A la découverte de nouvelles créatures

Baldrisson avait établi un petit campement, à côté d'un lac et proche d'un village nomme "Alansathi", dans les Plaines du Reflet. Il ne pensait pas revenir de sitôt dans les Montagnes, auprès des siens. En effet, il comptait profiter de son passage dans les Plaines pour visiter, découvrir de nouveaux paysages et revenir dans sa tribu avec de nombreuses histoires à raconter.
Pour le moment, il souhaitait surtout s'habituer à sa nouvelle condition : perdre deux doigts était déjà handicapant, mais qui plus est dans son cas, lui qui était habitué à user de sa hache à une comme à deux mains.
C'était pour cette raison qu'il était en pagne, de l'eau jusqu'aux genoux. Il tentait d'attraper les poissons avec sa main droite et les garder en main assez longtemps pour les projeter sur la rive. Sur sa dizaine de tentative depuis son réveil, le matin même, seules deux s'étaient soldées par des succès, même si l'un des poissons parvint à replonger dans l'eau, alors qu'il avait à peine touché la berge.
Une nouvelle tentative. Il parvint à attraper le poisson mais ce dernier se débattit tant et si bien qu'il échappa à la poigne de l'Humain, le heurta en plein visage et retomba dans l'eau, tandis que le pêcheur amateur tombait à la renverse dans une gerbe d'eau.

Le Barbare sortit de l'eau en jurant et en sacrant à qui mieux mieux. Il s'ébroua et s'assit au sol, avant de vider le seul poisson qui lui restait, non sans lui avoir fracassé la tête contre son épaulière qu'il avait posé au sol. Puis, il raviva son feu de camp et fit griller le poisson, en pestant contre le fait qu'il n'ait pas pensé à emporter plus de provision. Il n'osait pas entrer au village, non pas par timidité, mais parce que les villageois avaient peur de lui et l'avaient fuit à son arrivée, deux jours plus tôt.
Alors qu'il mâchonnait pensivement son poisson, qu'il avait fait brûler, il vit s'approcher un Humain de taille fine, avec un arc rangé dans son carquois. Baldrisson se leva et salua le nouvel arrivant d'un signe de la main, se tenant prêt à se jeter sur sa hache en cas d'ennuis.

"Bien le bonjour, voisin."

L'inconnu rendit son salut à Baldrisson, qui se détendit légèrement. A priori, il n'était pas hostile, mais le Barbare resterait sur ses gardes. Ses yeux couleur de glace examinèrent le nouvel arrivant sous toutes les coutures. Un Humain assez jeune, avec peu de poils au menton, pratiquement fluet en comparaison avec le colosse. Enfin, l'arrivant parvint aux côtés de Baldr et lui demanda si lui aussi était à la recherche de la sirène. Un des sourcils de Baldr se haussa. Une sirène ? Ici ? Il répondit par un signe de tête négatif. Il avait entendu bien des histoires au sujet de ces créatures, mais ne s'attendait pas à en rencontrer ici, au milieu des terres.

"J'ignorais que des Sirènes osaient quitter leurs rivages, et j'ignorais plus encore qu'elles se déplaçaient à l'intérieur des terres sans nager."

Il fit une moue et haussa des épaules. Si Sirène il y avait, il y avait donc une possibilité d'aventure et donc une histoire supplémentaire à raconter à sa Tribu. Machinalement, il passa un doigt sur une de ses cicatrices, qui avait "traversé" un de ses tatouages tribaux, avant de suivre le dessin dudit tatouage.

"Je ne sais pas où elle peut se trouver, mais je ne suis ici que depuis deux jours. Toutefois, cette aventure m'intéresse et je serais ravi de vous apporter mon aide. Je me nomme Baldrisson. Et vous ?"

Il se tourna vers le lac, scintillant sous la lumière du soleil de midi, avant de gratter sa barbe. Si cela se trouvait, il était probable que la Sirène habite dans un palais marin, au fond du lac, du moins, c'étaient ce que disaient les légendes. Dans ce cas, il leur faudrait louer une barque, ramer jusqu'au centre du lac et nager ensuite. Et le problème du colosse, c'était que ses effets n'étaient pas les plus appropriés pour la nage, c'était le moins que l'on puisse dire.

