le temps d'agir, l'homme a fermement tiré sur les cheveux d'Eol, s'est glissé derrière lui, et a plaqué sa lame contre sa gorge.

Cette fois, c'est un véritable feulement que laisse échapper Nïn. Elle refuse que cela se passe ainsi. Elle refuse qu'on lui refuse de le retrouver, de l'approcher, de le soigner. Elle refuse. Mais elle est impuissante. Elle ne peut refuser. Elle n'a jamais pu refuser. Jamais pu, quoi que ce soit. A part s'exécuter.

L'homme sait son impuissance. Il l'accentue, en la mettant en mot. Et ce faisant, le sang perle sur la peau sombre. Et, dans le même temps, d'autres perles se mettent à couler, des yeux du demi-drow. Il est conscient. Et lui aussi sait l'anéantissement de sa volonté. Son incapacité à le sauver, à être là, une fois encore.

- Maintenant, tu vas gentiment m’obéir. D'abord, dis-moi où est le centaure. Et ensuite, tu vois ce gros bonhomme que t’as cramé ? Tu vas lui faire les poches. Mais lentement et avec les mains bien en évidences. Pas d’entourloupe ou "couic !"

Il tire plus encore sur les cheveux d'Eol, lui secouant la tête, affichant ostensiblement le contrôle total qu'il a sur lui, et, par conséquent, sur elle. Elle va se lever, tant bien que mal, elle va faire les poches du cadavre, elle va  obéir en tous points. Sauf qu'elle ne se lève pas. Sauf qu'elle est figée. Et sauf qu'Eol parle, aussi :

- Nnnnnnn… Nnnnn… Nïn…

Et elle s'explique sa fixité. Il peut avoir le contrôle sur elle. Mais il ne peut pas l'avoir sur Eol. Et cela n'a aucun sens, d'avoir le contrôle sur elle, en l'ayant sur Eol. De plus, il y a Eol. Et Eol a le contrôle sur elle. Donc il ne peut pas avoir le contrôle sur elle. Et même si la situation n'a pas changée d'un iota, tout est limpide maintenant. Parce-qu'il ne peut pas la contrôler. Parcequ'il ne peut pas refuser qu'elle refuse. Et parce-qu'elle peut donc refuser. Parce-qu'Eol peut refuser.

L'humain n'a rien compris. Il continue :

- Nïn ? C’est le nom qu’il t’a donné ? On trouvera mieux, ne t’en fait pas ma jolie. Une esclave comme toi mérite une appellation plus… concupiscente, si tu vois ce que je veux dire. Bon, ça vient?  Montre moi ce qu'elle possédait, cette saleté de Vipère.

Nïn hoche la tête. Elle se traîne jusqu'à "la Vipère", sans se lever. La chair est mêlée aux vêtements. Il est tout mangé. Et c'est elle qui l'a mangé. Comme elle va manger l'humain, et aussi tous ceux qui se mettent en travers de la route d'Eol. Pour cela, il faut juste qu'il lâche le demi-drow. Et il devra le lâcher. Parce-qu'elle ne peut pas marcher, après tout.

Elle vide des poches ce qui peut encore être sauvé. Ce qui n'a pas été brûlé. Puis elle se retourne vers l'homme, et lui dit :

- C'est fait, monsieur. Mais je... je ne peux pas marcher... Votre flèche...

Elle lève vers lui  un regard hésitant, le baisse immédiatement. Il doit la croire soumise. Ne pas soupçonner le bouillonnement de sa puissance. De la puissance dont Eol dispose.
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Message  Eol Dim 8 Sep 2019 - 22:52

Thyou, le traqueur


Pourquoi est-ce qu’elle n’a pas répondu à ma question concernant ce maudit centaure ? Je suis sûr qu’elle essaie de me cacher la présence d’un homme-cheval, aussi je reste à l’affut du moindre bruit.

Le silence de l’elfe n’augure rien de bon. En lui parlant, j’observe chacune de ses réactions. Je suis un traqueur, le plus grand observateur d’Orcande, rien ne m’échappe, aucun regard, aucun battement de cils, la moindre de ses respirations, je capte tout.

Elle déteste que je tienne Eol comme ça. Elle ne supporte pas m’entendre le traiter de créature, alors je cultive sa colère en qualifiant son « maître » de monstre débile et d’arriéré. Je l’entends gronder. Elle boue intérieurement et vu ce que son feu est capable de faire, je sais qu’à cet instant je ne dois ma vie qu’à ce cou sombre qui s’offre à ma lame. Le cou d’Eol est la faiblesse de cette elfe. Je ne dois pas le lâcher, sans quoi je finirais comme la Vipère. Je fronce le nez en essayant de mettre de côté l’odeur de cochon grillé qui émane du cadavre. Je ne finirais pas comme ça, je le jure devant les sept.

Jamais !

Je tente de lui donner un ordre : qu’elle dépouille la Vipère par exemple, peu importe, l’objectif est simplement de voir si elle s’exécutera ou non. Son corps s’avance et je souris. Elle va s’exécuter docilement et, si ce n’est pas encore gagné, c’est déjà un bon point. Sauf que… Eol baragouine difficilement un mot. Nïn. Et l’elfe se fige. Ses yeux de saphir sont un ciel qui s’assombrit. Des nuages de pensées informes passent et voilent son regard.

Fichtre !

A quoi peut-elle donc réfléchir ? Un seul mot d’Eol et tout son univers semble s’être transformé. Elle lui appartient donc du plus profond de sa chaire et de son âme ?

Que faire ? Je ne peux pas la laisser m’échapper. Je regarde le corps calciné de la Vipère. Je dois rapidement reprendre le contrôle. Alors je prononce doucement son nom. Son nom qui est la seule chose que je possède d’elle.

Nïn.

Un joli nom que je me dois de détruire, comme tout le reste de sa personnalité rebelle, sans quoi ce sera moi qui sera détruit. Alors, avec le plus de violence possible, je lui dis que je lui volerais son doux prénom pour le déformer. Je lui donnerais une appellation qui plaira aux hommes, une appellation qui signifiera tu n’es plus une elfe, tu n’es plus qu’un corps, plus qu’un objet. Un objet de convoitise et de désir. Mais l’elfe ne bronche pas. Mes mots n’ont aucun effet sur elle parce qu’elle n’y croit pas. Elle est persuadée que mes prémonitions sont vaines. Elle ne me craint pas et un frisson me parcourt l’échine.

Alors je réitère mon ordre avec toute la violence dont je suis capable. Et cette fois-ci, elle obtempère. Ses longues mains de meurtrière se glissent entre les tissus brulés, évitent la chaire fondue et tirent à elles un petit poignard d’argent et d’autres objets de valeurs. Je vois les pièces d’or et les diamants. La Vipère était donc rémunérée à la hauteur de ses compétences…. Je ne m’attendais pas à ce que l’ordre donné à Nïn s’avère utile. Une idée me traverse l’esprit. Avec cette fortune, je n’aurais plus besoin de travailler à la solde du vendeur d’esclave.

- C'est fait, monsieur. Mais je… je ne peux pas marcher… Votre flèche…

Oui, ma flèche est profondément fichée dans sa cuisse. Et elle y restera tant que je ne serais pas en sécurité. Si Nïn s’imagine qu’il suffit de m’appeler monsieur pour que je l’aide à se relever, c’est qu’elle est bien sotte.

Sans lâcher Eol, je retire ma veste élimée et en arrache une manche.

- Tiens, attrape ça !

Je lui lance une petite fiole contenant un liquide transparent, ainsi que la manche de ma veste.

- Ça apaisera ton bras.

Je me demande si elle sera capable de faire un pansement avec une seule main, mais je ne prends pas le risque de l’aider. J’arrache la manche restante de ma pauvre veste et commence à bander la tête d’Eol.

- J… j’ai… mal à… l’oreille…
- Tiens, t’as retrouvé la parole toi ? Ça nous avait pas manqué…

Je préfère agresser verbalement le demi-drow, plutôt que de lui avouer qu’il n’a plus d’oreille. La Vipère la lui a totalement arrachée et le saignement est important. Je serre mon bandage pour arrêter l’écoulement, mais il sera tout de même nécessaire de voir un guérisseur, au moins pour limiter le risque d’infection.

- Debout ! On va aller chercher les chevaux pour porter l’esclave.
- Je ne vois rien.

Oui, j’ai bien remarqué qu’il y avait un problème. J’ai frappé Eol à l’arrière du crâne et dans mon emportement, mon attaque était trop puissante. Résultat, le drow a d’abord perdu connaissance, ensuite  il n’arrivait plus à bouger, ni à parler, ni à voir. Sur le coup, ça a facilité les choses, mais maintenant cela m’inquiète.

- T’es vraiment un bon à rien ! Lève toi !

Je lui donne un petit coup de pied avant de l’aider à se mettre debout. Bon, il tient tout seul donc ce n’est pas si mal. Par contre je ne comprends pas pourquoi il ne voit rien. Mais il vaut mieux qu’il pense à autre chose pour le moment, donc je lui lance méchamment :

- C’est normal, t’as pris un coup sur la tête. Et si tu te dépêches pas, tu vas t’en prendre un deuxième ! Maintenant, dis à ton esclave de ne pas bouger jusqu’à ce qu’on revienne la chercher.
- Je ne vois rien.

Ce type est vraiment inutile… Je me tourne vers l’elfe et la foudroie du regard. Je veux me montrer cruel et lui faire peur. Il ne faut pas qu’elle me devine terrorisé par ses pouvoirs.

- Toi, tu restes là. Si t’es plus là quand on revient, tu peux dire adieu à ton drow.

Je fais mine de décapiter Eol. Le demi-drow ne bouge pas. Il ressemble à une poupée de chiffon dans mes bras.

- Je ne vois rien…
- C’est bon, on a compris. Laisse toi guider.
- Non. Je reste avec Nïn.
- Elle a la jambe transpercée par une flèche. Il faut l’emmener voir rapidement un guérisseur, et pour ça, on a besoin des chevaux.

Il ne dit rien, mais je sens son corps se détendre. Il se laisse emporter sans broncher.

Nous avançons entre les arbres et je ne peux m'empêcher de regarder autour de nous, craignant à tout moment de voir apparaître le centaure d'Eol. Mais les bruits de la forêt n'ont rien d'inhabituels, alors je me détend. Une fois que l’elfe n’est plus à portée de vue ni d’oreille, je dis au demi-drow :

- Eol, je sais que vous êtes heureux de vous retrouver et que vous ne voulez laisser personne entre vous. Mais vous êtes tous les deux des elfes, et les elfes sont constamment traqués par les humains. Vous ne serez jamais tranquilles tant que vous serez seuls. Vous avez besoin de quelqu’un comme moi.
- Nous n’avons besoin de personne.
- Regarde toi, tu n’es même plus capable de savoir où tu vas ! Et ta Nïn, elle est incapable de marcher. Vous feriez un joli duo de bras cassés !
- Nos bras ne sont pas cassés. Celui de Nïn est juste un peu blessé.
- C'est une expression. Ce que je veux te faire comprendre, c'est que dans l’immédiat vous ne pouvez pas vous déplacer sans moi. Et par la suite, avoir un humain à vos côtés vous évitera d’être capturés, séparés et revendus. Ça fait un an qu’on travaille ensemble et tu sais très bien qu’on n’était pas les seuls à traquer tout ce qui avait les oreilles pointues.
- Nïn est à moi. Je ne la donnerais pas à mon maître. Je partirais avec elle. Et si tu essaies de nous en empêcher, nous te tuerons.

J’avale ma salive. Je n’ai jamais vu Eol se comporter de la sorte avec moi. D’habitude, il obéit sans rechigner, mais là, il me menace à mort sans montrer le moindre signe de soumission.

- J’ai un marché à te proposer. Nous ne la donnerons pas au maître et tu pourras la garder. Je vous protégerais en vous faisant passer pour mes esclaves aux yeux des autres traqueurs. Et en échange, vous travaillerez pour moi. A nous trois, on capturera des tas et des tas d’esclaves. On deviendra riche en un rien de temps. Avec l’argent de la Vipère, nous pouvons déjà monter notre propre commerce !

A force de marcher, nous arrivons à l’endroit où nous avons laissé nos chevaux. J’attache les montures ensemble et aide Eol à monter sur l'une d'entre elles. Je grimpe derrière le demi-drow, sur le même cheval.

