A la découverte de nouvelles créatures

Le Barbare sentit que son adversaire se débattait, tentait de le faire lâcher par tous les moyens en le sommant de cesser. Le colosse mordit un des épais doigts gris du Xolon, alors que ce dernier cherchait à lui tordre les poignets et lui broyer les mains. Son adversaire chercha à l'éventrer à l'aide de ses défenses. Lâchant la trompe de l'hybride, Baldrisson fit un bond et s'accrocha cette fois à la tête de son adversaire. Il lutta, ses muscles bandés, les pieds ancrés au sol, le visage rouge sous la concentration, les veines apparentes, la sueur coulant sur son corps. Il approcha son visage de l'oreille la plus proche et lui grogna, le plus bas possible :

"Bordel, tu n'avais donc pas compris, bougre de krashkra ? Balances-moi dans ce foutu lac !"

Ses muscles étaient bandés, tendus à l'extrême, à tel point qu'il en tremblait. Pourtant, son adversaire parvint à le soulever et, après quelques pas, l'envoya dans le lac. Baldrisson inspira profondément, grogna en heurtant la surface de l'eau et s'enfonça dans les profondeurs du lac dans une colonne de bulles. Il profita de l'élan conféré par sa chute pour commencer à nager, cherchant du regard quelque chose qui puisse l'aider à trouver la sirène. Il misait sur une possible curiosité qui l'inciterait à venir voir le combat. Un son étrange lui parvint aux oreilles, surprenant, même, car il s'agissait d'un son émit par quelqu'un ayant les cordes vocales nécessaires pour parler. Il regarda dans la direction approximative de sa provenance et vit une créature serpentine onduler, au loin. Sous la surprise, il ouvrit la bouche, laissant échapper un peu trop d'air. Il se morigéna intérieurement et, avec des gestes lents pour économiser le peu d'air qu'il lui restait, il remonta à la surface. Ses yeux le brûlait, le sang battait aux oreilles. Alors qu'il était pratiquement sur le point d'atteindre la surface, il sentait ses poumons vidés d'oxygène le torturer, ses muscles ne fournissaient plus assez d'impulsion pour atteindre la lumière, les ténèbres s'amoncelaient à la périphérie de sa vision. En jurant, il donna un ultime coup de pied.

Sa tête creva la surface de l'eau et il inspira profondément, avalant l'air à grande goulées. Du sang coulait de son nez, il se sentait faible comme un enfant. Il toussait et régurgita l'eau contenue dans ses poumons. Sur la rive, le Xolon et Charwën le regardaient. Alors que Baldrisson se sentait couler, il se reprit et nagea sur la rive, haletant. Dégoulinant d'eau, il régurgita le reste de l'eau et s'allongea sur le dos, aspirant l'air à grande goulée.

"Sirène... Pfff... Existe... Dans cette foutue flotte..."

Le barbare ne lui lâcha la trompe que pour éviter le mouvement des défenses de l'homme-éléphant. A défaut de l'avoir entaillé, Omcapodem avait au moins obtenu la liberté de sa trompe, qu'il balança de droite à gauche avec énervement. Il était entré en rage berserk et comptait bien achever ce combat le plus vite possible. Il fut cependant surpris par ce que lui dit son adversaire : l'insultant de « bougre de krashkra » – Omcapodem n'avait aucune idée de ce qu'était un krashkra et cela semblait être en fait un mot sorti d'une autre langue – il lui fit comprendre qu'il avait voulu le pousser à le balancer dans le lac. Comment Omcapodem aurait-il pu comprendre ça ? Le barbare était juste venu l'attaquer en espérant qu'Omcapodemn le balancerait dans le lac ! Curieuse idée, tout de même. Cela aurait pu fonctionner par hasard, mais il aurait sans doute été plus malin de glisser l'idée à Omcapodem dès le départ.