L'étranger se présenta : Charwën. Il expliqua que les villageois d'Alansathi ne savaient pas quelles étaient les intentions de la Sirène, si elle était un danger potentiel pour leur sécurité. Baldrisson n'osa pas faire remarquer qu'à priori, elles n'étaient dangereuses que pour les marins et qu'il n'y avait guère de récifs dans le lac sur lequel faire échouer les embarcations. L'étrange Humain ajouta que des enfants l'avaient vu près des berges. Il était probable qu'il fallait commencer les recherches par là. Charwën dit alors qu'il n'était guère à l'aise dans l'eau.

"Ne t'en fais pas pour ça. Baldrisson commença à assembler sur lui ses pièces d'armures, tout en continuant de parler. Au fait, tu sais marcher vite ? Parce que... Le lac n'est pas bien grand, certes, mais il nous faudra au moins une bonne heure pour en faire le tour à pied, à moins que tu ne montes en selle avec moi. Au fait, tu peux raccourcir en "Baldr", si tu trouve que c'est trop long."

Il finit de sangler son épaulière gauche et regarda sa main droite. Il n'avait toujours pas pensé à faire au moins un gant sur mesure. Le regard des gens était inévitablement attiré par ce gant d'où seulement trois doigts émergeaient. Le prêtre qui l'avait soigné avant son départ s'était assuré qu'il n'y aurait pas de nécrose par la suite.
Puis, le colosse prit sa hache et la cala dans sa ceinture, de façon à pouvoir la prendre en main aisément.

"Quoi qu'il en soit, on sera sûrement obligé de grimper dans ce qui sert de barque aux paysans du coin. Si jamais cela arrive, j'aimerais que tu évites de paniquer. Vu mon attirail, je nourrirais les poissons avant que tu n'ais le temps de dire "Ouf"."

Baldr acheva de sangler sa monture et monta en selle, avant de se tourner vers Charwën et de lui tendre la main gauche.
Il savait que sa monture tiendrait le coup. Ce n'était pas le cheval le plus intelligente de l'écurie, mais il était robuste et pouvait aisément supporter le poids de deux personnes, surtout si le nouveau compagnon d'aventure du Barbare était aussi léger qu'il le paraissait.

"Grimpe. Nous en sauront plus en bougeant qu'en restant ici."

Charwën prit la main de Baldrisson, qui le hissa sur sa selle, avant d'inciter sa monture à avancer. Le lac scintillait sous le soleil, comme la neige au sommet des montagnes, au plus fort de l'hiver, à la différence qu'à présent, Baldrisson suait sous l'effet de la chaleur. Il reconsidérait assez aisément l'idée d'aller piquer une tête dans le lac quand son fluet compagnon de route lui demanda ce qu'il faisait dans les parages.

"J'ai été mutilé il y a peu, dit-il en montrant sa main droite, et je voulais prendre le temps de m'entraîner avant de revenir dans les Montagnes. Si cela me permettait aussi de participer à une aventure, la Tribu en serait enchantée."

Un bon moyen pour passer les longues soirées d'hivers. Une fois que l'on avait décliné ses exploits sous tous leurs angles, il fallait généralement expliquer dans quelle situation on les avait effectué.
La monture avançait doucement sur les berges du lac, alors que le Barbare scrutait de son mieux les eaux scintillantes, les yeux plissés pour minimiser les risques d'aveuglement. Si il y avait une sirène, elle était bien cachée, à moins qu'elle n'ose sortir, intriguée par les paysans. Au bout d'une bonne demi-heure, ils revinrent à leur point de départ et descendèrent du cheval. Le colosse ôta alors les pièces d'armures qui restreignaient ses mouvements et les mit dans ses fontes, qui étaient accrochées à la selle.

"Loue une barque, je vais faire une petite reconnaissance dans l'eau. Il lui tendit sa hache. Prends-en soin et garde-la près de toi, y compris dans la barque. On se rejoindra dans l'eau !"

Sur ces mots, il s'élança vers le lac, prit un appui et sauta aussi loin qu'il le put. Ses jambes heurtèrent la vase, mais il n'en n'avait cure. Il commença à nager doucement, regardant autour de lui pour tenter de déterminer la présence de la Sirène. Il n'avait pas osé l'avouer à Charwën, mais une des raisons de cette décision, c'était qu'il souhaitait se rafraîchir.

