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Un goût de sang

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Message  Aëleen Jeu 10 Oct 2019 - 2:07

Les rues de Telbara. Un capharnaum d'odeurs, de sons, de couleurs et d'êtres, tellement variée qu'il montait à la tête. Qu'il me montait à la tête, en tous cas. Peut-être parce-que, depuis que j'étais devenue vampire, une telle agitation, un tel débordement de vie me donnait le tournis. Peut-être parce-que j'avais longtemps été sur les routes. Ou, peut-être, simplement, parce-que c'était ma ville, mon chez-moi, et qu'arpenter de nouveaux ses rues aurait fait battre puissamment mon cœur si j'avais encore été vivante. Peut-être, aussi, parce-qu'il y avait des personnes, dans cette ville, que j'avais hâte de retrouver.

Pour ma mère, c'était déjà fait. J'étais allée la voir dès mon retour. Nos retrouvailles m'avaient emplie de joie, d'autant qu'elle avait l'air heureuse. Elle et le demi-elfe qui partageaient sa vie avaient trouvé du travail dans la ville, et le couple d'apothicaire qu'elle assistait les logeait dans une chambre. Leur situation était donc stable, et je voyais bien que je n'avais aucun soucis à me faire pour elle, ce qui m'enchantait.

Il fallait désormais que je retrouve mon autre « famille ». Et, pour ce faire, j'étais en train de pister l'odeur de l'un de ses membres. Ce qui n'était pas aisé. La ville était tellement pleine d'odeurs... C'était un peu ça, aussi, qui me donnait le tournis. Malgré tout, je m'accrochais à la piste olfactive. Il était passé là peu de temps auparavant...

- Alors Cannibale, de retour ?

Je sursautai, pour découvrir Patte Vive devant moi. Sursautai derechef en me rendant compte qu'il avait grandi... vieilli. Le garçon n'était plus si garçon, même s'il n'était pas encore vraiment homme. Toutefois, il commençait à s'en approcher.

- Patte Vive, pour la millième fois, je ne suis pas cannibale !

Je protestais pour la forme. J'en étais venue à aimer mon surnom. Même si je ne voyais pas vraiment comment.

- Mouais... Si tu cherches le Patron, il est en bas. Je peux aller te le chercher. T'as qu'à l'attendre chez toi.
- Je ne le cherche pas particulièrement. En fait, j'avais des trucs pour vous... Je peux vous les amener. Mais s'il préfère venir les chercher, c'est comme il veut.

Le lieutenant leva les yeux au ciel, ce que je fis mine d'ignorer. Il enchaîna :

- C'est ça, je te l'envoie. Il a des trucs à voir avec toi. Je t'en dis pas plus.

Sur ce, il tourna les talons... avant de se retourner vers moi, et d'ajouter avec un grand sourire :

- Content de te revoir, Cannibale. Tu passeras le bonjour à Nora.

Je lui fis  un signe de la main, tandis qu'il prenait le chemin menant à leur refuge, à lui et au reste des orphelins. Ainsi, il avait vu ma mère. Elle m'avait dit être entrée en contact, à son arrivée à Telbara, avec les orphelins des rues, comme je le lui avais suggéré. Toutefois, j'ignorais avec qui, exactement, elle avait traité. Je savais en revanche qu'ils n'étaient pas pour rien dans le travail qu'elle avait trouvé, chez les apothicaires.

Suivant les consignes de Patte Vive, je regagnai la ruine dans laquelle j'avais établi mon refuge, ici, à Telbara. Mon odeur avait déserté le creux qui constituait « ma maison », mais j'eus tout de même l'impression de rentrer chez moi. Je me délestai de ma lyre, de mes armes, et des mes autres affaires, avant de m'allonger à même le sol, respirant profondément l'air nocturne. Oui, j'étais chez moi.

Soudain, le vent m'apporta une odeur qui me fit me redresser en sursaut. Peu de temps après, une voix me hêla, tandis qu'un jeune homme aux yeux sombres se glissait dans mon refuge.

- Bonjour, petite Cannibale, tu as fait bon voyage ?

Je soupirai, mais ne relevai pas. C'était un combat perdu d'avance.

- Très bon. Comment ça va, par chez vous ?