Omcapodem lâcha son marteau au sol, et usa de sa force de Xolon pour soulever de deux centimètres l'homme en armure par les aisselles, marcha vers le lac, et le projeta en s'aidant d'un coup de pied. Le barbare chuta lourdement dans l'eau en éclaboussant. Son armure rendait la nage difficile mais il fit de son mieux. S'il coulait, ce ne serait pas Omcapodem qui irait le repêcher ; quand à l'autre Humain, il semblait trop chétif pour pouvoir tirer le barbare hors de l'eau.
Le barbare laissa s'échapper des bulles d'air qui n'étaient pas bon signe. Omcapodem espérait que cet idiot n'allait pas se noyer, ce serait vraiment bête... Quoique cela donnerait sans doute une bonne raison à la Sirène pour se montrer. Si la Sirène était pacifique, elle ne laisserait sans doute pas l'Humain se noyer.

Quoi qu'il en soit, l'Humain parvint à remonter à la surface à la limite de la syncope, les poumons vides d'air. Il fit plusieurs longues inspirations longues, bruyantes et saccadées, et se rapprocha de la rive, où Omcapodem mit les pieds dans l'eau pour le tirer sur la terre ferme. Tout en essayant de reprendre une respiration normale, le barbare articula péniblement quelques mots : la Sirène existait. Il l'avait donc vue.
Certes, elle existait, mais cela, Omcapodem n'en avait pas douté. Pourquoi Tomtec aurait-il inventé cette histoire ?

OMCAPODEM – La question n'est pas de savoir si elle existe, nous le savons déjà, mais quelles sont ses intentions.

Bon, et maintenant : à quoi avait servi cette idée du barbare ?

Baldrisson fut quelque peu penaud alors que le Xolon lui énonçait l'évidence : ils savaient déjà qu'il y avait une Sirène dans le lac. Le Barbare leva sa main droite et la passa sur ses cheveux trempés. En même temps, sur le coup, cela lui paraissait une bonne idée, non ? Il n'avait pas une très bonne opinion des Trouillards des Plaines et, si ça se trouvait, le dénommé Tomtec avait monté toute une histoire alors qu'il n'avait peut-être vu qu'un gros poisson. Le fait que ce soit un paysan sans aucune éducation et un Trouillard des Plaines avait fait le reste, du point de vue de Baldr. Mais maintenant qu'il l'avait vu et qu'il était certain que ce n'était pas un quelconque gros poisson, il pouvait accorder foi aux dires du paysan.

"Peut-être, mais qui te dit que ce n'était pas une invention de la part d'un paysan buté et borné ? Des gars comme ce Tomtec, tu lui fais rencontrer deux Barbares, il va t'en inventer une dizaine de plus quand il racontera l'histoire. Au moins, maintenant, on sait qu'elle existe."

Plutôt fier d'avoir cloué la trompe à son interlocuteur, il revint au rivage et s'assit sur la berge. Son regard bleu scrutait la surface scintillante du lac, cherchant un quelconque indice de la Sirène. Il grogna quelque chose et se leva pour aller chercher sa hache. Il la ramassa et la posa en travers de ses épaules douloureuses à cause de son combat face au Xolon et de son passage dans l'eau fraiche du lac.
Un son parvint aux oreilles du trio. Le Barbare reconnu le son qu'il avait entendu dans l'eau. Il se retourna et vit, à, une encablure d'eux, une forme émerger de l'eau. Il plissa les yeux, mais ne put distinguer la créature qui émergeait de l'eau.

"Elle vous fait penser à une Sirène ? Enfin, mis à part la voix..."

Il avait beau faire, il ne voyait pas grand chose. Il leur fallait donc attendre que la créature s'approche d'eux.

Avec tact, Omcapodem venait de faire remarquer au barbare que ce qu'il venait de faire était assez débile selon lui. Ledit barbare parut penaud, réalisant cela en effet. Cela ne l'empêcha pas tout de même d'essayer de se justifier :

BALDRISSON – Peut-être, mais qui te dit que ce n'était pas une invention de la part d'un paysan buté et borné ? Des gars comme ce Tomtec, tu lui fais rencontrer deux barbares, il va t'en inventer une dizaine de plus quand il racontera l'histoire. Au moins, maintenant, on sait qu'elle existe.

Certes, certes... A la décharge du barbare, Omcapodem n'avait jamais envisagé la possibilité que Tomtec ait inventé cette histoire de Sirène. Il aurait alors fallu s'interroger sur ses motivations. Pourquoi inventer la présence d'une Sirène dans un lac et dépêcher des aventuriers pour rien ? Admettons, le barbare voulait se débarrasser de tout doute possible.