Je sens le corps musclés d'Eol contre le mien. Je serre les dents. S’il le souhaitait, il pourrait me tuer en deux temps trois mouvements. Mais je préfère être collé à lui que de laisser une ouverture à Nïn. Si elle me voit loin du demi-drow, je sais qu’elle me tuera encore plus vite que son maître.

- Eol, ça fait plus d’un an qu’on passe chaque minute de notre vie ensemble. Est-ce qu’on n’est pas des amis ?
- Non. On ne l’a jamais été.

Son ton n’est pas antipathique. Il ne fait qu’énoncer une vérité dénuée de toute animosité.

- Bon, d'accord, on n'est pas amis, mais pour autant, on se connaît très bien. Tu sais que j'ai beau être un peu bourru, je ne suis pas le plus cruel des hommes. Tu ne penses pas qu'on pourrait devenir collègues ?
- Peut-être.

Il n’a pas dit non. Alors j’ai encore un espoir.

- Qu'est-ce tu veux le plus au monde ?
- Nïn et Yawldaec.
- Je ne sais pas où es ton centaure, mais je t'offre Nïn en échange de ta collaboration.
- Tu ne peux pas me l'offrir parce qu'elle est déjà à moi.
- Je me suis mal exprimé. Grâce à moi, personne ne pourra vous séparer. Tu ne la perdras plus jamais comme tu l'as perdue il y a un an.

Le corps d'Eol se tend. J'imagine qu'il pense au jour où ils ont été tous les trois séparés. Je ne lui tapote pas l'épaule parce qu'il déteste être touché, alors à la place, je lui dis des mots gentils. Je n'ai pas l'habitude d'être doux avec les autres, d'autant plus qu'il s'agit là d'un demi-humain. On me prendrait pour un fou si on me voyait me comporter de la sorte, mais nous sommes seuls. Et même si ce n'était pas le cas, qu'est-ce que j'en aurais à faire ? Cette dernière année, j'ai passé plus de temps avec cette créature qu'avec n'importe quel humain donc je le considère un peu comme mon idiot mais fidèle animal de compagnie. Il faut se montrer dur avec les demi-humains pour s'en faire obéir, mais il faut aussi savoir quand les féliciter.

Nos montures avancent jusqu’à l’endroit où nous avons laissé Nïn. Je me demande si elle sera encore là ou si elle aura utilisé ses pouvoirs pour s’envoler loin d’ici.
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Message  Nïn Jeu 12 Sep 2019 - 2:15

Le piège ne fonctionne pas. L'humain se contente d'arracher un bout de sa manche et de le lui jeter, accompagné d'une fiole emplie d'un produit qui doit "apaiser son bras". Peu importe. S'il ne s'éloigne pas d'Eol dans l'immédiat, il faudra tout de même qu'il le fasse à un moment. Il ne pourra demeurer toujours derrière lui, à le menacer. Et à la moindre occasion, Nïn se promet d'agir. Pour l'instant, elle obtempère sans discuter, afin d'endormir la méfiance de celui qui tient la vie d'Eol entre ses mains.

Tandis qu'elle s'occupe de son bras , retenant un cri lors du reflux de douleur dans sa chair entamée par les crocs du mort, l'humain s'occupe de la tête d'Eol, qui gémit sous les doigts de celui qui le soigne. Inquiète, Nïn les surveille du coin de l'oeil. Elle a peur de la gravité de la blessure d'Eol, plus que de ce que pourrait lui faire l'humain ; après tout, le demi-elfe est, il le sait, tout ce qui le protège d'elle et de son feu. Il n'a aucun intérêt à attenter à sa vie de façon gratuite.

Toutefois, cela ne l'empêche pas de hausser la voix contre elle, et de l'insulter, ce qui rend la respiration de Nïn plus difficile. Elle sent tous ses muscles se tendre dans l'attente vaine d'une détente qui ne peut avoir lieu. Se forçant à une respiration régulière, elle tâche de focaliser son attention sur le soin qu'elle apporte à ses blessures. Ne pas laisser son adversaire voir sa rage. L'endormir, en s'endormant elle-même si possible. Le réveil finira par venir.

L'homme et Eol s'éloignent d'elle, afin d'aller chercher les chevaux, non sans que le premier lui ait enjoint de ne pas bouger, assortissant l'ordre d'une menace sur la vie d'Eol. Nïn acquiesce, docile. Elle ne compte pas s'échapper. D'une part, avec sa jambe blessée, elle manquerait cruellement d'efficacité. SI cet homme peut l'emmener soigner, c'est toujours bon à prendre. Et d'autre part, il est hors de question d'abandonner Eol. Elle va le libérer. Et en attendant, elle demeurera à ses côtés, pour veiller à sa sécurité.

Elle a une pensée pour la pierre, pour Schizae, pour le dragon. Sa poitrine se serre. Mais il faudra encore qu'ils attendent. La pierre est en sécurité. L'homme ne l'a pas questionnée à son sujet, il ne connaît donc pas son existence. Quant à Schizae, elle l'espère tout aussi sauve. Quelque-part, elle ne doute pas de cela. Sa jeune maîtresse possède un don puissant. Nïn l'a vue à l'oeuvre. Elle ignore qui pourrait se dresser sur son chemin. D'autant qu'elle a Ashkore à ses côtés. Le dragon n'est peut-être pas toujours d'accord avec sa jeune maîtresse, mais il veille sur elle. Il ne la laisserait pas être blessée. Et puis, elle ne peut de toute façon retourner vers eux. Elle a failli à toutes ses tâches. Il lui faut rattraper cela. Et, dans un premier temps, libérer Eol. Ensuite seulement, elle pourra réfléchir au reste. En parler avec Eol. De sorte à ce qu'il trouve une solution.

Nïn attend donc sagement le retour de l'humain et du demi-drow. Son bras lui fait moins mal. En revanche, les élancements dans sa jambe sont de plus en plus douloureux. Mais elle n'ose pas s'occuper de cette blessure la. Déjà, l'humain lui a dit de soigner son bras, pas sa jambe. Et puis la flèche empêche tout soin, et la retirer provoquerait un afflux de sang. Il lui faut donc se contenter d'attendre. En espérant que l'humain la fera effectivement soigner.

Elle les entend revenir avant de les voir. Les pas de deux chevaux. Avec un peu de chance... Son espoir est déçue dés lors qu'elle les voit apparaître, à deux sur la même monture. Elle ne peut rien tenter contre celui qui menace son maître. Mais peu importe. Elle peut attendre. Même si, tout au fond d'elle, elle sent bien que sa magie n'est pas de cet avis.

Elle demeure assise sur le sol, à les regarder approcher, baissant les yeux dès que l'humain fait mine de regarder vers elle.
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Message  Eol Ven 13 Sep 2019 - 23:25

Thyou a raison. J’ai besoin d’aide pour m’occuper de Nïn. Elle est abimée. Je devrais la réparer tout seul. Mais je ne peux pas parce que je ne vois rien. C’est tellement frustrant…. En plus j’ai mal à l’oreille. Le bandage me comprime la tête. Je sens battre mon cœur jusque dans mon crâne. J’ai la nausée. Heureusement que Thyou est derrière moi, parce que sinon je risquerais de tomber du cheval.

- Elle est puissante, ton elfe. Imagine le nombre d’esclaves qu’on pourrait vendre si elle utilisait ses pouvoirs pour en capturer! En plus de ça, elle est vraiment jolie. Je suis certain qu’on pourrait louer ses services dans une maison de passe pour une petite fortune. En un rien de temps, on serra plein aux as et on vivra une vie de rois.

Je ne sais pas pourquoi il veut être plein d’as. Je ne comprends pas non plus sa deuxième idée. J’ai beaucoup entendu parler de maison de passe. Mais je n’y suis jamais allé. Il parait que ce n’est pas autorisé aux demi-drow. Alors pourquoi une demie-elfe aurait le droit d’y aller ? Ce n’est pas très juste. Mais ce n’est pas grave. En vérité, cette histoire ne m’intéresse pas trop. Je pense à Nïn. Je l’ai enfin retrouvée. Je suis heureux. On s’est tous battus. La Vipère est morte. On a été blessés. Mais maintenant, on est vivant. Et Nïn aussi. Alors je ris. Je suis tellement heureux ! Je ris sans pouvoir m’arrêter. On appelle ça un fou rire. Ça me fait mal au ventre. Le cheval a un peu peur. Il fait un pas de côté. Nous manquons de tomber. Ça me fait encore plus rire.

- Du calme Eol ! Par les Dieux, qu’est-ce qui t’arrive ?
- J’ai retrouvé Nïn ! Je croyais que je l’avais perdue, mais je l’ai retrouvée ! Je suis content !
- Du calme !

Je sens un coude s’enfoncer dans mes côtes. Ça me fait mal. J’arrête de rire. Je frotte mon flanc.

- Fichtre, est-ce que tu m’as seulement écouté ?!
- Oui.

Oui, je l’ai écouté. Il me parle de collègue, de marché, de travail, et tout ça, ça veut juste dire qu’il veut être mon maître à la place de mon vrai maître.

La voix de Thyou interrompt mes pensées. Il parle d’une voix douce. Comme lorsqu’il s’adresse à une jument.

- Tu es encore là, c’est bien. Je ne pensais pas que tu te montrerais aussi obéissante, ma jolie.

J’entends une faible respiration par terre. C’est celle de Nïn. Le corps de Thyou s’éloigne du mien. Il descend du cheval. Il m’aide ensuite à le rejoindre au sol.

- Dis lui de ne pas me faire de mal.

Je laisse mes mains sur la monture. Je ne vois rien alors j’ai besoin de toucher quelque chose pour ne pas me sentir perdu. Je me tourne vers le petit bruit de respiration. Je dis:

- Ne lui fait pas de mal, Nïn. Il va t’aider à monter sur le cheval. Nous allons voir un guérisseur.

J’entends le pas de l’humain dans l’herbe. Il avance en faisant plus de bruit qu’un elfe. Mais il en fait beaucoup moins qu’un homme ordinaire. C’est un bon traqueur. J’écoute aussi la respiration de Nïn. Elle est lourde. Elle doit avoir mal. Celle de Thyou se fait haletante. Je me demande s’il la porte. Peut-être qu’il s’est glissé sous son épaule. Il lui tient sûrement la main. Normalement, c’est moi qui devrais la tenir. Mais je n’arriverais même pas à m’approcher d’eux sans tomber par terre. Alors je serre la crinière de mon cheval au creux de ma main. Je pose ma tête sur son poil. C’est doux et dru à la fois. Et ça sent le cheval. C’est apaisant.

Thyou pousse un petit grommèlement. Est-ce qu’il lui fait la courte échelle ? Non. Elle est blessée à la cuisse. Donc il doit être en train de la porter. Je serre la mâchoire. Ce devrait être moi qui la porte. Ça devrait être mes mains qui se posent sur ses hanches. Parce qu’elle est à moi. Pas à Thyou. En plus je suis plus fort que lui. J’aurais pu la déposer sur sa monture plus facilement. J’ai envie de frapper Thyou. Parce qu’il touche à mes affaires. Et moi, je ne peux même pas le faire. Pourtant, je n’aime pas toucher les gens. Sauf que Nïn n’est pas un gens. Nïn est une once. Et j’aime toucher les onces.

Le vent souffle entre les arbres. Il me porte l’odeur de Nïn. Ça fait un an que je n’ai pas senti ça. C’est une odeur étrange. Une odeur que j’aime. Un mélange d’elfe, d’humain et d’animal.

Je balance ma tête de droite à gauche. Si je le fais très vite, j’ai l’impression de voir des étoiles. C’est une étrange sensation. Et en même temps c’est un peu effrayant. C’est comme si j’étais au milieu du ciel, en pleine nuit. Je m’arrête et je dis à Nïn:

- Le cheval que tu montes s’appelle Neige. Je pense que mon maître lui a donné ce nom parce qu’il est blanc. Celui-là s’appelle Eclair, mais je ne sais pas pourquoi. Et l’humain s’appelle Thibault du Bossou. Parce qu’il est né à Bossou. C’est un village de Tacomnal. Mais c’est un long nom, donc tu peux l’appeler simplement Thyou, si tu préfères. Il est à moi, mais je te le prête. Alors prends en soin.
- Hein ?
- S’il veut s’échapper ou nous faire du mal, tu dois le tuer.
- Eh oh ! Eol ! C’est quoi cette histoire ? C’est pas du tout ce qu’on a décidé ! Retire ce que tu viens de dire !
- Non. J’ai réfléchis et tu as raison. Ce sera plus pratique pour nous d’être avec un humain. Alors nous te gardons. Et je t’interdis de t’enfuir.
- Que… quoi?