Il vint s'asseoir en face de moi, avant de me répondre :

- Très bien. Je t'avais dit une fois que j'étais roi, je suis désormais empereur. Un empereur exilé... on ne peut pas tout avoir.

Je penchai la tête de côté. Il rit, et développa :

- Pendant ton absence, j'ai été efficace. J'ai trouvé de nouveaux moyens de nous mettre en sécurité contre le besoin. L'empire des orphelins est florissant, depuis que nous nous sommes trouvés des alliés. Grâce à ma diplomatie, on trouve régulièrement des boulots pour les gamins. Rien de risqué, bien sûr. Tu nous connais. Jamais je ne les mettrais en danger. Au contraire. On devient utiles. On espionne, on porte des messages, on fait des courses... Notre réputation s'étend.

- Tu prends ton grand ton du Patron, le raillai-je. Tu fais des jolies phrases.
- Essentiel pour bien présenter. Même si des fois il vaut mieux jouer l'inverse, pour endormir la méfiance.
- Malin. Et ma mère, alors, c'est grâce à toi, les apothicaires.
- Tout juste. Elle nous a cherchés dés son arrivée ici. C'est vite arrivé à mes oreilles – j'ai beaucoup d'oreilles – j'ai donc accouru. Les apothicaires font partie de nos clients. Et comme elle s'y connaît en herboristerie, je me suis dit que ce n'était pas mal. Une fois qu'elle était placée, ils ont cherché  à deux pour son compagnon, et pas tardé à trouver. Ils sont plutôt bons aussi. Je les aime bien.

Je secouai la tête, amusée. Puis je l'interrogeai :

- Tu parlais d'exil, aussi. Pourquoi ?
- Ah ça...

Il prit un air plus sérieux.

- J'ai offensé la mauvaise personne. Il m'a donc fallu disparaître de la circulation. Officiellement, du moins, puisque je dirige toujours à travers Patte Vive et Fantôme. Ils m'écoutent. Et ils apprennent bien. Ils feront de bons chefs... Bientôt. Puisque je compte profiter de ma disgrâce. Rester caché ne me plaît pas. Je vais partir. Voyager, un peu, le temps que tout cela se calme. Je ne peux pas réapparaître maintenant, cela mettrait en danger toute l'organisation. J'aurais pu partir tout de suite. Mais j'avais envie de compagnie, sur les routes. La compagnie d'une petite Cannibale.

Il avait les yeux rivés sur moi, et je crois que je  me serais empourprée, si cela m'avait encore été possible. Heureusement, ça ne l'était pas. En revanche, je fus totalement incapable de lui répondre, mes mots se bloquant dans ma bouche. Finalement, voyant qu'il ne faisait pas mine de reprendre la parole, et gardait les yeux fixés dans les miens, je bégayai :

- Tu... tu veux partir... a... avec moi ?

Il eut un sourire amusé.

- Oui, je crois que c'est ce que je viens de dire.
- Euh... bah...  Oui, oui, bien sûr. On peut partir... le … le temps que les choses se tassent.

Puis, parce-que je me sentais vraiment très bête et que je ne savais pas quoi faire, je me penchai vers lui et le pris dans mes bras, me serrant tout contre lui. C'était chaud. Vivant. Si doux, réconfortant, rassurant. Et en même temps, terriblement... appétissant. Ignorant sans doute mes états d'esprit, il referma également ses bras sur moi, et j'eus la sensation de disparaître dans sa chaleur. Pendant quelques instants, je dus batailler ferme pour ne pas chercher à mordre, quelque-part, parce-que j'en avais tellement envie...

Puis, il m'éloigna un peu de lui, et, un sourire au visage, chuchota :

- Tu m'as manqué.

J'émis un petit ronronnement, et replongeai dans son étreinte, tout en le bousculant au sol. Toutefois, ce geste réveilla mon insinct de chasse, et je m'éloignai un peu, légèrement effrayée.

- Et si je te blessais ?
- Va pour une petite morsure. J'ai plus peur de tes poignards que de tes dents. Evite juste de me vider de mon sang. J'en ai besoin.