Baldrisson fendait l'eau avec son corps, plongeant de temps à autre en apnée pour tenter de voir quelque chose, sans succès réel. Alors qu'il crevait la surface pour reprendre son souffle, il vit, non loin de lui, Charwën juché sur une barque, qui avait enlevé sa cape. Le colosse remarqua les oreilles pointues de ce dernier. Il s'agissait donc d'un Elfe, ou d'un sang-mêlé. A la connaissance de Baldrisson, les oreilles-pointues de sang pur n'avaient pas de pilosité faciale, ce qui expliquait pourquoi les Nains en faisant les cibles prioritaires de leurs jurons. A vrai dire, la langue Naine avait un certain don pour trouver des qualificatifs injurieux envers les personnes que les Nains n'appréciaient pas. Les Barbares ayant vite compris cela avaient, à l'époque où ils ne voyaient chez les Nains que de potentielles proies à piller, appris la langue Naine pour les injurier en retour.
Aujourd'hui encore, dans certaines tavernes Naines, des Barbares et des Nains cherchaient des prétextes futiles pour se battre entre eux, que ce soit une main portée au postérieur d'une femme, un regard de travers, une chope de bière appartenant à quelqu'un d'autre vidée promptement ou tout simplement le classique "J'aime pas ta tronche, je vais donc t'arranger le portrait, peut-être que je t'apprécierais plus ensuite !", tout cela pour pouvoir échanger des horions et de bonnes séries d'insultes, de préférences créatives.
En souriant au souvenir de ces bagarres de tavernes auxquelles il avait déjà participé, Baldrisson agrippa la barque.

"Accroches-toi, je grimpe."

La barque tangua alors que le Barbare montait dedans. Il se leva difficilement, tout en gardant son équilibre. La barque s'était sensiblement enfoncée dans l'eau sous son poids et le moindre faux mouvement les enverrait dans l'eau. Il prit une position assise et prit les rames. Ahanant sous le soleil, il la fit fendre l'eau. Le soleil tapait sur sa peau pâle et entrelacée de tatouages, couturée de cicatrices. Il cessa de ramer pour essuyer la sueur qui perlait à son front, avant de regarder Charwën.

"Dis-moi... T'es une oreille-pointue de sang-pur, ou non ? Que je sache si je devrais payer une tournée à mes amis à mon retour ou non."

Dernière mission en date : escorter à l'aller et au retour un marchand d'une ville du Royaume de Telbara à un bourg au sud-ouest d'Azgalban. Autant dire que la route était très longue : un peu plus de deux mois. Le marchand comptait séjourner deux semaines là-bas avant de repartir. Les braves à l'escorter à aller étaient les bienvenus pour l'escorter au retour. Tant qu'il y avait la rémunération qui va avec... Omcapodem avait beau être un Xolon, il avait toujours vécu en ville, et depuis qu'il avait trouvé la liberté, il s'était laissé souiller par l'influence de l'argent. Son âme dérivait sur une pente douce. Le marchand avait recruté trois autres personnes : deux Humains et un Tigrain typé puma. Le courant n'était pas du tout passé entre l'un des deux Humains et Omcapodem, à l'inverse de l'autre avec qui il avait assez vite sympathisé. Le Tigrain n'était pas de désagréable compagnie non plus mais rien de spécial.

Ils étaient arrivés à destination et les quatre gardes du marchand avaient rendez-vous au même endroit dans deux semaines s'ils souhaitaient l'escorter pour le retour et ainsi gagner deux fois plus d'argent. C'est bien ce que comptait faire Omcapodem qui n'avait encore jamais mis les pieds dans le Royaume de Tacomnal et dont la plupart des gens lui avaient dit qu'ils mettaient ce Royaume avec celui d'Estandre dans le même panier. Ce n'est pas pour rien que sur les quatre personnes à avoir accepté d'escorter le marchand, la moitié étaient des Humains : les races “animales” étaient méprisées en ce pays.