La voix de Thyou est aiguë. Son odeur est un peu aigre. C’est l’odeur de la peur. Je ne voulais pas l’effrayer. Alors je lui parle gentiment :

- Nous sommes plus forts que toi. Je le sais parce que je te connais très bien. Théo disait que les forts avaient le pouvoir sur les autres. Nous sommes forts. Tu es faible. Donc tu vas nous obéir. C’est normal.
- Mais… je… je suis un humain !

Oui. Et les humains sentent mauvais. Surtout quand ils ont peur. L’odeur de Thyou est presque aussi forte que celle du sang. Ça veut dire qu’il est terrorisé. Je ne sais pas comment le rassurer. Je lève les mains, paumes dirigées vers lui. Ça veut dire du calme. Je ne fais aucun geste menaçant, comme avec un cheval affolé.

- Yawldaec dit qu’on est tous égaux dans une ronde. Oui, une ronde, des humains, des animaux et des centaures. Je trouve ça très beau. D’ailleurs, je pense qu’il parlait aussi des elfes. Et aussi des demi-elfes. Donc même si tu es un humain, tu es notre égal. Mais un égal plus faible.
- D’accord, d’accord. Je… je ne vais pas vous embêter, je vais vous laisser partir. Vous pouvez prendre les chevaux. Allez y, je ne tenterais rien, je ne dirais rien au maître, c’est promis. Mais laissez moi partir.
- Je ne comprends pas. Tu as dit toi-même qu’on avait besoin d’un humain. Alors il est logique que je t'emmène avec nous.

Il est bête ou quoi ? C’est lui qui m’a expliqué tout ça. Je ne veux pas qu’on nous traque. Je ne veux pas qu’on me sépare de Nïn. Alors il me faut un humain. Pourquoi fait-il semblant de ne pas comprendre ?

- Je ne veux pas…

Ah… là c’est plus clair. Il ne veut pas être à notre service.

- Je comprends. Moi non plus je n’aimais pas devoir t'obéir. Mais maintenant, c’est moi le plus fort. Alors on échange nos rôles. Tu verras, ce n’est pas si dur. On s’habitue vite. Tu devras juste faire tout ce qu’on te dit, sinon on te tue. Maintenant, aide moi à monter sur Neige.

Je lâche la crinière d’Eclair. Je tends la main droite devant moi. Je plie les doigts. C’est un signe qui veux dire viens ici. Je suis dans le noir complet. Je suis perdu. Il me faut Nïn. Mais je n’entends pas les pas de Thyou. L’humain ne m’obéit pas.

- Eol, tu as un maître. Tu dois lui obéir. C’est mal de se rebeller !

J’hésite. C’est vrai. C’est mal.

- Tu as raison. Après avoir été soignés, nous tuerons le maître. Comme ça je n'aurais plus à lui obéir. Maintenant, viens m’aider. Si tu n’obéis pas, Nïn te brulera.

Il s’approche enfin. Il m’aide à grimper derrière Nïn. Je suis heureux d’être à nouveau avec elle. Je me rappelle de la dernière fois où je montais à cheval avec elle. C’était le jour où j’ai tué Théobald.

Je la serre très fort contre moi. Je met mon nez dans ses cheveux. Je ne vois rien, mais je sens tout. Son corps est chaud. Ses cheveux sont doux. Son odeur est animale. Son cœur bat parce qu'elle est vivante. Cette pensée me rassure. Ma joie est trop forte, ça me fait mal dans la poitrine.

- Je suis content de t’avoir retrouvée.

Je la serre encore plus fort. Et je lève la tête vers le ciel. Je crie. Comme le jour où j’ai tué Théo. Sauf qu’aujourd’hui c’est un crie de joie.
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Message  Nïn Mar 17 Sep 2019 - 17:32

- Tu es encore là, c’est bien. Je ne pensais pas que tu te montrerais aussi obéissante, ma jolie.

Elle regarde l'humain descendre de cheval, puis faire descendre Eol. Elle s'étonne de cette aide qu'il donne au demi-drow, qu'elle sait capable de démonter par lui-même. Ce doivent être ses blessures, qui l'obligent à se faire aider. Elle voit qu'Eol se tourne vers elle, mais même ce geste semble incertain, comme s'il ne la distinguait pas précisément... voire pas du tout. Elle sent sa gorge se serrer à l'idée qu'Eol pourrait être plus gravement blessé encore que ce qu'elle pensait.

Sa voix, par contre, est fidèle à elle-même lorsqu'il lui indique :

- Ne lui fait pas de mal, Nïn. Il va t’aider à monter sur le cheval. Nous allons voir un guérisseur.

Elle lance à la dérobée un regard vers l'humain, qui s'approche d'elle. Ce serait l'occasion rêvée pour attaquer l'humain, et se débarrasser de lui, puisqu'il s'est enfin éloigné d'Eol, et qu'il compte par contre la rejoindre elle, pour la faire monter à cheval. Mais l'ordre d'Eol est contraire à ses plans. Un instant le doute s'empare d'elle. Elle pourrait si facilement... Sa magie lui remue le ventre. Et puis n'est-ce pas l'humain qui vient de demander à Eol de lui donner cet ordre ? L'ordre n'est-il pas indirectement le sien ? Ses mains la picotent, elle sent que la magie n'est pas loin...

Mais, au moment où l'homme se saisit d'elle, tout retombe. Le calme se fait en elle. Les yeux rivés au demi-drow, elle acquiesce d'un signe, qu'il ne semble pas percevoir. Signe de toute façon inutile, ce qu'elle a elle-même oublié un instant, qui lui semble déjà irréel. Après tout, la volonté qu'il insuffle dans ce qui lui appartient ne peut elle-même se contrarier. Elle se laisse porter sur l'un des deux chevaux par l'humain, dont la respiration accélère sous l'effort qu'il fait pour la hisser sur l'animal. Il parvient finalement à l'y percher, non sans arracher, à elle, des grimaces de douleur, et à lui, des halètements de plus en plus prononcés.

Une fois sur l'animal, Nïn cherche des repères, fort peu à l'aise sur une telle bête. Elle voudrait s'accrocher à sa crinière, peu sûre de son assiette, mais n'ose pas, de peur de faire du mal à l'animal, qui pourrait alors la projeter au sol. Mais Eol se met alors à parler, ce qui a pour effet immédiat de l'apaiser :

- Le cheval que tu montes s’appelle Neige. Je pense que mon maître lui a donné ce nom parce qu’il est blanc. Celui-là s’appelle Eclair, mais je ne sais pas pourquoi.

Un par un, elle considère les deux chevaux. Elle sait que son maître aime beaucoup ces animaux. Et d'une certaine façon, cela la rassure. SI Eol est à l'aise avec ces bêtes, elle l'est un peu davantage, car ils deviennent une chose qu'Eol apprécie. Le demi-drow continue :

- Et l’humain s’appelle Thibault du Bossou. Parce qu’il est né à Bossou. C’est un village de Tacomnal. Mais c’est un long nom, donc tu peux l’appeler simplement Thyou, si tu préfères. Il est à moi, mais je te le prête. Alors prends en soin.

Avant que Nïn ait eu le temps d'enregistrer l'information et son implication, le dénommé Thyou se récrie :

- Hein ?

Mais Eol n'en a pas terminé. Il ajoute, ignorant l'intervention :

- S’il veut s’échapper ou nous faire du mal, tu dois le tuer.

Nïn comprendre que la situation est en train de tourner pour l'humain, et pas en sa faveur. Et, puisqu'elle doit l'empêcher de fuir, elle anticipe une réaction en ce sens, et se concentre en elle-même pour tenir sa magie prête à l'intervention, tandis qu'Eol explique à sa nouvelle possession ce qui sera désormais son rang, en lui disant qu'il sera plus pratique pour eux deux d'avoir un humain avec eux, mais qu'étant plus forts que lui, c'est donc à l'homme de leur obéir. Lequel réplique :

- Mais… je… je suis un humain !
- Yawldaec dit qu’on est tous égaux dans une ronde. Oui, une ronde, des humains, des animaux et des centaures. Je trouve ça très beau. D’ailleurs, je pense qu’il parlait aussi des elfes. Et aussi des demi-elfes. Donc même si tu es un humain, tu es notre égal. Mais un égal plus faible.

Tout cela semble étrange à Nïn. Mais en vérité, cela fait un moment que les choses sont devenues étranges. En effet, comment expliquer qu'elle appartienne à un demi-drow, qui devrait lui-même être un esclave, que celui-ci a tué son frère, bien humain, pour la défendre, humain qu'elle devait servir pour l'espionner pour son autre maîtresse, sa jeune maîtresse, bien humaine elle aussi, et accompagnée d'un dragon - pensant se situer, lui, dans tout cela, tout à fait au-dessus des autres êtres, dont les êtres humains.

Aprés tout cela, cela ne lui semble plus tellement étrange que son maître demi-drow capture un humain pour le prendre sous son service. Et si là est la volonté d'Eol, alors elle n'a aucune question à se poser, et c'est également la sienne. Et si Eol veut souhaite tuer le maître auquel Thyou et lui-même semblaient obéir, comme il l'explique, alors elle le tuera. L'humain ne semble pas du même avis, mais peu importe. Elle est prête à intervenir à la moindre tentative de sa part.

Et visiblement celui-ci en a conscience. Eol lui ayant rappelé sa capacité de le brûler, Thyou aide le demi-drow à prendre place derrière elle, sur le même cheval.

Eol est derrière elle. Eol l'enserre de ses bras. Eol enfouie son visage dans ses cheveux. Et Eol la serre, la serre, la serre... A tel point qu'elle a du mal à respirer. Qu'elle ne peut plus respirer. Que son feu bouillonne, que son eau entre en ébullition, que sa terre se craquelle, que son vent tournoie... en elle. Et Eol hurle. Et elle hurle aussi, son émettre un son, le souffle toujours coupé.

Mais son regard hurle. Hurle son embrasement, son inondation, son tremblement, son ouragan. Ses yeux passent sur Thyou, lui chuchotant la promesse qu'elle hurle en elle : quiconque s'opposera à Eol subira la colère grondante des éléments. Son pouvoir. La puissance qu'Eol renferme dans son étreinte furieuse.
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Message  Eol Mer 18 Sep 2019 - 15:45

Thyou, le traqueur


Une belle bande de psychopathe, me dis-je en les regardant hurler. Je savais déjà qu’Eol n’était pas bien dans sa tête, mais maintenant, voilà qu’ils sont deux. Dire que je ne pensais pas pouvoir trouver plus étrange que ce drow….

Au creux de ses bras, le danger m’observe. Il ne hurle pas, mais son cri silencieux me glace le sang, bien plus que les hurlements fous d’Eol. Ses grands yeux bleus sont le ciel et la mer prêts à m’engloutir. En leur centre, sa sombre pupille ronde est la terre, une terre tremblante qui souhaite m’ensevelir. Elle veut me détruire, je le vois, je le sens.

Je frissonne.

Ses cheveux d’argent et d’ébène volètent autour de son visage, illusion d’une beauté fragile. Elle semble se fondre en Eol et se nourrir de la volonté du Drow. Je n’ai plus aucune liberté de mouvement. Le piège s’est refermé brutalement sur moi. Je suis à leur merci. Je devrais fuir au triple galop, mais j’ai peur. Est-ce que ses bras de feu peuvent m’attraper à cette distance? Est-ce qu’elle me dévorera de ses flammes si je pousse mon cheval un tout petit peu sur le côté? Un seul coup d’œil vers son regard glacial confirme mes doutes : oui, elle fera tout pour obéir au drow et me garder dans leur prison.

Je courbe l’échine et avance à leur côté, guidant mon cheval vers le village sans rien tenter d’idiot. Ce n’est pas le moment. Les arbres disparaissent progressivement pour laisser place à des maisons. Des hommes et des femmes lèvent distraitement la tête sur notre passage. Certains nous ignorent tandis que d’autres regardent les deux demi-humains avec envie. Nous ressemblons à ce que nous aurions dû être : un humain et ses deux esclaves.