Sur ce, il m'embrassa, et je cédai à ses bras.
Nous nous endormîmes peu avant l'aube.
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Message  Aëleen Ven 11 Oct 2019 - 16:14

Je m'éveillai à la nuit tombée. Je sus immédiatement que le Patron était parti peu de temps auparavant, puisque son odeur imprégnait encore les lieux, sans avoir toutefois la force de la présence. Je m'étirai longuement, puis rejetai ma couverture en me mis en quête de ma brosse. Je passais toujours beaucoup de temps à m'occuper de ma longue tignasse auburn. Ma mère avait à peu près la même, si ce n'est que ses cheveux étaient un ton plus clair ; d'un roux flamboyant.

L'étape suivante fut de vérifier que le seau avec lequel je récupérais l'eau de pluie était plein, et de me faire un brin de toilette, avant de replacer le récipient, de sorte à recueillir la prochaine pluie. Puis je m'habillai, ceignit mes armes, mon sac, et ma lyre. Je remarquai que le Patron avait embarqué les cadeaux que je destinais aux orphelins. Puis je sortis dans la nuit.

Je comptais rendre visite à ma mère. SI nous partions bientôt, le Patron et moi, je souhaitais lui avoir dit au revoir. J'atteignais la rue où son trouvait son logement, lorsqu'une voix me héla, me faisant sursauter :

- Patte Vive m'a dit que tu étais en ville.

La voix provenait d'un haut mur que je longeais. Levant les yeux, je distinguai, à son sommet, une fille aux chevaux blonds frisés, et aux jolis yeux bleus. Une fille que j'avais connue fillette, et à laquelle je m'étais fort attachée, avant d'être rejetée par elle.

- Fantôme.
- Cannibale.

De sa bouche, le surnom me blessa. Depuis qu'elle avait découvert mon vampirisme, l'affection que la fille me portait s'était muée en haine. Haine que ses yeux bleus me criaient, encore maintenant.

- Fantôme. Je sais ce que tu penses de moi. Mais je... ne suis pas un monstre. Pas comme tu le penses.

La fille se laissa glisser le long du mur, atterrissant souplement à mes côtés. Elle releva ses yeux bleus, et les planta dans les miens.

- Tu es une abomination. Je sais pas comment Patte Vive et le Patron font pour accepter quoi que ce soit de toi. Enfin... j'imagine que tu restes pratique. Ils n'ont peut-être pas tort de t'utiliser. Par contre, je ne comprends pas comment le Patron peut vouloir partir avec toi. Tu vas le... le manger. Je refuse que ça arrive. Alors je suis venue de dire de pas partir avec lui. De plus l'approcher. Et Patte Vive non plus. Reste éloignée. De nous tous.
- Fantôme... Je ne peux peut-être pas te convaincre de me pardonner. Par contre, tu sais que je ne ferais pas de mal au Patron.

La petite me jeta un regard chargé de dégoût, qui me fit l'effet d'un coup de poignard.

- Tu es un monstre ! Tu bois le sang des gens... Tu vas... Tu vas le tuer, tu vas nous le prendre. Je refuse. Vous partirez pas ensemble. Jamais.

Je sentais les larmes me monter aux yeux. Savoir qu'elle me haïssait était une chose. Mais prendre la mesure de cette haine... Je ne pouvais en supporter plus. Je me retournai, reprenant le chemin de la maison de ma mère, laissant Fantôme derrière moi. Mais celle-ci vint, en courant, se placer devant moi, en criant :

- Non !


La colère brillait dans ses yeux. Une colère entretenue par une autre émotion, que sa voix et son odeur trahissaient. Fantôme avait terriblement peur. Ce fut pour moi un nouveau coup, brûlant.

- Vous ne partirez pas ! Tu... tu crois peut-être que vous allez êtres heureux ou je sais pas quoi, mais tu vas juste nous l'enlever, il reviendra jamais ! Et puis, de toute façon, c'est pas du tout ce que tu crois entre lui et toi. Tu veux peut-être partir avec lui parce-que t'es amoureuse et tu crois que lui aussi mais... il l'est pas. Il... Il voit des tas de filles ! Et d'ailleurs, s'il doit partir partir, c'est même à cause d'une fille. Je parie que tu le savais pas, ça.