Omcapodem et l'Humain avec qui il avait sympathisé avaient tous deux marché sur une lieue et étaient arrivés au village d'Alansathi. C'est en prenant un verre chez le tavernier qu'ils avaient entendu parler de cette histoire de Sirène dans le lac. L'Humain n'avait pas voulu perdre du temps avec ces racontars mais Omcapodem voulait agir, non pas pour le villageois mais pour la Sirène : si cette dernière n'avait aucune intention hostile, Omcapodem voulait s'assurer que les Humains ne lui feraient aucun mal. Il ne savait que trop bien comment les Humains du Royaume d'Estandre traitaient tous les êtres intelligents qui ne leur ressemblaient pas, et il devait se méfier de ceux du Royaume de Tacomnal. Gagner un peu plus d'argent en s'assurant de la tranquillité d'une Sirène, c'était honnête.

Omcapodem s'entretint avec Tomtec et apprit que deux hommes avaient déjà décidé de s'emparer du sujet. Le villageois eut du mal à cacher sa surprise d'avoir la réponse d'un Xolon à sa quête mais il dut considérer que toute aide était la bienvenue car il fit comme si de rien n'était.
Si deux Humains voulaient déjà s'occuper de la Sirène, alors Omcapodem devait intervenir très vite, car à tous les coups, ces deux-là partaient dans l'idée de faire taire la Sirène à jamais sans scrupule.

Quand il arriva au lac, Omcapodem marcha le long de la berge jusqu'à arriver sur un petit quai de pêcheurs. Il entendit le ahan d'un homme dans le lac, et le vit en effet monter sur une barque où siégeait déjà un autre homme. Serait-ce les deux aventuriers à la recherche de la Sirène ? Ils n'avaient en tout cas aucun matériel de pêche, et de là où il était, Omcapodem put même voir que l'un des deux avait un arc. Ils avaient donc en effet beaucoup plus l'allure d'aventuriers que de pêcheurs. C'étaient les deux hommes qui avaient déjà parlé à Tomtec, cela ne faisait pas de doute.

Mais ils étaient sur une barque à la surface du lac. Le Xolon ne voulait pas monter lui-même dans une barque, car il faisait plus du poids de trois Humains, et il ne savait pas nager. Il marcha sur le ponton sous les regards éberlués des pêcheurs qui n'avaient probablement jamais vu de Xolons de leur vie pour peu qu'ils ne soient jamais sortis de leur village. Il émit alors un puissant barrissement à l'adresse des deux aventuriers.

Alors que le Barbare s'échinait sur les rames, Charwën lui expliqua qu'il était un Sang-Mêlé, de père Elfique et de mère Humaine. Il avait perdu sa mère très jeune, apparemment. Baldrisson hocha la tête, d'un air compréhensif. Son compagnon de route s'excusa de ne pas avoir une origine aussi glorieuse qu'un Elfe de sang-pur.
Ils sursautèrent alors quand un barrissement sonore retentit. Le colosse se retourna et vit, sur la berge, un Xolon, qui leur faisait signe de s'approcher. Tout comme le Demi-Elfe, il espérait que ce dernier ne voudrait pas monter dans la barque. Il grogna et rama de toutes ses forces en direction de la berge, grommelant à propos de la sueur qui coulait dans son dos. Il avait failli souiller son pagne en entendant le barrissement et se demandait ce que ferait Charwën si il décidait soudainement d'envoyer son poing sur le visage de l'inconnu.
Ils parvinrent à la berge et le Barbare prit sa hache en sortant de la barque. Au cas où. Il se dirigea vers le Xolon, prêt à se défendre ou à engager les hostilités, au choix.

"Bon, très bien, expliques-toi, pourquoi tu attires notre attention ? Nous sommes quelque peu occupés actuellement."

Du coin de l’œil, il observait le lac, en espérant apercevoir la Sirène. Le problème, c'était que si il se mettait à cogner le Xolon, qui devait faire une tête de plus que lui, il risquait de la faire fuir. Il releva ses cheveux qui tombaient sur son front, trempés de sueur, à fin de dégager ses yeux.
Baldrisson évalua rapidement la situation. En face de lui, la créature hybride portait un lourd marteau de guerre. Il était plus lourd, et donc plus lent que l'Humain. Toutefois, un seul coup, que ce soit de la patte ou du marteau, risquait de l'envoyer littéralement balader dans les airs. Il ne savait pas comment ce dernier pouvait user de sa trompe, mais les défenses étaient à surveiller.