- On est au sanctuaire d’Elasgol.

Je descends de cheval et m’approche du duo de psychopathe. Eol a les yeux ouvert, mais son regard est vide. Il lâche les rênes d’une main pour descendre à l’aveugle, mais ses mouvements sont sûrs et rapides. Il n’a pas besoin de ses yeux pour être à l’aise avec un cheval. Il pose ensuite une main sur le flanc de la bête qu’il caresse doucement, jusqu’à ce que ses doigts atteignent le mollet de Nïn. Il les remonte le long de sa jambe pour atteindre les hanches de la jeune elfe. D’un mouvement doux et ferme, il l’attrape par la taille et la soulève à bout de bras pour la poser délicatement au sol. Sa main droite la relâche pour tenir le cheval, tandis que sa main gauche se lève vers le ciel pour venir se poser sur la chevelure argentée qu’il tapote gentiment. J’écarquille les yeux face à cette caresse qui ressemble à celle qu’on pourrait offrir à un petit chien. D’ailleurs, le demi-drow s’occupe à présent d’Eclair et ses gestes sont les mêmes que ceux avec lesquels il traite Nïn. Je ne sais pas bien qu’en penser. Il la traite comme un animal. Mais il traite les animaux bien mieux que les humains qu’il n’ose ni toucher ni regarder dans les yeux. Pour lui, j'ai bien moins de valeur qu’une esclave ou qu’un cheval. Ce sentiment frustrant me donne envie de les trahir. Si je criais à la rébellion et que tous les humains présents m’aidaient, nous pourrions aisément mettre les deux demi-elfe hors de combat.

Mais je pense que je n’y survivrais pas.

Il va donc me falloir agir intelligemment. Je dois d’abord mieux cerner le pouvoir de Nïn, son étendu et ses limites. Et pour cela, je dois la voir à l’œuvre encore une fois. Le visage du maître traverse mes pensées.

- Suivez-moi, on va vous soigner avec l’argent de la Vipère.

Le bâtiment ne paie pas de mine. Il s’agit d’un simple édifice en pierre, pas beaucoup plus grand qu’une maison. Une statue du dieu est posée à droite de la porte. Elle a été taillée dans un tronc d’arbre et attire de petits insectes qui y ont élu domicile. Ma vision met un peu de temps à s’habituer à la pénombre des lieux qui ne sont dotés d’aucune fenêtre. Deux bancs sont posés devant un autel sur lequel une unique bougie éclaire les quelques offrandes posée sur la nappe jaunâtre. Au fond de la salle se trouve une petite porte que je martèle jusqu’à ce qu’elle s’ouvre sur un prêtre.

- Bien le bonjour, mon enfant. Qu’est-ce qui vous amène ici ?

J’observe Eol qui attache les chevaux à gestes lents. Une main devant lui, il s’avance jusqu’à ce que ses doigts rencontrent la robe de Nïn à laquelle il s’accroche. J’hésite. Je pourrais lui dire la vérité. Je pourrais tenter quelque chose… mais je me contente de dire :

- Mes esclaves ont été blessés. Vous pouvez les soigner ?

Je fais teinter les pièces de la Vipère et le regard du prêtre s’illumine d’un sourire cupide.

- Bien sûr.

Le religieux s'approche de Nïn pour l'aider à se déplacer en la soutenant par l'épaule. Eol la pousse doucement pour l'encourager à se rendre dans la salle arrière.

Le demi-drow a confiance en ses capacités. Il me connaît assez pour savoir que même handicapé, il aura le dessus sur moi. Je préfère ne prendre aucun risque, alors je me contente de m'asseoir sur un banc.

- C'est quoi ton plan pour la suite, une fois que t'auras tué le maître et que tu seras libre ?
- Je dois suivre le chemin de la pierre pour trouver une arme. Je la donnerais à la maîtresse de Nïn, en échange de Nïn.

Je ne comprends pas grand chose à ses propos, mais la seule chose qui compte est de savoir :

- Quand ton maître sera mort, tu me laisseras partir ?
- Tu ne veux pas être à moi ?
- Ben non !

Eol fronce les sourcils, comme s'il n'avait pas envisagé cette possibilité. Il n'a pas le temps de répondre car le prêtre revient, visiblement satisfait de ses soins.

- Passons maintenant au mâle.
- Surveille-le…

Comme si je n’avais pas entendu le murmure qu’Eol a glissé à Nïn. Je soupire en m’adossant contre le mur de pierre, sachant pertinemment que je n’ai aucun moyen de fuir. Je regarde le danger droit dans les yeux. Quel âge pourrait-elle avoir ? Une petite vingtaine de printemps peut-être. C’est dur à dire avec ses traits elfiques. Elle pourrait aussi bien être une adolescente qu’une adulte. Ses oreilles pointues témoignent de ses origines sylvestres, pourtant on devine assez rapidement qu’elle n’est qu’une métisse. Et d’après ce que j’en sais, ces créatures sont honnies par leurs deux familles, qu’elles soient humaines ou elfiques.

- Nïn, c’est bien ça ? J’espère que ça te vexe pas trop d’voir que ton maître s’est choisi un nouvel esclave. Maintenant je suis sensé être quoi pour toi, un concurrent à éliminer ou… un potentiel ami ?

J’ignore si elle daignera répondre, mais on est là, alors pourquoi ne pas en profiter pour faire un peu connaissance ? Qui sait, peut-être que j’obtiendrais quelques informations utiles…

- Il s’est passé quoi, toute cette année où t’avais réussi à t’enfuir loin de lui ?

Je sais parfaitement qu’elle ne s’était pas enfuie, mais attiser sa colère la poussera peut-être à me parler.

Ou à me tuer…

- Quelle genre de relation vous avez ? T'aimes ça, qu’on te traite comme un chien ? Et pourquoi lui ? Tu te rends compte qu'avec tes pouvoirs, tu pourrais avoir tout s'que tu veux ?

Je désigne ses vêtements pouilleux de mon menton.

- De quoi ça rêve, les jeunes filles de ton âge ? Je sais pas, de robes, de bijoux ? Ou bien de princes charmants et de gosses ? Ou juste de liberté ? Ne me fais pas croire que tu veux rien d’autre qu’obéir à un demi-drow un peu…

Je fais un signe avec ma main tout prêt de ma tempe. Qu’elle l’interprète comme elle le souhaite.

Je me demande si elle discutera avec moi, ou si elle contentera de me fixer de ses yeux de glace. Un instant je regrette mes propos, imaginant que, vexée, elle projette sa colère vers moi pour m’immoler. J’attends une potentielle réponse en observant ses réactions.
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Message  Nïn Mer 25 Sep 2019 - 23:22

Le trajet à cheval semble se dérouler dans une autre temporalité. Dans l'étreinte d'Eol, portée par sa joie furieuse, Nïn a l'impression de tout surplomber, y compris le temps et l'espace. Elle se fait un instant la réflexion que c'est de cette façon là qu'Ashkore doit considérer le monde. Il est tellement étrange - et grisant - que cela lui arrive à elle...

Ils quittent les bois pour gagner une zone habitée. Autour d'eux, des humains, qui vaquent à leurs occupations, et les regardent passer sans aucun soupçon de ce qu'ils ont réellement sous les yeux. Puis les chevaux s'arrêtent, et Thyou annonce leur arrivée ; le temple d'Elasgol. Il démonte, et Eol fait de même, avec sa coutumière aisance. Toutefois, au moment de la faire descendre, elle, elle se rend compte qu'il n'utilise pas du tout ses yeux, mais la localise à tâtons, faisant remonter sa main de son mollet à sa taille, par laquelle il la saisit pour la faire descendre de la monture, comme si elle ne pesait rien. En un rien de temps, elle prend pieds sur le sol. Alors, Eol lève une main, comme au hasard, pour la poser dans ses cheveux qu'il caresse, et elle ferme les yeux une fraction de seconde à ce contact.

Une fraction de seconde seulement, car elle ne souhaite pas perdre de vue leur prisonnier. Il saisira sans doute la moindre opportunité pour s'enfuir. C'est ce que font tous les nouveaux esclaves. Ceux qui n'ont  pas encore compris leur condition. Ceux qui n'ont pas encore appris leur place. C'est normal. Et ça finit par leur passer. Ou bien ils finissent par être brisés.

Mais pour l'instant, l'humain ne semble rien vouloir tenter. La menace d'Eol a dû être suffisamment claire. Il attend sagement qu'Eol termine de s'occuper des chevaux, en le fixant peut-être avec trop d'attention. Il cherche peut-être une faiblesse. Mais peu importe ; Nïn le surveille. Puis, une fois Eol prêt, Thyou les entraîne à l'intérieur du sanctuaire. La lumière est chiche, uniquement dispensée par une bougie qui se trouve sur un autel. A part ce dernier, les lieux sont nus, et le petit groupe se rend directement à une porte, au fond de la pièce,  à laquelle Thyou se met à tambouriner.

Nïn en profite pour jeter un regard à Eol. Ses yeux ne regardent nulle part. Quelque-chose l'inquiète, avec sa vue. On dirait qu'il ne peut voir. Toutefois, elle serait incapable de l'affirmer, Eol ayant toujours eu une façon étrange de porter son regard - sans regarder les gens dans les yeux, entre autres. Mais même ses gestes lui semblent plus étranges qu'à l’accoutumée. Toutefois, elle n'ose rien exprimer, de peur que Thyou y voit une faiblesse, et n'en profite pour tenter quelque-chose.

La porte s'ouvre finalement, tirant Nïn de ses pensées, et révélant un homme aux gestes lents, qui s'enquiert du motif de leur venue avec un ton guère plus vif, mais que le tintement de pièces que Thyou tire à sa bourse semble réveiller immédiatement.

- Mes esclaves ont été blessés. Vous pouvez les soigner ?

Le religieux s'empresse d'acquiescer, et saisit Nïn par l'épaule pour l'aider à le suivre dans la pièce dans laquelle il officie. Elle se laisse entraîner, encouragée par une poussée d'Eol, non sans un dernier regard d'avertissement vers Thyou. Elle ignore si celui-ci est vraiment nécessaire. Elle sait Eol capable de le vaincre aisément. Toutefois, elle ne peut s'empêcher de s'inquiéter, notamment à cause des problèmes que son maître semble avoir pour voir.

Elle se laisse dévêtir par le religieux, qui examine ses deux blessures. Il ne pose pas de questions, même si elle voit ses sourcils se hausser à la vue de la morsure. Il ne prend pas la peine de parler à Nïn, se concentrant plutôt sur son travail, et préférant se livrer des commentaires à lui-même, en marmonnant de telle sorte que la demi-elfe ne saisit qu'un mot sur deux. Il se contente de la prévenir avant de retirer la flèche de sa jambe, ce qui lui permet de retenir un cri. Puis il retourne à son office, appliquant sur ses blessures des onguents dont elle ne sait rien, avant de les bander. Lorsqu'il lui tend une potion à prendre, elle lui demande de quoi il s'agit. Fronçant les sourcils, il lui répond que c'est pour minimiser la douleur.

La demi-elfe secoue alors la tête, répondant :

- Il déplairait à mon maître que je ne sois pas en la totale possession de mes moyens.

L'homme n'insiste pas davantage. Il l'aide à se relever, à se revêtir, puis à quitter la salle. Avec soulagement, elle retrouve Eol et Thyou qui l'attendent. Le demi-drow suit alors le religieux, non sans lui chuchoter au passage de surveiller son nouvel esclave. Puis elle se retrouve seule avec ce dernier. Rapidement, celui-ci se met à l'observer. Elle lui retourne son regard. Plus question de baisser les yeux devant lui. Elle doit le surveiller. Il n'est pas son maître. Et elle doit faire respecter l'autorité d'Eol, dont il l'a rendue garante.

- Nïn, c’est bien ça ? J’espère que ça te vexe pas trop d’voir que ton maître s’est choisi un nouvel esclave. Maintenant je suis sensé être quoi pour toi, un concurrent à éliminer ou… un potentiel ami ?

Elle le regarde avec curiosité. Elle se demande si sa question est sincère, ou s'il a des motivations cachées. Elle n'a pas le temps de tirer cela au clair qu'il enchérit :

- Il s’est passé quoi, toute cette année où t’avais réussi à t’enfuir loin de lui ? Quelle genre de relation vous avez ? T'aimes ça, qu’on te traite comme un chien ? Et pourquoi lui ? Tu te rends compte qu'avec tes pouvoirs, tu pourrais avoir tout s'que tu veux ?