Elle dut lire une hésitation dans mes yeux, car elle continua :

- Non, tu le savais pas. Mais, Cannibale, mets toi une chose dans la tête, c'est que personne peut être amoureux de toi. T'es un monstre. Tu bois du sang. Et puis tu es pas vivante. Tu n'es pas quelqu'un. Juste un truc mort et maudit. Je t'interdis de nous prendre le Patron. C'est quelqu'un de bien. On veut pas le perdre. On veut pas être orphelins une deuxième fois.
- Va t'en, Fantôme. Tu es pitoyable. Ce ne sont pas tes mensonges qui m'empêcheront de partir avec le Patron.

Sur ces mots, je me changeai en panthère, bondis sur un toit, et m'enfonçai dans la nuit sans que la gamine ait pu répliquer. J'étais furieuse. J'étais terriblement blessée. Il fallait que je vois le Patron.

Je pistai son odeur à travers la ville, parvins, non sans mal, à le retrouver. Comme il était en grande discussion avec un homme que je ne connaissais pas, j'attendis perchée sur un toit, à proximité. Puis, dès que l'homme s'éloigna, je bondis à ses côtés, et repris ma forme humaine.

- Tiens, une petite Cannibale tombée du ciel. Que me vaut cet honneur ?

Je dus lutter pour ravaler mes larmes. Je n'allais pas me mettre à pleurer devant lui. J'attaquai plutôt :

- C'est pourquoi, que tu dois partir ? Je veux dire, tu m'as parlé de t'être attaqué à la mauvaise personne... Tu as fait quoi ?
- Oh, ça. Eh bien j'ai... offensé quelqu'un, et il s'est trouvé que l'homme en question était très influent. Ce genre de choses, c'est mauvais pour les affaires. Mais, pourquoi ?

- Comment tu as fait, pour l'offenser ?
- Je volais, chez lui. J'ai été surpris par sa fille. Au départ, elle voulait me faire arrêter, mais nous avons parlé et... finalement, la situation s'est plutôt retournée en ma faveur, puisque je l'ai séduite. Une jolie jeune femme de bonne famille, avec de l'esprit... Bien au-dessus de ma condition, donc. Mais ça avait l'air de beaucoup l'amuser. Jusqu'à ce que son père découvre tout et que, pour sauver son honneur, elle prétende avoir été forcée. Vraiment pas bon pour les affaires. S'il m'attrapait, je pense qu'il me ferait exécuter.
- Il aurait peut-être raison.

La surprise se dessina sur ses traits.

- Qu'est-ce que tu racontes ?
- Je raconte que les humains sont tous des idiots. Absolument tous. Et ils méritent tous de mourir. J'en ai marre d'être un monstre. J'en ai marre d'être un monstre à cause des humains. J'en ai marre qu'on me dise que ce que je fais est mal, alors que je fais le moins mal possible, et que vous tous, par contre, vous n'en avez rien à faire de faire du mal. Donc, vous pouvez tous mourir. Je n'en ai rien à faire. Et même, ça me ferait plaisir. Parce-que, tous, vous me faîtes mal. Et c'est moi le monstre.
- C'est toi le monstre, quand tu dis ce genre de choses. C'est toi le monstre, quand tu te complais dans le fait d'être le monstre incompris. C'est toi le monstre, quand tu prends le monstre comme excuse, pour ne rien changer à ta situation.
- Pour ne rien changer à ma situation ? Mais je ne peux rien changer à ma situation ! Je resterai toujours le monstre ! J'ai beau essayer de ne pas faire de mal, je passe toujours pour le monstre, Fantôme me déteste toujours, personne ne voudra jamais de moi, je ne deviendrai jamais une belle jeune femme parce-que j'aurai quinze ans pour toujours... J'en ai marre que personne ne comprenne que les monstres, ce sont ceux qui ne me comprennent pas. Je vais finir par vraiment devenir le monstre. Et je mangerai vraiment tout le monde.
- Et comme ça, tu leur donneras raison. Cannibale, tu peux agir sur ta situation. Tout le monde peut agir sur sa situation. Regarde moi. Orphelin, abandonné dans les rues. Je mourais de faim. Quand je mendiais, les gens me disaient d'aller faire ça plus loin, et quand je volais, je me faisais battre. Pourtant est-ce que je me suis mis à haïr tout le monde ? J'en ai eu la tentation. Mais j'ai préféré, au contraire, distribuer du soutien à ceux qui en avaient besoin. Aider les autres. Alors, oui, je suis toujours orphelin, et toujours dans les rues, mais maintenant, j'ai une famille et un foyer. Et j'ai aidé des tas d'enfants à faire de même. Toi aussi, tu peux choisir de ne pas être le monstre que certains voient en toi. Mais en condamnant tout le monde à mort comme tu viens de le faire, y compris moi, y compris ta mère, y compris ces enfants que tu aides... Là, non, tu ne changes pas ta situation, et, pire, tu la prends en prétexte pour réellement devenir un monstre. Tu te convaincs d'être un monstre, et tu en fais la démonstration. Tu pourrais être tellement... Mais tu y renonces.
- Alors, d'après toi, c'est de ma faute ?
- Oui, c'est de ta faute si tu montres à tout le monde que tu es un monstre.