L'Humain retourna un instant sur la berge. Le Xolon ramassa son marteau et le rangea à sa ceinture, puis marcha lui aussi jusqu'au niveau de l'homme, ses gros pieds d'éléphant immergés au bord du lac. Il agita les oreilles et respira lentement, espérant sans y croire que la Sirène vue par le barbare sous l'eau se déciderait à se montrer à la surface et à venir leur parler. Si elle s'était montrée farouche jusqu'à présent, pourquoi changerait-elle de comportement ? Mais comment l'attirer ?

Le barbare s'écarta du lac, en fait pour lui aussi ramasser son arme. C'est alors qu'un son parvint à leurs oreilles. Il s'agissait d'une voix cristalline, forte et lointaine à la fois, comme un écho, sauf que ce lieu n'était propice à aucun écho. A deux cents mètres, au centre du lac, une silhouette se dessina à la surface. Le Xolon fut incapable de décrire cette silhouette, c'était à peine s'il la discernait.

BALDRISSON – Elle vous fait penser à une Sirène ? Enfin, mis à part la voix...

Le Xolon tendit la trompe pour espérer percevoir une odeur puisqu'il ne pouvait compter sur sa vue médiocre. Il y avait une légère brise, pas dans la direction optimale. Malgré tout, il pouvait sentir cette odeur à mi-chemin entre celle d'un poisson et d'une Humaine. C'est bien parce que les Xolons avaient un excellent odorat...

OMCAPODEM – Je suis convaincu que c'est elle. Si elle nous fuit, c'est parce qu'elle a déjà été maltraitée, c'est sûr.

Baldr regarda le Xolon lever sa trompe et il se boucha les oreilles, dans l'attente d'un nouveau barrissement à percer les tympans, mais... Rien. il semblait tout bonnement sentir l'air, et sans doute son odorat était assez dévelloppé pour confirmer le fait qu'il s'agissait bel et bien de la Sirène. En tout les cas, il semblait convaincu après son examen. Il ajouta que si elle les fuyait, c'était sans doute parce qu'elle avait été maltraitée auparavant, sous-entendant que les villageois proches avaient sans doute déjà dû la voir et lui avaient fait du mal. La Sirène était trop loin d'eux pour qu'ils puissent la distinguer. Baldrisson se retourna quand Charwën leur annonça que quelqu'un venait. Trois villageois, à la peau tannée par le soleil. La façon dont ils pointaient du doigt la Sirène et la lueur avide qui naissait dans leurs yeux était suffisante pour comprendre ce qu'ils souhaitaient faire.

Le Barbare se dirigea vers eux, d'un pas lent. Il les dépassait tous trois d'une bonne tête et avait une meilleure carrure que le plus charpenté des trois. Il les toisa de son regard bleu, sa hache négligemment posée en travers de ses épaules. Les villageois le regardèrent, un peu impressionné. Leurs regards se posèrent sur ses muscles, ses nombreuses cicatrices et ses tatouages claniques. L'un d'entre eux fit involontairement un pas en arrière.

"Que voulez-vous ?"

Ils se regardèrent et poussèrent en avant le plus costaud d'entre eux.

"Et ben, monseigneur, eeeuh, la Sirène... Vous savez... Baldrisson lui fit un mouvement de tête pour lui faire signe de continuer à parler. Ben la Sirène, on pensait à la prendre, se faire de l'argent... On a du mal à joindre les deux bouts, vous comprenez... On l'avait vu une fois, on péchait, on lève le filet, on la voit... On a été surprit, monseigneur, vous imaginez bien... Le temps qu'on se r'prenne, elle se fait la malle. Et depuis, beeeeen, plus rien. Les minots l'ont vu, mais allez leur faire comprend'... Et puis beeen, vous l'avez attiré et nous, on se disait..."

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase, Baldr lui avait envoyé un revers de la main droite en plein visage, lui faisant sauter quelques dents des gencives par la même occasion. L'Humain tituba et tomba à genoux en se tenant sa mâchoire ensanglantée. Baldr fit un trait dans le sol, avec sa hache et se plaça derrière, à trois pas.

"Très bien. Si vous souhaitez vous occuper de la Sirène, vous traversez cette ligne et vous avez affaire à moi et aux deux autres, derrière."