Ses questions pleuvent. Alors, elle attend qu'il ait fini pour répondre. Cela lui laisse également le temps de rassembler ses pensées.

- De quoi ça rêve, les jeunes filles de ton âge ? Je sais pas, de robes, de bijoux ? Ou bien de princes charmants et de gosses ? Ou juste de liberté ? Ne me fais pas croire que tu veux rien d’autre qu’obéir à un demi-drow un peu…

Il agite sa main à côté de sa tempe. Nïn sent sa gorge se serrer. Elle ne supporte pas qu'il insulte Eol. Toutefois, sa première question lui a fait prendre conscience du rôle qu'elle a envers lui. En tant qu'esclave de confiance de son maître, il est de son devoir de seconder celui-ci dans l'apprentissage à donner aux autres esclaves. Et, donc, à Thyou. Elle se force donc à garder une voix calme, pour lui répondre :

- Je pense avoir la confiance de notre maître. Et comme il vient seulement... de t'acquérir, je dois t'apprendre où est ta place. Tu n'es ni mon ennemi, ni mon ami. Seulement un jeune esclave à qui je dois faire tenir son rôle, qu'importe la façon. Et je suis honorée d'être traitée par notre maître de la façon qu'il lui plaît. Tu serais bien avisé d'apprendre à faire et penser de même.

Elle estime que la question concernant ses rêves ne mérite pas davantage de réponse. Elle n'aspire à rien d'autre qu'à contenter Eol. Et cela doit être le souhait d'un esclave. Mais cela lui semble redondant par rapport à ce qu'elle vient de dire. Elle le garde donc pour elle.

Les yeux toujours fixés sur Thyou, elle est attentive à ses réactions. Elle ignore quels effets ses réponses pourraient avoir sur lui. Aussi, elle le tient à l’œil, tout en guettant le bruit des pas d'Eol, qui annoncerait son retour.
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Message  Eol Ven 4 Oct 2019 - 22:27

Chaque bruit résonne dans la cellule. L’écho est proche et je devine l’emplacement des murs. Les lieux sont exigus, embaumés d’une odeur de transpiration rance. L’homme respire lourdement juste au dessus de moi. Je sens son souffle sur ma peau. Une goutte tombe sur ma joue. C’est probablement sa sueur. Dégoûtant !

Des doigts trifouillent mes cheveux. Ils se posent sur ma joue et remontent le long de ma tempe en exerçant une faible pression. Une douleur lancinante me traverse quand ils touchent ma blessure.

- Tourne la tête sur le côté.

J’obéis et des paumes se plaquent sur mon oreille. Je serre les dents pour ne pas hurler. Les mains deviennent brulantes. La chaleur traverse ma peau. J’ai l’impression d’avoir la tête en feu. J’ai envie d’arracher les mains du prêtre. J’attrape ses poignets et il pousse un grognement.

- Du calme ! C’est fini, c’est cautérisé.

La chaleur disparait en même temps que la douleur. Je veux toucher mon oreille mais une main attrape les miennes. J’entends un grincement. C’est le bruit d’une boîte qu’on ouvre. L’odeur de menthe envahi la pièce et me rappelle l’onguent que j’appliquais parfois aux chevaux blessés. J’inspire profondément pour la faire pénétrer mes poumons. Les doigts du prêtre étalent quelque chose de froid sur mes mains brulées et je ne sens plus rien.

- Ne bouge pas, garde les yeux fermés.

Quelque chose de mou et humide se pose sur mes paupières. La sensation est désagréable. J’attends mais rien ne se passe.

- Je m’en doutais… allez, debout !

Je sens une pression entre mes omoplates qui me pousse en avant. Une porte grince et un courant d’air frais fait disparaître l’odeur de sueur. Les mains dans mon dos cessent de me guider et j’entends le pas de l’homme s’éloigner. Sa résonne un peu trop loin pour que je l’entends clairement :

- Voilà. Vos deux esclaves sont en pleine forme. Le drow a perdu une oreille mais son audition est intacte. Par contre en ce qui concerne ses yeux, je suis…
- Aïe !

Mon pied a heurté quelque chose de dur. Je trébuche et mon corps penche dangereusement en avant. Mes mains battent le vide jusqu’à trouver quelque chose à quoi se raccrocher. Ma prise malhabile et brusque me permet de me rattraper juste à temps, mais je n’ai pas pu entendre la fin de la phrase du prêtre.

L’odeur de Thyou envahit mes narines. J’entends son pas que je reconnaitrais entre mille. Il est harmonieux et léger. Et il s’arrête à quelques centimètres de moi. Une poigne se referme sur mon avant-bras pour me guider jusqu’aux marches que je descends doucement.

- Viens Nïn.

La voix de Thyou est autoritaire. Je n’aime pas trop la façon qu’il a de s’adresser à mon esclave. Il profite de la situation. Mais je ne dis rien parce que je lui ai demandé de jouer le rôle du maître. Alors pour le moment, je serre juste les dents en avançant dans le noir. L’odeur et le bruit des chevaux m’attirent immédiatement vers Eclair. Je n’ai pas besoin de tâtonner pour trouver son licol. Sans hésiter, je le détache et tend la corde dans la direction de Thyou. Enfin, j’avais supposé que c’était là qu’il se trouvait, mais son rire retentit à un autre endroit. Le vent… je n’avais pas pris en compte la direction du vent qui a dévié son odeur. Il va falloir que je m’entraîne pour ne plus me tromper.

Thyou me prend les rênes et je m’occupe de Neige. Je fais un petit claquement de langue et le cheval se met en marche. Je suis son pas. Nous avançons à travers la ville. Au bout d’un moment, Thyou maugrée :

- T’as l’intention de suivre ton cheval jusqu’au bout du monde ou tu vas finir par me laisser mener la marche ?

Je n’aime pas son ton. Je m’arrête pour lui faire remarquer :

- Si tu ne me montres pas plus de respect, je te tue.

Six secondes passent. Finalement, il se remet à parler. Cette fois-ci, sa voix est plus douce :

- Est-ce que ton plan tient toujours ?
- Oui.
- Je nous emmène à la maison du maître ?
- Oui.

Thyou me frôle en passant devant moi. Les chevaux le suivent et je me laisse entraîner. J’écoute le bruit de leurs sabots sur le sol. Nous avançons jusqu’à un lieu sentant la paille, l’urine et la sueur. Un bruit de vêtement froissé me laisse penser que Thyou tend le bras.

- Le maître habite dans cette maison. Et, maintenant quel est le plan ?
- Nïn ? Repère les lieux. Ce soir, tu reviendras pour tuer le propriétaire de cette maison.
- Je l’accompagnerais.
- Non.

J’ai envie de transpercer Thyou avecmon cimeterre. Je ne le laisserais jamais emmener Nïn chez le maître. Parce qu’il est désobéissant et qu’il la lui donnerait comme esclave. Et Nïn n’est qu’à moi. La respiration de Thyou s’arrête. Il déglutit et je sens son odeur devenir acide. C’est l’odeur de la peur.

-  Emmène-nous dans un endroit où on pourra manger et dormir sans être dérangés.

Une heure plus tard, j’ai le ventre plein et je m’assois sur un lit moelleux. Il crisse quand je bouge et les couvertures sentent le chat. La température a chuté brusquement, donc je devine qu’il fait nuit. Je me tourne vers l’odeur de Nïn et je lui montre une de mes dents :

- Le maître a une carie sur cette incisive là. Il a aussi un grain de beauté avec un gros poil noir sur le dos. Il dit souvent « Diantre », « Idiot » ou « Mollusque » et il fait un bruit de chien malade quand il rit. Il transpire beaucoup, surtout au niveau du dos. Tu devrais le reconnaître facilement.

Thyou pousse un gros soupir. Je fronce les sourcils en lui demandant ce qui lui arrive.

- Je vais compléter un peu ta description, si ça ne te gêne pas trop. C’est un homme d’une quarantaine d’années qui mesure une tête de moins que moi mais qui est deux fois plus large. Pas d’inquiétude, ce n’est pas du muscle mais juste de la graisse. Il est brun, poilu, la barbe épaisse, le nez épaté et il a une longue cicatrice qui part de son œil droit jusqu’au menton. Il porte toujours des vêtements ostentatoires avec un tas de bijoux. Dans la rue, il est souvent accompagné d’un minotaure en guise de garde du corps, mais la nuit, sa vache dort avec les autres esclaves.

Sa description n’est pas du tout précise. Pourquoi est-ce qu’il a voulu compléter la mienne avec ça ? Probablement pour se rendre intéressant. C’est un truc que les humains adorent faire.

- Le maître n’est pas particulièrement fort donc je pense que tu n’auras aucun mal à t’en débarrasser, mais le souci que tu pourrais rencontrer serait… qu’il ne soit pas seul. S’il discute avec un groupe d’hommes, attends juste quelques heures qu’ils s’en aillent. Par contre, s’il est avec une femme, attendre ne servira pas à grand-chose et mieux vaut ne pas prendre de risque. Tu rentreras et retenteras ta chance demain.
- Non. On prend le risque. On ne peut pas rester ici une journée de plus. Nous devions être rentrés aujourd’hui. Demain le maître nous fera chercher. Nous devrons être partis. Nïn, tu es assez forte pour tuer tous ceux qui méritent de mourir. Donc tue-le quoi qu’il arrive et reviens-moi.
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Message  Nïn Mar 8 Oct 2019 - 23:33

Thyou ne lui est pas déchiffrable. Elle ignore ce qu'il pense des réponses qu'elle lui a apporté. Et elle ne sait qu'en penser. Est-ce qu'il est d'accord avec ce qu'elle lui a dit ? Est-e qu'il commence à comprendre son rôle, et à l'accepter ? Ou bien est-ce qu'il ourdie quelque machination dont elle ne peut rien deviner ?

La porte de la salle dans laquelle Eol a été emmené, s'ouvrant, la tire de ses pensées. Le demi-drow est guidé par le religieux, qui annonce à Thyou que ses deux "esclaves" sont désormais en bonne condition, que l'audition d'Eol, malgré son oreille arrachée, est intacte, mais qu'en revanche, le demi-drow n'y voit rien. Confirmant ses dires, ce dernier trébuche, et ne doit qu'au religieux de ne pas tomber en avant.

Thyou réagit plus vite que Nïn. Il s'approche d'Eol et lui saisit le bras, de sorte à le guider et le soutenir. Cela inquiète Nïn. Elle a terriblement peur que l'humain cherche à prendre avantage de la cécité d'Eol. De plus, cette dernière fait peser sur elle une douleur sourde. Elle se demande ce que peut ressentir Eol. Elle a peur pour lui. Elle se sent également coupable. D'une manière ou d'une autre, elle aurait dû éviter cela. C'était son devoir. Et elle y a manqué.

Les yeux fixés sur Thyou, elle sursaute lorsque celui-ci lui ordonne de le suivre. Elle n'aime pas la façon dont il prend la situation en mains. Mais elle sait qu'il doit faire semblant d'être leur maître, tant que des êtres humains les entourent. Elle le suit donc docilement, non sans garder les yeux sur lui. Elle n'a pas confiance en lui. Elle ne peut pas avoir confiance en lui. Elle ne peut laisser aucune nouvelle menace s'en prendre à Eol. Il lui faut donc le surveiller.

Malgré sa cécité, Eol semble trouver les chevaux sans peine. Il détache un premier cheval, dont il tend la longe dans le vide. Nïn demeure interdite, avant de comprendre au rire de Thyou qu'il a mal anticipé la place de celui-ci, et voulait lui confier l'animal. Sa gorge se serre. Elle n'aime pas que cela fasse rire l'humain. Mais elle ne peut rien y faire, dans l'immédiat.

Eol s'occupe du cheval blanc, l'aidant à monter dessus, puis se mettant en selle lui-même. Il met l'animal en marche sans aucune difficulté. Il ne peut sans doute pas distinguer les personnes et les autres montures qu'ils croisent, mais le cheval les évite sans doute de lui-même. Toutefois, au bout d'un moment, Thyou relève :

- T’as l’intention de suivre ton cheval jusqu’au bout du monde ou tu vas finir par me laisser mener la marche ?