J'eus un rire sans joie. En moi, c'était le chaos. Il venait de dire que j'étais un monstre, et que c'était de ma faute. Je venais lui dire mes peines, et lui, il me plantait un poignard dans la poitrine.

- Très bien. Je me le tiens pour dit. Bah tu sais quoi, tu n'as qu'à retourner à tes belles jeunes femmes. Ça t'évitera de partir à l'aventure avec un monstre de quinze ans.

Je tournai les talons, furieuse. J'avais envie de le tuer. Et, en même temps, envie qu'il me suive, me rattrape, me rassure, me console, s'excuse de ce qu'il m'avait dit, s'excuse, aussi, de ce qu'il m'avait fait. Mais il ne fit pas un geste. Pas un pas. Il s'en moquait bel et bien. Il me laissait seule, il m'abandonnait. Parce-que j'étais un monstre, parce-que Fantôme avait raison. Et parce-que les humains étaient tous horribles, qu'ils ne me faisaient que du mal, parce-que personne ne voudrait jamais de moi, parce-qu'eux, comme ils n'étaient pas des monstres, ils n'avaient aucun effort à faire, alors que moi, je devais faire tous les efforts, puisque personne ne me comprenait. Il voulait que j'agisse sur ma situation. Mais je ne pouvais rien faire à ma situation ! A part tous les tuer. Et c'était ce que j'allais faire. A commencer par lui, puisqu'il m'avait trahie.

Je me retournai vers lui. Et, sans crier gare, je lui bondis dessus. Surpris, il tomba à la renverse. Plus question d'étreinte amoureuse, cette fois. Plus question d'un quelconque désir, autre que de me venger de ses mots, de me venger de mes maux. Je plantai mes crocs dans sa gorge. Il lutta. Beaucoup. Mais j'étais une vampire. Et lui un pauvre humain. Et, plus je buvais, plus il s'affaiblissait. Le combat dura un moment. Puis il n'eut plus du tout la force de lutter. Là, j'arrêtai. Avec l'aide de l'un de mes poignards, je m'entaillai profondément le bras. Puis, profitant qu'il était presque inconscient, je le forçai à boire. Enfin, je le pris dans mes bras. Le traînai hors de la ruelle, jusqu'à chez moi, soulevant les regards de quelques âmes nocturnes. Arrivée dans mon refuge, je l'allongeai délicatement.

Des sanglots se bousculaient en moi. Les larmes me brouillaient la vue. Quelque-part, je savais que j'avais tout gâché. Que tout était en train de s'effondrer, par ma faute. Que je condamnais moi-même mon propre bonheur, mon propre amour.

Mais j'étais furieuse. Il m'avait dit que j'étais un monstre. Que c'était de ma faute.
Il allait voir si ça lui plaisait, que j'agisse sur ma situation.
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Message  Aëleen Sam 12 Oct 2019 - 17:09