Il désigna de la tête Omcapodem et Charwën. Tout en parlant, il se donna un air imposant, enfin, plus qu'il ne l'était au regard des trois villageois. Ces derniers tournèrent précipitamment les talons et s'enfuirent en hurlant, sous le rire moqueur de Baldrisson.

Pourquoi cet idiot de barbare se boucha-t-il les oreilles avec les mains ? Ne supportait-il pas le chant lointain de la Sirène ? Avait-il une sensibilité particulière de l'oreille ? Non, ce ne pouvait être ça, car il se détendit au bout de trois secondes, pourtant l'on entendait toujours la voix de la Sirène. Omcapodem aurait aimé mieux l'écouter mais elle était trop loin. Les Sirènes étaient réputées pour avoir des voix enchanteresses et les écouter chanter était toujours une invitation irrésistible même pour le plus rustre des barbares.

L'homme chétif alerta ses deux compagnons de l'arrivée de trois personnes. Le barbare fut le premier à s'approcher d'eux. C'étaient trois Humains, habillés avec des vêtements simples, sans armure. Ils portaient dans leur équipement du matériel de pêche, dont un filet. Avant d'entrer en dialogue avec le barbare, ils pointaient le lac et plus précisément la sirène. Omcapodem prit une expression sévère. Il n'avait aucun doute sur les intentions de ces trois guignols, et s'approcha d'eux au même niveau que le barbare. Ce dernier leur demanda ce qu'ils voulaient.

La présence de cet Humain costaud et tatoué portant une hache, et de ce Xolon puissant portant un marteau de guerre, désarma les trois pêcheurs et fit même reculer l'un d'entre eux. L'autre poussa celui des trois à être le plus musclé pour qu'il prenne la parole en leur nom. L'homme ainsi poussé juste devant le barbare ne fit pas son fier et parla en balbutiant. Il se justifia par leur difficulté à tous les trois à joindre les deux bouts financièrement, il voulait capturer cette Sirène pour se faire de l'argent en profitant du fait qu'elle avait été attirée par le barbare et le Xolon.

Ledit barbare ne le laissa pas finir de parler, écrasant ses phalanges sur ses gencives. L'homme tomba à genoux en se tenant la mâchoire, la bouche en sang. Le barbare traça une ligne au sol avec sa hache.

BALDRISSON – Très bien. Si vous souhaitez vous occuper de la Sirène, vous traversez cette ligne et vous avez affaire à moi et aux deux autres, derrière.

Derrière ?! Coucou, Omcapodem se tenait là, à côté de lui ! Peu importe. La menace était justifiée et Omcapodem, pour une fois, fut exactement sur la même longueur d'ondes que le barbare. Les trois villageois fuirent sans demander leur reste, en hurlant, sous le rire moqueur du barbare.

OMCAPODEM – Bien dit.

Omcapodem retourna au lac jusqu'à avoir l'eau jusqu'au pagne. La Sirène était trop loin pour lui parler, mais comment lui faire comprendre qu'elle n'avait rien à craindre sans essayer de crier ?
Alors, Omcapodem cria :

OMCAPODEM – Tu peux t'approcher, tu n'as plus rien à craindre ! Nous sommes là pour te protéger ! Ce qui veulent te pêcher son partis !

Omcapodem employa les premiers mots qui lui vinrent, mais pas sûr que la Sirène ne se sente pas vexée d'être traitée comme un poisson en entendant quelqu'un lui dire qu'on voulait « la pêcher ». En criant, la voix du Xolon partit à moitié dans un barrissement. Il avait du coffre, certes, mais est-ce que ce serait suffisant pour que la Sirène, à cette distance, comprenne ce qu'il disait ?

Le Xolon s'était approché derrière Baldr pendant que ce dernier menaçait les paysans. Il félicita le Barbare pour ce qu'il avait fait, avant de se tourner vers le lac. Charwën s'approcha de Baldr, se mettant en position pour l'aider à défendre la ligne. En effet, au loin, on pouvait voir que ceux qui avaient été effrayés par le Barbare et le Xolon ameutaient des amis à eux pour passer sur le corps de l'Humain. Le Xolon interpella la Sirène, lui expliquant qu'elle pouvait venir à son tour.
Un homme à la forte carrure et à la peau tannée, sans doute un forgeron comme en témoignaient son tablier et son marteau, menait la charge des villageois. Baldrisson fit un moulinet de sa hache et se tourna vers Charwën :

[Thème de la scène : à 1 contre beaucoup, c'est assez bien pour nous !]