Le barrissement fit sursauter les deux personnes, qui échangèrent un regard et quelques mots avant de se mettre à ramer pour faire demi-tour vers le quai. Ils grimpèrent sur le ponton, et l'un des deux hommes, le plus musclé, prit même une hache en main. Son pas ferme, son poing serré et son visage froncé, montraient à quel point il n'avait pas apprécié d'être dérangé par le Xolon. Ce dernier recula légèrement un pied, prêt à parer une éventuelle attaque impulsive. Heureusement l'homme n'envoya que des mots... pour l'instant. Il intima au Xolon de s'expliquer.

Déjà, aucun des deux hommes ne semblait surpris de voir un Xolon. Cela confirmait qu'il s'agissait de deux aventuriers qui, contrairement aux pêcheurs et autres villageois ici, avaient déjà vu des Xolons dans leur vie. Pour cela, ils avaient déjà dû sortir du Royaume de Tacomnal. Peut-être n'en étaient-ils même pas originaires.

L'homme à la hache, le moins avenant, était encore assez jeune et pourtant bien bâti pour un Humain, son physique athlétique devait en faire un adversaire redoutable en combat, et Omcapodem devrait sans doute réfléchir à deux fois avant de risquer de s'attirer son hostilité définitive. En tant que Xolon, il le dépassait de toute façon en taille et en masse, mais une hache bien maniée reste dangereuse pour un Xolon même des mains d'un Humain. Une barbe mal taillée, de la même couleur cendre que ses cheveux malgré son âge peu avancé, recouvrait tout le bas de son visage. Sa peau était marquée par des tatouages bleus, épais et abstraits. Il portait une armure de cuir et de métal, et tenait son bras droit comme s'il était invalide. Il avait dû subir une blessure importante.

Tout en le détaillant du regard, ce qui ne prit en fait pas longtemps, le Xolon articula la trompe pour renifler l'odeur de son interlocuteur, puis aussi celle de l'autre homme. C'est une odeur beaucoup plus douce qui traversa son organe, presque l'odeur d'une femme Humaine en fait, c'était trompeur. Non seulement son odeur faisait penser à une femme, mais elle était aussi plus subtile que celle d'une Humaine. Pour avoir déjà rencontré des Demi-Elfes dans le Royaume de Telbara, Omcapodem devina que cet homme, à l'allure svelte comparée au premier, devait en être un.

OMCAPODEM – Vous cherchez une Sirène, n'est-ce pas ? Que comptez-vous lui faire ?

Contrairement au Barbare, le Demi-Elfe était plus calme, plus posé, et il avait sans aucun doute mit le doigt sur la présence du Xolon : La Sirène. Bon, cela gênait tout de même Baldr. Il y avait une histoire de récompense pécuniaire derrière tout cela et c'était plus simple de la partager en deux qu'en trois, et plus gratifiant.
Le Xolon expliqua qu'il savait quel genre de traitement l'on réservait aux Sirènes dans ce pays et il souhaitait s'assurer que celle se trouvant dans le lac ne serait pas maltraitée. Baldrisson serra les mâchoires. Son épaule droite le lançait. Il n'aurait pas dû ramer, cela avait éveillé sa blessure à l'épaule. Une partie de sa concentration lui servait à oublier la douleur qui se diffusait dans son bras et sa poitrine.

"Qu'est-ce qui te prouve que nous lui voulons du mal ? Et en quoi cela te donne le droit de trompeter ainsi à tout va ?"

Il fallait avouer qu'il en voulait notamment au Xolon à cause de cela. Si il souhaitait leur parler, il aurait pu tout aussi bien piquer une tête dans le lac et nager jusqu'à eux pour leur parler, non ? Il s'écarta de quelques pas. Son bras droit était inutilisable, ou presque. Dans le cas où la réponse du Xolon ne lui plaisait pas, il n'aurait aucun scrupule à lui faire comprendre son point de vue à sa façon.
Qui plus est, il souhaitait juste voir la Sirène et comptait laisser Charwën se charger de l'affaire. Si le Xolon voulait en savoir plus au sujet du destin de l'hybride de femme et de poisson, il pouvait s'adresser directement au fermier qui avait émit l'avis.

"Par ailleurs, si tu te soucies réellement de cette Sirène, pourquoi vas-tu voir ceux qui la recherchent et non pas les personnes qui les payent pour la chercher ?"