Nïn sent de nouveau sa gorge se serrer. Elle voit toute l'insolence de Thyou dans son regard. Et cela ne lui plaît pas. Mais elle n'est pas la seule à relever le ton utilisé, puisqu'Eol intervient, d'une voix égale qui rend sa remarque d'autant plus frappante :

- Si tu ne me montres pas plus de respect, je te tue.


Nïn voit l'expression de l'humain se modifier. Elle songe que malgré sa cécité, Eol doit continuer de l'effrayer. Et sans doute ses pouvoirs à elle, aussi. Après tout, il l'a vue brûler un homme vivant. Si l'on pouvait appeler homme le démon qui s'était nourri de sa chair. Thyou reprend d'un ton adouci :

- Est-ce que ton plan tient toujours ?
- Oui.
- Je nous emmène à la maison du maître ?
- Oui.

Thyou prend alors la direction de la marche, le cheval d'Eol et Nïn suivant docilement. La demi-elfe est de plus en plus inquiète. Elle n'aime pas que ce soit Thyou qui dirige. Elle a peur qu'il renverse, de façon insidieuse, le rapport de force, et qu'il en profite par la suite. Mais ils n'ont pas le choix. Pour le plan d'Eol, ils ont besoin de Thyou. Tout ce qu'elle peut faire, c'est tenir ce dernier à l'oeil.

Ils s'arrêtent finalement, en vue d'un bâtiment que Thyou désigne comme la maison du maître. Puis il s’enquiert de la suite du plan auprès d'Eol.

- Nïn ? Repère les lieux. Ce soir, tu reviendras pour tuer le propriétaire de cette maison.

- Je l’accompagnerais.
- Non.

La voix d'Eol est glaciale, ses traits, fermés. En réponse, l'attitude de Thyou se modifie, laissant transparaître sa peur. Eol continue à son adresse :

- Emmène-nous dans un endroit où on pourra manger et dormir sans être dérangés.


Thyou obéit sans demander son reste. De nouveau, Eol suit Thyou, mais Nïn se sent un peu plus sereine. Plus Thyou aura peur d'Eol, moins il osera tenter quelque-chose. Ils sont sans doute tranquilles pour un petit moment.

Conformément au souhait d'Eol, ils se restaurent et se reposent. Puis, la nuit tombée, Eol se tourne vers elle, lui indiquant :

- Le maître a une carie sur cette incisive là. Il a aussi un grain de beauté avec un gros poil noir sur le dos. Il dit souvent « Diantre », « Idiot » ou « Mollusque » et il fait un bruit de chien malade quand il rit. Il transpire beaucoup, surtout au niveau du dos. Tu devrais le reconnaître facilement.

Nïn lève les yeux vers Eol. Elle sait qu'il a l'impression de lui avoir donné une description parfaitement utile de son maître. Elle a l'impression qu'il se fixe constamment sur des détails que la plupart des gens ne remarquerait pas, et oublie par là même d'observer l'essentiel. Elle s'apprête à demander des précisions, lorsque Thyou la devance, en soupirant de façon tellement ostentatoire qu'Eol lui en demande la raison. L'humain répond :

- Je vais compléter un peu ta description, si ça ne te gêne pas trop. C’est un homme d’une quarantaine d’années qui mesure une tête de moins que moi mais qui est deux fois plus large. Pas d’inquiétude, ce n’est pas du muscle mais juste de la graisse. Il est brun, poilu, la barbe épaisse, le nez épaté et il a une longue cicatrice qui part de son œil droit jusqu’au menton. Il porte toujours des vêtements ostentatoires avec un tas de bijoux. Dans la rue, il est souvent accompagné d’un minotaure en guise de garde du corps, mais la nuit, sa vache dort avec les autres esclaves. Le maître n’est pas particulièrement fort donc je pense que tu n’auras aucun mal à t’en débarrasser, mais le souci que tu pourrais rencontrer serait… qu’il ne soit pas seul. S’il discute avec un groupe d’hommes, attends juste quelques heures qu’ils s’en aillent. Par contre, s’il est avec une femme, attendre ne servira pas à grand-chose et mieux vaut ne pas prendre de risque. Tu rentreras et retenteras ta chance demain.
- Non. On prend le risque. On ne peut pas rester ici une journée de plus. Nous devions être rentrés aujourd’hui. Demain le maître nous fera chercher. Nous devrons être partis. Nïn, tu es assez forte pour tuer tous ceux qui méritent de mourir. Donc tue-le quoi qu’il arrive et reviens-moi.

Nïn acquiesce. Elle fera ce qu'Eol lui demandera.

Thyou se propose de l'accompagner au moins à cheval, puisqu'elle-même ne sait pas monter, afin qu'elle n'ait pas à faire la route à pieds. Elle lui signifie l'inutilité d'une telle entreprise. Puis, sans ajouter davantage d'explications, elle devient once. Après un dernier regard vers Eol, elle se fond dans la nuit.

Elle gagne la demeure au petit trot. L'once, comme tout les félins, est un chasseur d'assaut. Elle n'épuise pas ses proies par une longue course, comme le loup, mais s'approche discrètement, avant de bondir sur elle dans un déchaînement de puissance, pour une lutte brève et féroce. Elle n'a donc pas la constitution pour une longue course, et préfère ménager ses efforts, et se préserver pour le moment de l'attaque.

Parvenue à la maison, elle s'arrête un instant. Lors de son repérage, elle a pu noter que la maison était pourvue de plusieurs fenêtres. Il lui faut maintenant vérifier par quoi ces ouvertures sont fermées pendant la nuit. Cela pourrait être par du bois, ou par des toiles, plus ou moins solides. Quoi qu'il en soit, rien qui puisse lui résister.

Elle se met à décrire un cercle autour de la maison. Au rez de chaussée, les fenêtres semblent bien protégées durant la nuit. A l'étage, une simple toile empêche le froid de s'infiltrer. Nïn pourrait très bien brûler le bois qui protège les ouvertures du bois. Mais passer par le haut lui semble plus discret. Un puissant bond lui permet d'atteindre aisément le rebord d'une fenêtre. A grand renfort de coups de griffe, elle parvient, non sans lutte, à déchirer la toile. Elle abandonne alors sa forme de panthère, et se faufile dans l'ouverture.

A l'intérieur, tout est calme. Si domestiques ou esclaves il y a, ils doivent être couchés, ou occupés au rez-de-chaussée. Nïn tend l'oreille, espérant capter des bruits, qui pourraient la renseigner sur la localisation du maître d'Eol. Avançant au hasard, le plus discrètement possible, elle parvient finalement à repérer des éclats de voix et de rire. Les suivant, elle parvient à la porte de ce qui doit être une chambre. A l'intérieur, elle parvient à distinguer trois voix différentes, dont deux féminines. Visiblement, le maître d'Eol est en bonne compagnie. Cela ne lui facilite pas la tâche. Les deux femmes vont certainement dormir avec lui, et qui sait combien de temps pourraient durer leurs ébats. Et pourtant, elle ne peut attendre, ou revenir plus tard ; sa mission doit être menée à bien dans la nuit. Il lui faudra donc trouver un moyen de neutraliser les deux femmes, tandis qu'elle tue l'homme.

En l'absence de plan plus développé, et de moyen d'en imaginer un, Nïn pousse la porte, et entre dans la pièce. Ses trois occupants sursautent, et tentent fébrilement de comprendre ce qu'il se passe, émergeant difficilement de leur activité. Mettant leur surprise à profit, Nïn se jette sur le lit qui était le théâtre de leurs ébats, repousse sans ménagement l'une des deux femmes, et propulse sur la seconde un puissant souffle d'air, qui la repousse vers un mur. Pendant ce temps, l'homme a repris ses esprits. Il est tel que le lui a décrit Thyou, les vêtements ostentatoires mis à part. Et, visiblement, il est furieux de l'interruption. Ne devant pas juger que Nïn puisse représenter une sérieuse menace, il tente un coup de poing dans sa direction, assorti d'un grognement de rage. LA demi-elfe l'esquive sans trop de peine. Elle n'est certes pas bien imposante, mais elle est agile, et capable de se battre. D'un coup de genoux bien placé, elle plie l'homme en deux, et s'apprête à abattre ses poings sur la nuque ainsi offerte, quand elle sent deux bras la ceinturer par derrière, et l'entraîner dans une chute à bas du lit.

Nïn grogne, et lutte contre l'étreinte qui l'enserre pour se retourner. N'y parvenant pas, elle projette sa tête en arrière, heurtant de celle-ci le visage de son adversaire. L'étreinte se relâche, et la demi-elfe peut se retourner, et découvrir l'une des deux femmes. Une fraction de seconde, Nïn la juge courageuse, mais elle n'a pas le temps de s'attarder dessus. La femme est un obstacle. La saisissant par le collier qui lui entoure le cou, Nïn profite de son hébétement pour la plaquer contre le mur. Puis, dans sa main, elle fait apparaître une flamme, sur laquelle se fixent les yeux de la femme.

- Ne donne pas ta vie pour la sienne. Il ne la mérite pas. Et il mourra de toute façon.

A ce moment, l'autre femme pousse un crie. Alertée, Nïn se retourne juste à temps pour éviter qu'une épée ne l'embroche, ne récoltant qu'une coupure brûlante sur le flanc. La demi-elfe roule de côté, se redresse souplement, et projette un souffle furieux sur l'homme qui, déstabilisé, titube vers l'arrière. Le suivant, Nïn lui porte un violent coup de poing à la gorge et, ne lui laissant pas le temps de se ressaisir, invoque de l'eau, qu'elle lui projette violemment dessus. C'est moins efficace que du feu, mais elle se méfie du contrôle qu'elle a sur ce dernier. L'eau, au moins, ne risque pas de réduire toute la maison en cendres, serviteurs et esclaves compris.

L'homme tombe à la renverse. Nïn juge alors le moment venue. Elle endosse de nouveau sa forme de panthère, et, d'un bond, est sur l'homme. L'une de ses pattes se pose sur son visage, le maintenant au sol, et ses crocs en profitent pour se plonger dans la gorge ainsi découverte. L'homme ne résiste plus longtemps. Une immobilité de mort remplace bientôt ses efforts pour se libérer. L'once recule, et redevient demi-elfe. Nïn jette un regard autour d'elle. La femme qui l'a prévenue de l'attaque de sa victime est roulée en boule, les mains devant les yeux. L'autre se tient raide, toujours assise contre le mur où Nïn l'a laissée. Elle fixe la demi-elfe, l'air à la fois effrayé et sur le point de se jeter sur elle de nouveau. Nïn préfère ne pas la provoquer, et s'approche plutôt de l'autre femme. Tirant une couverture du lit, elle l'en recouvre. Puis, s'agenouillant à ses côtés, elle lui murmure un remerciement, avant de se relever, et de quitter les lieux.

La nuit étant désormais bien avancée, Nïn estime qu'elle peut repartir par la porte d'entrée sans difficulté. Une fois dehors, elle reprend sa forme d'once, et effectue le plus vite possible le chemin du retour. Avant de rentrer, elle prend toutefois le temps de donner quelques coups de langues sur la blessure de son flanc. Puis elle quitte sa forme d'once, et rejoint entre dans le bâtiment où se cachent Eol et Thyou.
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Message  Eol Dim 13 Oct 2019 - 21:40

Thyou, le traqueur


Mais comment j’ai fait pour me retrouver avec ces deux fous-furieux… ?

Il a suffit que je glisse l’idée à Eol pour que ce dernier se mette en tête de tuer un homme. Moi, j’avais juste envie de voir Nïn à l’œuvre pour évaluer ses capacités et trouver une solution pour m’en tirer, mais au lieu de ça, il décide de l’envoyer toute seule, dans un village qu’elle ne connait même pas, tuer un inconnu, pour la simple et bonne raison qu’il est son maître. Il aurait simplement pu partir, ou alors utiliser l’argent de la Vipère pour racheter sa liberté. Mais non, il a suffit d’un mot de ma part pour qu’il fasse assassiner quelqu’un sans montrer la moindre émotion. Ça me glace le sang.