"Bon, on est d'accord, on évite de les massacrer. Au mieux, on en mutile un ou deux, mais par contre, fait gaffe avec ton joujou - il désigna l'arc du Demi-Elfe - Parce que sinon, je prends tout dans l'cul, moi !"

Il prit ses marques et chargea en hurlant "Barûk Khazaaaad !".
Le cri de guerre eut l'avantage de doucher l'enthousiasme de certains des villageois, qui firent prestement demi-tour. Le Barbare franchit aisément la distance entre lui et le meneur. Il s'arrêta, s'ancra fermement au sol et pivota. Il accrocha le bras armé de son adversaire à l'aide de l'une des barbes de son arme. Il tira d'un coup sec en arrière. Le forgeron lâcha son marteau. Le Barbare jeta sa propre hache en arrière : nul besoin de tuer, il était capable de s'en occuper à main nue. Il envoya son poing dans le nez d'un des paysans proches, avant de relever le forgeron qui était tombé au sol. Ils luttèrent tout deux, avant qu'un autre paysan ne se joigne à son camarade et l'aide à prendre le dessus sur le Barbare. L'arc du Demi-Elfe chanta et quelques flèches se plantèrent dans les épaules, les bras ou les jambes des assaillants, forçant certains à reculer. Le Xolon était ressorti de l'eau et avait chargé à son tour, usant de ses défenses et de sa trompe pour repousser ses adversaires. Le Barbare, profitant de ce renfort, parvint à reprendre le dessus sur ses assaillants et se releva.

"Ouf ! Je commençais à croire que tu allais arriver après la fête !"

Il attrapa le forgeron à bras-le-corps et le souleva, avant de le projeter violemment au sol. Se mettant sur lui à califourchon, il lui bourrale visage de coups de poings, avant de se relever et d'aller prêter main-forte à Om'. Sous le feu nourri de l'arc de Charwën, ils firent reculer de plusieurs pas leurs assaillants. Baldrisson prit l'un de ses adversaires dans ses bras et, s'en servant comme bouclier, chargea dans le tas. Il lâcha finalement sa victime et se retourna. Omcapodem avait attrapé un villageois au niveau des genoux et le soulevait, avant de tituber et finalement de tomber vers l'arrière. Le Barbare sauta et attrapa la tête de ce même villageois, l'accompagnant dans sa chute. Baldrisson et le Xolon se relevèrent pratiquement de concert. Un sourire sauvage s'étirait sur les lèvres du colosse.
Puis, après un signe de tête mutuel, comme pour se féliciter de cette action, ils retournèrent au combat.

Omcapodem avait l'ouïe fine, et il ne manqua pas de percevoir les bruits de pas des villageois qui revenaient à la charge, armés et décidés d'en découdre avec ces deux étrangers qui s'interposaient entre eux et la Sirène. Il tourna la tête et vit le barbare franchir sa propre ligne au sol pour aller à la rencontre du groupe. Bon sang... C'était agaçant : le barbare et lui se donnaient un mal de chien pour attirer la Sirène, obtenir sa confiance, et voilà que ces foutus pêcheurs revenaient en masse avec des armes, histoire de tout gâcher. Là, c'était sûr, quand bien même la Sirène avait entendu les mots criés par Omcapodem, elle ne viendrait pas tout de suite. Le Xolon soupira bruyamment, et quitta le lac pour rejoindre le barbare.

A cause de sa lenteur xolonne, le combat démarra sans lui. Le barbare désarma le villageois en tête puis jeta lui-même sa propre hache, poursuivant le combat à mains nues contre celui qui semblait être le seul à véritablement savoir se battre. Il fit jongler ses coups entre lui et un autre homme, mais finit par être dépasser à un contre deux. Le compagnon du barbare, resté en retrait jusque là, utilisa son arc pour sortir le barbare de la panade. C'est à ce moment-là qu'Omcapodem arriva enfin dans la mêlée, alors que le tiers des villageois avaient déjà fui par manque de témérité.