Celui qu'Omcapodem devinait être un Demi-Elfe soupira d'agacement et secoua la tête avant de répondre d'un ton non moins agacé et las :

CHARWEN – Tout dépend d'elle. Nous devons déterminer si elle est agressive ou non, voilà tout. En quoi est-ce que cela vous intéresse ?

Omcapodem entendit le message sous-jacent : il les dérangeait dans leur mission, ces deux hommes avaient autre chose à faire que de répondre à ses questions et n'avaient sans doute pas envie de se justifier devant lui. En résumé, le Demi-Elfe réussit à vraiment donner l'impression à Omcapodem qu'il leur faisait perdre leur temps. Ce n'était pas l'intention du Xolon, qui en était tacitement désolé, mais il ne voulait pas que du mal soit fait à la Sirène si cette dernière ne présentait aucune hostilité envers les Humains. Il se savait dans un royaume d'esclavagistes tout comme l'était celui d'Estandre et il était malheureusement trop bien placé pour savoir ce que pouvait être la vie d'un esclave.

OMCAPODEM – Nous sommes dans un pays où je sais ce que l'on pourrait faire à une Sirène même si elle ne le mérite pas.

Il ne voulut pas détailler pourquoi il affirmait cela. Ce n'était pas le propos, et puis en général, l'on ne se vante pas de ce genre de choses. L'Humain taillé comme une armoire reprit la parole :

BALDRISSON – Qu'est-ce qui te prouve que nous lui voulons du mal ? Et en quoi cela te donne le droit de trompeter ainsi à tout va ?
OMCAPODEM – Je ne fais qu'attirer votre attention pour vous parler.

Omcapodem répondit sans ironie, mais il se demanda bien quelle différence cela faisait qu'il eût barri plutôt que crié. Il avait bien fallu qu'il attirât l'attention des deux hommes pour leur parler.

OMCAPODEM – Rien ne me prouve vos intentions à l'égard de la Sirène, c'est précisément pour cela que je vous parle.

Omcapodem nota que l'homme s'écarta de quelques pas comme pour instaurer une distance de combat entre eux deux. Il tenait déjà sa hache en main – il semblait au demeurant que ce fût un gaucher – et semblait prêt à se battre. Non seulement prêt, mais il donnait même l'impression d'en avoir envie. Omcapodem avait lui-même déjà reculé un pied en position défensive, il était prêt à se battre si l'Humain à la hache se faisait trop belliqueux. Autant dire qu'une tension s'installa. Sans se pencher, Omcapodem examina la hache de son œil expert. Il s'agissait d'une arme bâtarde, et le forgeron qui en était l'auteur ne devait pas être un débutant.

BALDRISSON – Par ailleurs, si tu te soucies réellement de cette Sirène, pourquoi vas-tu voir ceux qui la recherchent et non pas les personnes qui les payent pour la chercher ?

Cet Humain commençait à rouspéter pour rien et devenait à son tour agaçant, mais le Xolon garda son calme, et encore une fois, répondit sans ironie :

OMCAPODEM – C'est ce que j'ai fait. Un certain Tomtec m'a dit qu'il a déjà parlé de cette Sirène à deux personnes. Ce doit être vous deux. Il ne m'a pas dit ce que vous comptez faire d'elle, alors je vous pose la question directement.

La tension montait doucement entre le Xolon et le Barbare. Charwën tenta de calmer les esprits en expliquant à l'hybride qu'ils n'attaqueraient la Sirène que si cette dernière était violente envers eux. Le Demi-Elfe se plaça entre les deux, sans doute pour éviter qu'ils n'en viennent aux mains. Le Barbare n'en n'avait cure. Plus que l'idée de voir la Sirène, le fait de pouvoir combattre un Xolon serait une histoire intéressante à conter à sa tribu. Il en avait beaucoup à conter, une énigme, un Dwimmerlaik, des Harpies, un Minotaure... Alors, un Xolon ou une Sirène... Il tourna le dos à Charwën et au Xolon, avant de contempler le lac.
Ce dernier scintillait au soleil. La sueur coulait sur le corps de Baldrisson. Instinctivement, il porta sa main à son épaule droite. Cette dernière, après ses efforts physiques, le tiraillait. Cela avait été une belle imbécillité que de le faire alors qu'il était en convalescence, mais le colosse était têtu comme une mule.