Nïn acquiesce. Evidemment qu’elle acquiesce. Après notre conversation dans la chapelle, je comprends bien qu’elle ne fera jamais rien d’autre qu’obéir à son maître. Pire, elle s’attend à ce que je fasse de même. Elle est folle et aucune conversation rationnelle ne peut tirer un aliéné de sa prison mentale. Alors faute de mieux, je lui propose de l’accompagner pour qu’elle ne fasse pas la route à pied, vu qu’elle ne sait pas bien monter à cheval. Non seulement ça me permettra peut-être de la voir à l’action, mais surtout… je ne sais pas, ça me met mal à l’aise de la laisser partir dans le noir pour tuer quelqu’un sur ordre d’un psychopathe. Mais elle refuse. A quoi est-ce que je m’attendais ? A côté, Eol s’agace. Je l’observe en me rappelant qu’il m’avait interdit de l’accompagner. Mince… j’espère ne pas lui avoir à nouveau donné des envies de meurtre. Gêné, je me tourne vers Nïn, mais mon regard tombe dans le vide : elle a disparu.

Le plus loin possible d’Eol, je m’assois par terre en regardant autour de moi. La chambre est d’une banalité à mourir, faite en bois et en chaume, sans aucune particularité. Je m’ennuie déjà. Distraitement, je joue avec le mur en le tapotant à un rythme rapide lorsqu’Eol m’arrête :

- Je vais préparer les chevaux.
- Mais on est là depuis seulement trois heures !

Sans prêter attention à mes paroles, il se lève en tenant le mur. A tâtons, il avance en le longeant, cherche la porte en frottant un peu partout et finit par la trouver. A ce rythme, il n’arrivera pas à l’écurie avant la fin de la nuit, je me lève donc, jette les couvertures sur mon épaule et m’approche de lui pour le guider jusqu’aux box où nos chevaux commençaient juste à se reposer. Une fois là, le drow retrouve son adresse habituelle et attrape chaque objet sans même avoir à tâtonner. Il a toujours aimé les chevaux, et je suppose qu’il se débrouille avec ses autres sens pour les apprêter sans aucune difficulté.

Pendant ce temps, Nïn est quelque part là-bas, de l’autre côté du village. Je devrais espérer que son plan rate et qu’elle se fasse attraper, voir tuer. Pourtant, sans vraiment savoir pourquoi, cette idée me répugne. J’en voudrais presque à Eol d’avoir monté une tactique aussi vide.

- Pourquoi tu l’as pas accompagnée ? Elle a peut-être besoin d’aide.
- Nïn est plus puissante que tout ce que tu peux imaginer. Elle n’a pas besoin de mon aide. Surtout dans mon état. Je serais plus gênant qu’autre chose….

Je rêve où sa voix est pleine de regret ? Pas possible, Eol est triste ! J’ai envie de me moquer de lui, mais je me contente de lui lancer une grande claque dans le dos qui le fait sursauter.

- Cette esclave est complètement folle. Elle disait qu’elle était honorée d’être traitée par toi de la façon qu’il te plaisait. Mon avis, c’est pas ton petit problème d’œil qui va lui faire retrouver la raison.

Et moi, est-ce que je ne serais pas aussi un peu fou, à vouloir consoler un drow idiot ?

- Je t’interdis de parler d’elle comme ça. En fait, je t’interdis de parler d’elle tout court.

Son ton me fait l’effet d’un courant d’air froid. Je me tétanise sur place en me disant malgré tout que je préfère voir un Eol fâché contre moi qu’un Eol triste. Malheureusement, il n’en a pas fini avec les sujets qui fâchent :

- Qu’a dit le guérisseur à propos de ma vision ?

Oh. Il n’avait pas entendu…. Je me frotte la tête en emplissant mes poumons de l’odeur équine des lieux. Je n’ai pas vraiment envie de lui répondre, mais je le connais assez pour savoir qu’il ne me lâchera pas tant qu’il ne saura pas la vérité. Je pourrais lui mentir. Mais je ne m’en sens pas non plus le courage, alors de ma voix la plus impitoyable, je réponds avec toute la méchanceté dont je suis capable :

- Il a dit que tu verras plus jamais.

Eol est de dos. Il s’immobilise mais ses épaules ne s’affaissent pas. Il se contente de rester là de longues minutes, sans prononcer le moindre mot. Finalement, il tend les bras pour mettre la selle à Eclair. Je me mords la lèvre en me demandant ce qu’il peut bien penser. Mal à l’aise, je me mets à tapoter le museau de Neige qui me répond d’un coup de tête. Saleté !

- Tu me serviras d’entraînement au combat. Tous les matins.
- T’es pas sérieux ? Tu veux vraiment apprendre à te battre à l’aveugle ? C’est impossible !
- Si tu te défiles, elle te tuera. D’ailleurs, elle arrive. Va la chercher.

Comment a-t-il su ? Rien n’a changé ici, ni les bruits des chevaux, ni leur odeur trop forte, pas même le souffle du vent. Je hausse les épaules sans lui demander et me dirige vers la porte principale du bâtiment lorsqu’elle apparait effectivement face à moi. Ses grands yeux bleus sont toujours les même. Ses joues rosies par le froid aussi, ainsi que ses longs cheveux légèrement décoiffés. Et pourtant ! Ses petites mains qui ont l’air si douces viennent de tuer. La meurtrière qu’elle est se dévoile derrière chacun de ses traits trop parfait pour être humain. Comment une aussi jolie fille peut-elle me faire aussi peur ? J’avale ma salive et sans réussir à prononcer un mot, espérant simplement qu’elle ne remarque pas ma pâleur. Derrière sa frêle silhouette semble se dessiner le fantôme du gros homme qui fut mon supérieur et, durant un bref instant, je regrette d’être à l’origine de sa mort.

Car tout est de ma faute.

Je m’approche d’elle en lui tendant mon manteau. Qu’est-ce que j’imagine ? Elle doit avoir froid d’être restée dehors dans la nuit glacée. Elle doit avoir froid d’avoir volé la vie d’un homme. Elle s’imagine n’être qu’une esclave sans volonté propre. Je voudrais lui dire qu’elle se trompe. Je voudrais qu’elle arrête d’obéir à celui qui lui ordonne de tuer sans raison. Mais je me contente de lui lancer une grimace sournoise en lui désignant les écuries du pouce.

- Eol nous attend avec les chevaux. Par contre ma jolie, si tu veux pas être un fardeau pour ton maître, va falloir que t’apprennes à monter à cheval un jour.

Pourquoi est-ce que j’ai dit ça ? Parce que je n’aime pas la voir monter, collée à Eol ? Ou parce que j’ai envie qu’elle s’imagine n’être rien pour lui ? Je ne sais plus très bien ce que je pense de toute cette histoire folle. Plus ça avance, plus je deviens aussi fou qu’eux. Il va falloir que je me tire vite de là.

Une fois de retour dans l’écurie, Eol attrape la taille de Nïn pour la faire monter sur Eclair. Pas un mot, pas une question, juste ses grandes mains qui se posent sur elle pour la faire s’envoler comme une plume. Il aurait au moins pu s’informer sur la réussite de sa mission. Mais non, il a l’air totalement confiant. Haussant les épaules avec fatalité, je jette mes deux couvertures sur Neige et monte à mon tour.

- On va chercher Tarik.

Hein ? C’est qui lui ? Ah, oui, c’est vrai, son cheval. Je me souviens que le maître l’avait récupéré après avoir fait d’Eol son esclave.

Aussitôt dit, aussitôt fait. La tâche s’avère bien plus simple que prévue puisque, arrivé dans les écuries du maître, le minotaure qui lui servait de garde du corps se redresse d’un bond pour me faire une courbette. Dans son petit cerveau bovin, je suis encore son supérieur et si son regard trahit son étonnement, il ne me pose aucune question lorsque j’emmène l’un des chevaux avec moi.

C’est ainsi que Nïn et Eol montés sur Eclair galopent derrière moi, monté sur Neige, avec Tarik accroché à ma selle.

Nous nous arrêtons à une bonne distance du village, histoire de ne pas se faire rattraper trop rapidement. Nous nous trouvons à la lisère d’une forêt où nous attachons nos chevaux pour nous allonger un peu, afin de nous reposer avant de repartir. Personne n'a prononcé le moindre mot et ce cortège funèbre commence sérieusement à me peser. La nuit est froide mais nous ne faisons pas de feu pour éviter d’attirer l’attention. Je jette donc une couverture sur Eol qui me demande si je l’ai volée. Mentant du mieux que je peux, je lui assure l’avoir payée à l’aubergiste et il s’enroule dedans sans rien ajouter. J’attends qu’il ne fasse plus aucun bruit pour étaler la seconde et dernière couverture sur Nïn. Silencieusement, je l’y rejoind pour me blottir contre sa chaleur. Qu’elle me dévore de ses flammes si cela lui déplaisait, ou qu’elle s’en aille rejoindre Eol si elle préfére sa compagnie à la mienne ! Me demandant à quelle sauce elle me mangera, je lui demande avant de lui laisser le temps de me tuer :

- Je veux bien que tu m’apprennes à être un bon esclave, mais pour que je puisse le devenir, il va d’abord falloir que tu m’expliques ce qu’il y a de si bon à ça.

Vite vite vite, poser un maximum de questions avant de mourir !

- Et puis... que t’on apprit tes autres maîtres ? Que sais-tu faire d’autre que tuer ?

La lune se reflète dans ses grands yeux bleus. La douceur de ses traits est un spectacle mille fois plus incroyable que celui des étoiles qui nous observent dans le ciel. Je n’avais jamais remarqué à quel point la peau des elfes était si parfaite. Par tous les dieux ! S’il me faut mourir ce soir sous sa magie, je jure que je ne le regretterais pas.
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Message  Nïn Sam 19 Oct 2019 - 16:39

Thyou vient immédiatement à sa rencontre. Elle était attendue. Il lui tend un manteau, qu'elle refuse d'un geste gêné. Elle ne s'attendait pas à ça. Et elle ne sait pas trop comment se comporter dans ce genre de cas. Les esclaves sont des esclaves. Les maîtres ne sont pas prévenants envers eux, et eux ne sont pas prévenants entre eux... à moins d'avoir de bonnes raisons. Son ancien maître la couvrait parfois de ses vêtements. Mais il agissait ainsi uniquement dans des contextes particuliers, dans lesquels il ressentait l'envie de partager de la tendresse avec elle.

L'humain ne montre pas de réaction à son refus gêné, se contentant de lui indiquer d'un geste les écuries, où ils ont laissé les deux chevaux, et d'où il semble venir, tout en disant :

- Eol nous attend avec les chevaux. Par contre ma jolie, si tu veux pas être un fardeau pour ton maître, va falloir que t’apprennes à monter à cheval un jour.

Par réflexe, Nïn baisse les yeux, contrite. Il est vrai qu'Eol doit toujours la prendre avec lui, et que ce doit être encombrant. D'autant qu'il est obligé de veiller à son équilibre, qui est très mauvais. Elle n'y connaît rien à la monte. Eol a essayé de lui apprendre, un peu, au début. Mais elle était terriblement mauvaise avec le cheval. Elle avait peur, était déstabilisée par la moindre réaction de l'animal. Avec Eol, c'est différent. Elle sent sa joie d'être à cheval, et se laisse porter par elle, et par l'habileté du cavalier. Elle est même grisée par les chevauchées. Mais de là à diriger, elle, un cheval... Elle frémit rien qu'à cette idée.

Un peu perturbée par cette histoire, elle suit Thyou jusqu'aux écuries, où les chevaux sont déjà prêts au départ. Elle se demande si c'est Eol qui a dit à Thyou de lui transmettre son insatisfaction quant à sa capacité à monter à cheval. Elle se souvient qu'au début, il était effectivement très mécontent de ses piètres performances. Mais dans ce cas, elle ne comprend pas pourquoi son maître ne le lui aurait pas indiqué lui-même. Ou alors, c'est peut-être une initiative de Thyou, qui aura remarqué un agacement chez Eol. C'est tout à fait possible. Il se peut également qu'en tant que nouvel esclave, Thyou souhaite la faire mal voir d'Eol, pour se faire mieux voir, lui. Dans ce cas, elle lui souhaite un bon courage. Eol préfère les animaux aux gens. Et il se trouve qu'elle peut se transformer en panthère.

- On va chercher Tarik.

Le cheval d'Eol. Il lui a sans doute été pris par l'homme qu'elle a tué. Il leur faut donc retourner là-bas. Elle espère qu'aucune des femmes présentes n'aura encore donné l'alerte. Elle en doute. Cela pourrait être très mauvais pour elles, d'êtres trouvées seules avec la victime. Elles auraient tout intérêt à avoir fui les lieux sans êtres vues sur ceux-ci.