Quand je m'éveillai deux nuits plus tard, mes cils collaient désagréablement entre eux, et j'avais furieusement mal à la tête. De plus, j'étais entourée d'odeurs qui m'étaient inconnues, et il me fallut un long moment pour me remémorer de quelle façon j'en étais arrivée là. Puis tout me revint. Fantôme. Le Patron. Ma douleur, ma peur... ma colère. Et ma vengeance. Je me redressai en sursaut, en poussant un petit cri qui déclencha un gémissement étouffé dans le lit que j'occupais. Je jetai un regard à la femme qui dormait à mes côtés, et mes remords s'intensifièrent, tandis que le tristesse me giflait. Au moins, elle, je ne l'avais pas transformée. Mais j'étais entrée dans la chambre qu'elle occupait au dessus de sa boutique, je l'avais charmée par ma grâce vampirique, et j'avais bu son sang, sans soif, juste pour le plaisir... Jusqu'à la faire perdre connaissance. Et j'avais recommencé la nuit suivante. Sans la laisser, elle, se sustenter, à peine s'abreuver. J'avais joué avec elle. Et, même si je ne l'avais ni transformée, ni tuée, c'était mal. Mais j'avais tant besoin de m'endormir dans les bras de quelqu'un...

Je me levai du lit en la dérangeant le moins possible. Elle gémit encore, mais ne se réveilla pas. Je la regardai dormir pendant quelques minutes avec la tentation de demeurer là encore une nuit de plus, puis, me secouant, je récupérai mes affaires, m'habillai, et m'apprêtai à sortir. Sur le pas de la porte, je m'arrêtai, fis demi-tour, déposai un baiser glacé sur son front, et la broche que j'aimais à porter dans les cheveux sur sa table de chevet. C'était idiot. Mais j'avais envie qu'elle se souvienne de moi, et pas uniquement par les marques que je lui avais laissé. Puis je descendis les marches, et quittai la boutique.

Il fallait que je rentre chez moi. Il fallait que je le retrouve, que je l'empêche de se jeter sur n'importe qui. Que je l'empêche de se faire tuer. C'était moi qui l'avais changé. C'était ma responsabilité. Et je devais la prendre. Mais je m'en sentais incapable. J'étais encore, quelque-part, furieuse contre lui. D'autant plus que je l'étais contre moi. Ma rage à mon égard alimentait ma haine. J'avais envie de me convaincre que je voulais juste qu'il meure. Mais alors, pourquoi avais-je passé les deux nuits chez l'humaine à pleurer ?

Je pris le chemin de chez moi. Je tremblais de tout mon corps. Et les sanglots menaçaient encore de m'emporter. J'avais envie de fuir... Mais je m'en empêchai. Je luttai. Je luttai pour avancer, pour faire un pas, après l'autre, et encore un autre...

L'odeur me frappa la première. Les odeurs. Beaucoup trop d'odeurs. Je parcourus les derniers mètres au ralentit. Me figeai. Du sang. Ca sentait le sang. La mort. Mais aussi... le vivant. Un piège. Un garde. Des gardes. Proches de l'entrée, bien que cachés derrière un pan de mur en ruines. Des gardes, ou en tous cas des vivants, portant sur eux des pièces de cuir et de métal. Ils attendaient sans doute que le monstre rentre. Et ce n'était pas le pire. Le pire, c'était que, de là où j'étais, j'aurais dû apercevoir l'entrée. Mais l'entrée n'était plus. Ma cachette était effondrée.

Je reculai à pas furtifs. Heureusement que j'étais discrète. Si je ne l'avais pas été... Je serais morte, sans doute. Ils m'auraient tuée, exécutée, comme le monstre que j'étais... Et que le Patron était. Le Patron. Etait-il mort ? L'avaient-ils attrapé ? L'odeur de sang n'était pas celle du sien. Mais il pouvait avoir tué, et ramené la victime dans ma cachette. Et n'avoir pas été assez discret. Mais alors, pourquoi guetterait-on encore son retour ? Un élan d'espoir me traversa. Ils ne l'avaient pas eu. Ils l'attendaient. Il fallait que je le retrouve, et avant eux.

J'enfilai ma peau de panthère noire, et me fondis dans les ténèbres. Je le traquai toute la nuit. Sans succès. Ce ne fut qu'en me rendant compte que l'aube était presque là, que je m'aperçus que je n'avais nulle part où aller. Alors, je partis en sanglots. J'avais perdu ma maison. Certes, ce n'était pas une maison, rien de plus qu'un creux sous une ruine... Mais je m'y étais abritée durant toute ma vie telbarane. C'était grâce à elle, en partie, que Telbara était chez moi. Grâce à elle, à Fantôme, au Patron, aux orphelins. Mais je n'avais plus rien de tout ça. J'avais tout perdu. Un instant, je fus tentée de demeurer là. Je laisser le soleil mettre fin à toute cette horreur. La pensée du Patron m'en empêcha. Si je mourais, personne ne pourrait plus l'aider.