Il s'avança, mit les pieds dans l'eau et se passa de l'eau sur le visage, le torse et le dos à fin de se rafraîchir. L'eau coula sur sa barbe et tomba en fines goutellettes. Pas de trace de Sirène. Vivaient-elles réellement dans une sorte de palais marin au fond des eaux, comme le prétendaient certaines légendes ? Derrière lui, le Demi-Elfe palabrait encore avec le Xolon. Il était sûrement en train de tenter de rallier l'hybride à sa cause. Il pouvait tenter, après tout, mais ce n'était pas cela qui allait faire apparaître la Sirène.
La chaleur lui montait à la tête, son bras l'élançait encore et encore. Pour attirer la Sirène, il fallait faire quelque chose susceptible de l'appater. Un sourire sadique sur les lèvres, le colosse échafauda rapidement un plan. Il se tourna vers le Xolon, en affirmant sa prise sur sa hache. Marchant rapidement vers sa cible, il balança un coup de hache en direction de la tête du Xolon.

Le Demi-Elfe, qui semblait plus raisonnable et sensé que son compagnon Humain, s'avança d'un air bien peu rassuré face au Xolon et reprit la parole après une première tentative ratée où l'Humain la lui avait coupée :

CHARWEN – Eh bien, ne t'inquiète pas, nous ne comptons pas lui faire de mal, et encore moins la réduire en esclavage. Ca serait très hypocrite de ma part, n'est-ce pas.

Omcapodem avait déjà commencé à comprendre que les deux hommes n'avaient pas, a priori, de mauvaises intentions envers la Sirène, mais maintenant, c'était dit explicitement. Omcapodem se dit que la réflexion sur le côté hypocrite de vouloir rendre esclave la Sirène, devait faire allusion justement à sa nature de Demi-Elfe. Mais aux yeux d'Omcapodem, un Demi-Elfe restait déjà plus proche d'un Humain qu'une Sirène ; au moins, lui, il avait un parent Humain. La Sirène restait juste une créature étrangère que les tacomans auraient tôt fait de réduire en esclavage.

CHARWEN – Et excuse-moi si je t'ai paru méfiant, j'ai eu les mêmes craintes à ton égard. D'autant que tu imposes le respect.

Le Demi-Elfe sourit de façon un peu crispée. Il cherchait à détendre l'atmosphère, de façon un peu maladroite certes mais c'était tout à son honneur. Omcapodem jeta un regard un peu agacé et défiant à l'Humain avant de rendre son sourire au Demi-Elfe. Ce dernier se décala un peu plus entre l'Humain et le Xolon et ce dernier en profita pour dresser partiellement la trompe et le renifler de plus près.

CHARWEN – Enfin, bref, je te rassure, nous sommes là avant tout pour savoir quelles sont les intentions de la Sirène. Et nous n'userons de violence que si cela s'avère nécessaire.

Voilà qui était dit et répété, et le Demi-Elfe paraissait sincère. Omcapodem hocha la tête.

OMCAPODEM – Bien, je vous crois.

Pendant ce temps, l'Humain se mit en retrait, s'avançant un peu dans le lac jusqu'à avoir l'eau à mi-mollet. Il s'aspergea d'eau avec les mains mais Omcapodem garda un œil sur lui. Il voulait bien croire que même l'Humain n'était pas animé par de mauvaises intentions à l'égard de la Sirène, mais il restait quelque chose qu'il n'aimait pas chez lui.

Il ne sut pas dire quoi jusqu'à le voir revenir vers eux – ou vers lui plus précisément – avec la hache bien en main, d'un pas ferme et presque menaçant. Le Xolon, déjà en position défensive dans le placement des jambes, prit son marteau et se mit en garde, anticipant une attaque soudaine. Et il eut raison.

Le poids de son marteau repoussa la lame de la hache qui aurait été vouée à lui entailler la trompe ou lui couper une défense, sinon les deux dans le même mouvement.
Mais qu'est-ce qui lui prenait donc, à cet Humain de malheur ? D'abord ses interrogations agaçantes et stupides, et maintenant cette attaque sans avertissement.