BALDRISSON – Ouf ! Je commençais à croire que tu allais arriver après la fête !
OMCAPODEM – Ca m'aurait bien ennuyé !

Omcapodem rêvait où il venait de répondre au barbare d'un ton complice ? Bon, peu importe, ça ne servait à rien de se triturer l'esprit maintenant. Le Xolon chargea un villageois qu'il encorna avec ses défenses. Il enroula sa trompe autour de l'avant-bras d'un autre, tira d'un coup sec, le faisant tomber à plat ventre en déroulant sa trompe, et l'assomma d'un coup de pied à l'arrière du crâne. Il barrit alors qu'une lame lui entailla le dos, il se retourna, saisit l'épée avec sa trompe en se griffant un peu sur les tranchants, et frappa son détenteur avec ses défenses, le mettant au sol avec de belles balafres. Il se moquait des griffures et des entailles car il était né avec une capacité fabuleuse à effacer rapidement ses blessures. Même ses défenses repoussaient quatre fois plus vite que pour n'importe quel Xolon. A croire que Kaluni l'avait béni à la naissance.

Un autre villageois se retrouva enserré dans ses bras par les genoux. Omcapodem, qui s'était penché bien bas pour cela, se redressa et souleva l'homme à plus de cinquante centimètres du sol. Il comptait le jeter en arrière en se jetant lui-même sur le dos. Alors qu'il exécuta son mouvement, le barbare arriva, attrapa la tête du villageois à la volée, et alors qu'Omcapodem tomba sur le dos, l'écrasa lui-même au sol en accompagnant le mouvement. De quoi faire taper son cerveau contre sa boîte crânienne. Ce qui dut se passer puisque le villageois sombra dans l'inconscience totale.

Omcapodem et le barbare se remirent debout de concert. Il s'échangèrent un regard et se firent un signe de tête, là encore complice. Une façon aussi de se féliciter mutuellement pour cette action coordonnée. Puis chacun retourna éjecter plusieurs villageois avant que le groupe ne se disperse pour de bon. Plusieurs villageois implorèrent le pardon et la pitié. Omcapodem les laissa fuir, pour ceux qui purent. Quand l'ambiance revint à la normale, il s'adressa au barbare :

OMCAPODEM – Bien joué. Maintenant, le plus difficile : convaincre cette Sirène de s'approcher de nous.

Omcapodem se tourna vers le lac.
La Sirène était là, au bord du lac. Elle les regardait.
Elle avait vu que le Xolon, le barbare et l'archer chétif l'avaient ensemble défendue contre les pêcheurs qui lui voulaient du mal.

Le duo avait fait son effet : les villageois "survivants" ne demandèrent pas leurs restes et s'enfuirent en courant, ventre à terre, laissant derrière eux les blessés et les inconscients. Baldr les abreuva d'injures en Nain, traduisant certaines en Commun pour leur expliquer quels étaient ses doutes quand à l'ascendance paternelle ou maternelle de ses adversaires. Le Xolon expliqua à l'Humain qu'à présent, il fallait convaincre la Sirène de s'approcher d'eux. En effet, cette dernière s'était rapprochée de la berge, tout en gardant une distance de sécurité.

"On n'a qu'à laisser l'oreilles-pointues l'amadouer, il saura peut-être comment s'y prendre. Qui plus est, il a une bien meilleure tête que les nôtres."

Charwën fit la moue, avant d'acquiescer. Il s'avança vers le lac et entra dans l'eau jusqu'à mi-cuisse. Pendant ce temps, Baldr clopinait en direction de sa monture après avoir ramassé sa hache. Il se raccrocha à la selle et fouilla dans ses fontes en grommelant. Enfin, il mit la main ce qu'il cherchait. Avec un sourire triomphal, l'Humain sortit de ses fontes une outre de peau. La débouchant rapidement, il renversa sa tête en arrière et laissa un mince filet de liquide couler au fond de sa gorge. Il l'avala, eructa et s'ébroua, avant de passer l'outre à Omcapodem.

"Tiens, de la vodka naine. Un vrai bonheur, on a l'impression d'avoir le soleil dans la gorge. Et un volcan dans l'estomac."