Mais qu'allais-je faire ? Retourner chez mon humaine ? L'idée me tenta. Je résistai. J'allais finir par céder à la tentation de la transformer, si je continuais comme ça. Ou bien j'allais finir par la tuer, sans le faire exprès. Aller demander l'asile aux orphelins n'était pas non plus une bonne idée. Ne restait qu'une solution : aller chez ma mère. Cela me déplaisait. D'une part, je n'avais pas envie qu'elle me voit comme ça. D'autre part, arriver juste avant le lever du jour risquait de mettre la puce à l'oreille de son demi-elfe. Qui, déjà, avait l'air soupçonneux. Mais je n'avais pas vraiment le choix, aussi pris-je le chemin de leur logement.

Je n'y parvins jamais. Alors que j'apparaissais dans leur rue, quelqu'un que je n'avais pas vu me percuta et m'envoya rouler au sol. Je me relevai rapidement, mais la chose me sautait dessus une seconde fois, et nous roulâmes, entremêlés, sur une bonne partie de la rue, feulant furieusement tous deux. Quand, soudain, je me rendis compte que la chose possédait deux yeux sombres. Deux yeux ombres que je connaissais. Estomaquée, j'arrêtai toute lutte, et deux canines s'enfoncèrent dans ma gorge.

Me secouant, je me repris, et, reprenant forme humaine, je parvins à déstabiliser suffisamment mon assaillant pour échapper à son emprise. Je bondis en arrière et hurlai :

- Stop !

Dans le même temps, je dégainai mon sabre, prête, s'il ne s'arrêtait pas, à me défendre. Il se figea, les yeux fixés sur ma lame.

- C'est moi qui t'ai offert ce sabre.

La voix était atone. J'en frissonnai. J'eus l'impression que j'allais me déchirer en deux, tant la douleur était vive.

- P... Patron. Je suis... tellement.... désolée.

Les mots m'arrachaient la gorge. Mais, en le regardant, en le voyant, là, devant moi, avec ses yeux noirs, son visage que j'avais embrassé, son cou dans lequel je m'étais réfugiée, ses bras... Toute la haine accumulée me fuyait, laissant paraître la douleur qu'elle avait voulu cacher. Je lâchai mon sabre, qui tomba au sol. Puis je tombai à genoux, les larmes fuyant de nouveau mes yeux, sans que j'ai sur elles aucun contrôle, des sanglots me secouant violemment. D'une voix brisée, entrecoupée de pleurs, je repris :

- Je suis désolée... J'ai eu tellement peur... J'ai tellement peur, tout le temps... Que personne ne veuille de moi... De ne valoir le coup pour personne... Je suis un monstre, tout le monde me rejette... Et je suis... moi. Coincée en moi. Je voudrais juste... être quelqu'un d'autre. Etre tes jolies jeunes femmes. Pouvoir espérer... Avec toi... Mais toi... Fantôme, tout le monde, vous... Je suis seule. Et je perdrai tout le monde. Parce-qu'il n'y a que moi qui meure pas. Parce-que je ne vis pas.

Je ne l'entendis pas s'approcher de moi. Mais il fut soudain accroupi en face de moi, mon menton dans sa main, mes yeux dans les siens. Qui semblaient si tristes.

- Il va falloir qu'on trouve où dormir. On est dans le même bateau, maintenant. Mais, Cannibale, tu m'as pris ma vie. Alors j'ai pris ta maison. Tu n'iras plus jamais. Et aussi la deuxième. Je pensais t'y trouver. Maintenant, Völmar est au courant, et je pense qu'il faudra un moment pour que tu puisses de nouveau approcher Nora. J'aurais pris la troisième, si j'avais pu, mais j'ignore où tu as passé les deux nuits précédentes. Et disons que je vais t'épargner ça. Parce-que, si j'ai bien compris, on est coincés ensemble. Et ce, pour un petit moment. Alors, tu as l'éternité pour essayer de te faire pardonner. Et moi, j'ai l'éternité pour te punir. Je vais donc prendre mon temps.
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