Ils prennent donc la direction des écuries. Là, Thyou s'en va chercher le cheval, ce qui se passe sans accroche, puisqu'il revient vite avec lui. Puis le trio repart, le cheval d'Eol attaché à celui que monte Thyou, Nïn et Eol derrière. Ils chevauchent ainsi jusqu'à l'orée d'une forêt, où ils démontent tous trois. Ils vont se reposer là, pour reprendre des forces. Nïn observe Eol, qui s'occupe des chevaux. Il faudrait qu'elle puisse être seule avec lui, pour lui dire qu'elle a caché la pierre. Il faut qu'ils retournent la chercher. Or, elle ne sait pas du tout s'ils avancent dans la bonne direction. Il faut qu'ils la ramènent dans le coin de forêt qu'elle connaissait. Là-bas, elle saura se repérer pour emmener Eol jusqu'à la pierre.

Mais dès qu'Eol en a terminé avec les chevaux, Thyou lui lance une couverture et, après que l'humain lui ait assuré l'avoir payée, Eol s'enroule dedans, et se couche. Nïn s'allonge donc à même le sol, en remettant à plus tard la conversation. Elle hésite à se changer en panthère. La nuit est froide, ils n'ont pas de feu, et elle n'a rien pour se couvrir. Mais la présence de Thyou la retient. Elle a peur de l'affoler. Elle cherche donc le sommeil en s'enroulant dans ses propres bras... et sursaute. Thyou vient dé déposer une couverture sur elle. Et, sans lui demander quoi que ce soit, il s'allonge contre elle. Nïn se retourne brusquement, et cherche les yeux de l'humain, retenant de justesse un feulement.

Elle n'a pas le temps de réagir davantage, que l'humain prend la parole :

- Je veux bien que tu m’apprennes à être un bon esclave, mais pour que je puisse le devenir, il va d’abord falloir que tu m’expliques ce qu’il y a de si bon à ça.

Surprise, elle se fige. Elle ne s'attendait pas à ça. Toutefois, sa proximité la gêne toujours. Elle veut lui dire de reculer. Il n'est pas son maître. Son maître est Eol. Thyou, lui, n'a aucun droit sur elle. Mais, déjà, l'humain continue :

- Et puis... que t’on apprit tes autres maîtres ? Que sais-tu faire d’autre que tuer ?

Elle fixe ses yeux dans les siens. Elle n'arrive pas à savoir s'il est sincère. Elle décide de le supposer.

Elle se redresse davantage, et sort de la couverture. Puis elle tourne le dos à Thyou, tout en prenant la parole :

- Premièrement, être un bon esclave, cela te permet d'éviter bien des souffrances... la plupart du temps.

Toujours dos à Thyou, elle retire son haut, révélant son dos, parsemé de cicatrices plus ou moins anciennes.

- Je ne suis pas née esclave. J'en étais même l'opposée ; je vivais dans les bois, et étais fille d'une elfe. Mon premier maître, celui qui m'a capturée, m'a appris à être une bonne esclave. Il l'a gravé en moi. Jusqu'à ce que j'intègre tout à fait ma condition. Et, de temps en temps, il s'assurait que je n'oublie pas. J'ai appris à être une esclave de maison. A bien me conduire. A être obéissante. A bien présenter. A précéder les désirs des maîtres et de leurs invités. A divertir, aussi - je danse et chante. Et mon maître m'a également appris à lui plaire, ce qui m'a d'ailleurs valu d'être revendue, car ma maîtresse était jalouse.

Nïn se revêt, cachant son dos. Tout son corps est marqué de cicatrices. La morsure du démon, la marque de la flèche, et la balafre de l'épée ne seront que les plus récents ajouts à sa collection. Mais son dos est le plus marqué, puisque le dos est la proie préférée du fouet.

- J'ai appris, lentement, qu'être une bonne esclave était bien plus satisfaisant qu'être une mauvaise esclave. Sois plaisant pour tes maîtres, et ils te féliciteront. Rends les fiers, et tu le seras toi-même. C'est mieux que le fouet, les punitions, la lutte vaine et douloureuse. De plus, Thyou, tu as de la chance. Eol est un bon maître. Il aime ses bêtes, et ses esclaves. Et il est puissant. Rien de tel qu'un maître puissant. Il saura te protéger, et tu seras fier de lui appartenir.

Elle se retourne vers l'humain. Elle espère qu'il a compris ce qu'elle voulait lui dire. Il n'est pas évident de faire comprendre ce que c'est d'être un esclave à quelqu'un qui a été libre toute sa vie, et de lui dire pourquoi il est mieux de l'accepter que de lutter. Mais elle espère qu'il a compris. Parce-qu'il a vraiment de la chance d'avoir Eol pour maître. Et qu'il aurait tort de ne pas s'en apercevoir.
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Message  Eol Sam 21 Déc 2019 - 11:28

A travers l’épars feuillage des branchages dépouillés par les froides saisons, les pâles lueurs des astres se posent sur les bourrelets disharmonieux formés par les cicatrices parsemant un dos dénudé. Face à cette chaire meurtrie, l’humain tend doucement la main pour caresser les anciennes blessures qui lui sont dévoilées. Cependant son geste lent s’arrête avant d’atteindre sa cible et ses doigts se recroquevillent dans sa paume pour s'en retourner contre sa poitrine. En se rétractant, l’homme fait preuve d’une pudeur qui ne lui ressemble pas. Un grognement rauque s’échappe d’entre ses dents serrées.

- J’ai fouetté assez de tes semblables pour savoir que ces traitements n’ont pas grand chose à voir avec le fait que vous soyez de mauvais esclaves.

Il parle volontairement d’elle et de ses semblables sans s’inclure, comme pour se prouver qu’il n’a rien à voir avec eux. Il voudrait encore y croire. Peut être aussi souhaite-t-il qu’Eol l’entende. Car non loin de là, recroquevillé sous une couverture en partie mangée par les mites, le demi-drow entend tout. Les sourcils légèrement froncés, il écoute la voix de Nïn conter son histoire. Et plus les paroles de son esclave pénètre ses oreilles pointues, plus son front se déride. Ses lèvres en viennent même à s’étirer. Il savoure cette mélodie dont il avait été si longtemps privé. Il voudrait passer cette nuit froide à écouter ces sons apaisant qui s’échappent d'entre les lèvres de la jeune fille. Alors quand la mélopée se fait recouvrir par la voix grave et lente de Thyou, les sourcils d’Eol se froncent à nouveau.

- Si la femme d’un propriétaire d’esclave te jalousait, c’est qu’elle ne te voyait pas comme une possession ou une simple esclave. A ses yeux de riche bourgeoise, tu étais une véritable rivale contre laquelle elle ne pouvait pas gagner. Et si ton maître te préférais à sa propre femme, c’est que, pour lui, tu étais supérieure à une humaine. Enfin… sur certains plans en tout cas.

L’homme se racle la gorge en détournant ses yeux du dos qui se revêt d’une tunique élimée par le temps. Il lève son nez rougis par le froid vers le ciel étoilé, se demandant pourquoi il parle à la façon de l’un de ces baronnets pédants qu’il côtoie parfois et honnis toujours. Lui, si rustre habituellement, le traqueur passant ses nuits dans les forêts au milieu des bêtes sauvages à manier l’épée bien mieux que toutes les langues d’Orcande, voilà qu’il se sent obligé de se faire passer pour ce qu’il n’a jamais été. Au fond de lui, il espère qu’il agit de la sorte pour prouver qu’il vaut mieux qu’un simple esclave, et non pas pour prouver à une esclave qu’il vaut mieux que le demi-drow qu’elle admire tant.

- Si ton maître te voit comme quelqu’un d’important, alors d’après ton raisonnement, tu dois te comporter comme une personne importante. Et le gens importants, ils ne font pas ce que tu dis… ils ne sont pas que des outils. Ils réfléchissent et ils disent ce qu'ils pensent quitte à contredire leur maître. C'est la meilleure façon de l'aider. Et Eol, il pense que… il a besoin de… enfin… tu vois ce que je veux dire… ?

Le traqueur se tait. Il n’a jamais été doué avec les mots et ce n’est pas ce soir que les choses vont changer. Frustré de ne pouvoir exprimer le fond de sa pensée, il jette un œil vers l'elfe aux cheveux d'argents et d'ébènes, mais la pâle lueur des étoiles ne lui permet pas de deviner les pensées cachées derrière le visage juvénile.
Eol
Eol
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Message  Nïn Sam 28 Mar 2020 - 18:34

Thyou émet un son étouffé, et Nïn le regarde attentivement, pour essayer de décrypter ses pensées. Il semble contrarié. Est-ce par ses paroles ? Malgré cela, l'humain lui répond, tachant de lui expliquer que, à son avis, ce ne sont pas les mauvais comportements qui attirent les coups de fouet. Nïn penche la tête, surprise. Veut-il dire qu'il fouettait les esclaves pour le simple plaisir ? Pour un autre but que pour leur inculquer, ou leur rappeler, leur condition d'esclaves. Elle ne le sait trop. Peut-être, simplement, se débat-il contre ce qu'elle dit, parce-qu'il n'a pas envie de comprendre, pas envie d'intégrer. Mais il le faudra, pourtant, qu'il intègre. Si elle veut satisfaire Eol.

L'homme continue :

- Si la femme d’un propriétaire d’esclave te jalousait, c’est qu’elle ne te voyait pas comme une possession ou une simple esclave. A ses yeux de riche bourgeoise, tu étais une véritable rivale contre laquelle elle ne pouvait pas gagner. Et si ton maître te préférais à sa propre femme, c’est que, pour lui, tu étais supérieure à une humaine. Enfin… sur certains plans en tout cas.

Nïn réfléchit de plus belle. Elle ne pense pas que son ancienne maîtresse ait réellement eu peur de sa concurrence. Puisque, effectivement, comment Nïn aurait-elle pu lui être supérieure ? Pourtant, d'une certaine façon, elle comprend que Thyou a raison d'affirmer qu'elle avait peur d'elle comme d'une rivale. Du moins sur le plan du plaisir.

- Si ton maître te voit comme quelqu’un d’important, alors d’après ton raisonnement, tu dois te comporter comme une personne importante. Et le gens importants, ils ne font pas ce que tu dis… ils ne sont pas que des outils. Ils réfléchissent et ils disent ce qu'ils pensent quitte à contredire leur maître. C'est la meilleure façon de l'aider. Et Eol, il pense que… il a besoin de… enfin… tu vois ce que je veux dire… ?

Là, Nïn est perdue. Est-ce qu'Eol la voit comme quelqu'un d'important ? Cette question est difficile. Elle doit être importante pour lui. Il a tué son frère à cause d'elle. Et, ensuite, il l'a serrée si fort. Il doit être important pour lui de l'avoir à ses côtés. Et cela la rend fière, et heureuse. Mais, là où intervient le problème dans ce qu'affirme Thyou, c'est au niveau du "quelqu'un". Est-ce qu'un esclave est quelqu'un ? Pas de la même façon qu'un maître. Et il n'a pas à l'être. De là, tout le reste de son raisonnement...

- Je... je crois que ça ne marche pas ainsi. Ses chevaux sont importants pour Eol. Il les traite bien, avec beaucoup d'amour. Et il les pleure. Et pourtant, ce n'est pas à eux de décider du chemin à emprunter, de la destination à viser.

Elle se rend compte qu'elle avait baissé les yeux sur le sol, les relève pour regarder Thyou, en rougissant, car elle est toujours gênée de parler ainsi à un humain, même s'il est l'esclave d'Eol.

- Enfin je... je crois. Après, parfois, il peut laisser choisir au cheval de la façon dont il contourne un obstacle, parce-que le cheval est... le mieux placé pour savoir où il peut marcher. Comme quand il me demande quelles fleurs mettre dans un jardin - ou plutôt, maintenant, quelle plante il vaut mieux manger. Parce-que je m'y connais. En revanche, pour le reste, il est mon maître et, à moins qu'il me demande mon avis, ce n'est pas ma place de m'exprimer, ou de questionner ses décisions.

Elle attend la réaction de Thyou, en luttant pour ne pas baisser le regard. Si elle le fait trop, il risque de penser qu'il peut toujours se comporter en maître avec elle. Et ce n'est pas du tout ce que veut Eol.
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