Il gratta sa barbe. Le Demi-Elfe avait entamé la conversation avec la Sirène et devait sans doute lui expliquer la situation. Le Barbare se détourna à fin de placer sa hache dans la gaine pendant à la selle de sa monture. Il vérifia ensuite que toutes les pièces de son armure s'y trouvaient. Pour l'instant, il n'avait nul besoin de les passer. Il se retourna et alla, d'un pas lent pour ne pas l'effrayer, en direction de la Sirène. Par la même occasion, il put l'observer de plus près : elle avait le corps d'une femme d'une trentaine de printemps, du moins en partie. Quelques écailles parsemaient son corps et ses cheveux laissaient entrevoir des ouïes... Ou des branchies ? Le colosse ne savait pas grand-chose de ces créatures, si ce n'étaient les légendes contées à leurs sujets. Il s'assit à côté de Charwën, qui désigna successivement le Xolon et l'Humain.

"L'étrange créature à trompe est un Xolon nommé Omcapodem. Quand à l'espèce de brute épaisse mal dégrossie, il s'agit d'un Barbare appelé Baldrisson."

Ladite brute épaisse fit juste une moue en fusillant du regard le frèle Demi-Elfe. Il était un peu trop fatigué, après ses combats successifs contre le Xolon puis les villageois, sans compter son plongeon dans le lac, pour envoyer son poing dans le ventre de Charwën. De plus, cela n'aiderait pas à mettre la Sirène en confiance.

"Dites-moi, quelle est votre histoire ? Comment êtes-vous arrivée dans ce lac ?"

Au moins, il n'y avait plus besoin de se casser la tête à attirer la Sirène sur la berge. La femme-poisson gardait tout de même une distance de sécurité d'une quinzaine de mètres, signe qu'elle était vraiment farouche, mais le barbare suggéra que l' « oreilles-pointues » se charge d'aller l'amadouer. Oh, voilà une information qui pouvait expliquer pourquoi Omcapodem le trouvait chétif : c'était un Demi-Elfe. Certainement pas un pur Elfe, non, mais un Demi-Elfe. Cela expliquait non seulement son physique, mais aussi son odeur douce, un détail qui avait perturbé le Xolon, car bien que cette odeur eût quelques notes communes avec celle d'un Humain, elle ne pouvait pas être raisonnablement assimilée à celle d'un Humain. L'explication venait de là, et Omcapodem allait pouvoir arrêter de se poser des questions.

Le barbare lui tendit une outre dont il avait pris une gorgée du contenu, se déclenchant un rot tonitruant. Il s'agissait d'un alcool nain qu'il décrivit comme un « soleil dans la gorge » et un « volcan dans l'estomac ». De tels boniments auraient pu le vouer à une carrière de marchand, Omcapodem en savait quelque chose !
Le Xolon enroula sa trompe autour de l'outre pour la manipuler et verser un peu de liquide dans sa bouche. Après déglutissement, il fut secoué d'une brève toux. Il devait avouer que l'odeur qui avait parcouru son membre olfacto-préhensile ne l'avait pas trompé sur la qualité de cet alcool. Pour sûr, c'était du bon ! Mais c'était aussi du Nain. Ce qui allait de pair, mais qui ne donnait pas envie à Omcapodem de boire. Il avait goûté par curiosité et par politesse mais il avait une haine des Nains qui ne s'effacerait pas si facilement. Il tendit la trompe pour rendre l'outre au barbare.

Pendant ce temps, le Demi-Elfe discutait avec la Sirène, qui s'était un peu plus approchée, signe qu'il avait réussi à lui inspirer confiance. Omcapodem s'approcha d'eux, imité par le barbare après que ce dernier fut allé ranger sa hache dans l'équipement de sa monture. Le barbare posa quelques questions à la Sirène, sur sa vie, sur sa présence dans ce lac.

Une chose pouvait ressortir de la conversation : cette Sirène n'était décidemment pas hostile. Si elle avait pu le paraître, cela n'avait été qu'à cause des stupides pêcheurs et autres villageois qui lui avaient voulu du mal.

OMCAPODEM – Bien. Je vais pouvoir informer Tomtec qu'il peut dormir sur ses deux oreilles. Et le prochain imbécile qui veut pêcher une Sirène, aura affaire à moi.