Le Xolon le défia une seconde du regard. Il voulait se battre ? Très bien, Omcapodem allait se battre contre lui. Il aimait cela, après tout ! Il ne voyait pas le rapport avec la Sirène, mais qu'importe. Il n'allait pas laisser l'Humain l'attaquer sans riposter. Alors il envoya son marteau frapper l'Humain aux côtes, puis il releva son arme, et dans l'élan, leva aussi la jambe droite : alors que le Demi-Elfe, après un temps de latence, essaya en vain de retenir son compagnon, le Xolon finit en frappant une cuisse de son adversaire d'un puissant coup de son gros pied rond et plat d'éléphant.

[Thème de la scène : Le dernier debout]

Le Xolon usa de son lourd marteau pour repousser l'attaque de Baldrisson. Ils se défièrent du regard et Baldrisson eut un sourire distordant ses traits, le faisant ressembler à une tête de mort. Le marteau visa ses côtes, mais le colosse, avec une certaine aisance, parvint à éviter le coup. Charwën tenta de raisonner le Barbare, s'accrocha à son bras blessé pour essayer de l'empêcher d'attaquer. Baldr repoussa son compagnon de route et l'envoya bouler au sol, dans une prise de lutte Naine. Le Xolon en profita pour le frapper à la cuisse avec son propre pied et le colosse rugit de douleur, alors qu'il reculait sous l'impact. Les muscles de sa cuisse endolorie tressautaient sous sa peau alors qu'il boitait légèrement. L'Humain se donna une claque sur la cuisse pour calmer les soubresauts et empoigna sa hache à deux mains. La ramenant au-dessus de sa tête, il banda ses muscles et, après avoir rapidement fait un tour sur lui-même, envoya son arme en direction du Xolon. Ce dernier n'eut pas à esquiver, elle se planta dans le sol, à un mètre de lui à sa gauche.

Il se sentait dans le même état qu'au moment où il avait attaqué le noble, cet état d'excitation meurtrière qui était la racine des "Guerriers-Loups" des tribus Barbares, mais en même temps, n'avait pas ce voile écarlate sous les yeux. L'action alentour se passait au ralenti, alors que l'adrénaline, la fureur et la rage coulaient en ses veines et lui conférait une nouvelle énergie, un second souffle. Avec un sourire carnassier, Baldrisson profita de l'effet de surprise créé par le jet de son arme. Il chargea le Xolon et, une fois arrivé à sa hauteur, lui envoya un coup de poing visant l’œil de l'être hybride. Puis, il lui aggripa la tête des deux mains et, ses pieds fermement ancrés dans le sol et lui flanqua deux coups de boules, avant de le relâcher et de s'écarter en titubant. Malgré la rage berserk dans laquelle il était plongé, le choc l'avait étourdi : son cerveau, car malgré ce que l'on a tendance à penser, ce Barbare en est pourvu, avait buté contre l'os frontal, avant de toucher l'occiput, mais l'adrénaline, ainsi que son état de berserk, l'empêchaient de tomber inconscient au sol.

Baldrisson cligna des yeux, cracha au sol et essuya sa bouche d'où s'écoulait un filet de salive et de sang, avant de revenir au combat. Il agrippa la trompe de son adversaire et, alors qu'il essayait de se rapprocher de lui, l'invectiva et l'injuria copieusement :

"Tu te crois fort ? Ah ! Les anciennes de ma tribu frappent plus fort et pourtant on doit les lester les jours de grand vent pour qu'elles ne s'envolent pas ! Tu serais incapable de m'envoyer bouler dans le lac sans ton précieux marteau ! Votre réputation de force ne vaut rien !"

Et tout en l'injuriant, il riait à en perdre haleine.

L'homme, ou plutôt, le barbare, réussit à se décaler pour éviter d'être frappé aux côtes par le marteau. D'un geste de l'épaule, il repoussa l'homme chêtif qui tomba sur son séant, se réceptionnant avec les mains en arrière. En revanche, le coup de pied du Xolon réussit à meurtrir la cuisse du barbare. Ce serait déjà ça pour ralentir ses mouvements. Une jambe endolorie, ce n'est jamais bon pour se battre ; à moins d'être capable, comme Omcapodem, d'entrer en rage berserk pour ignorer toute douleur.

Le barbare brandit sa hache des deux mains, et la projeta au sol à gauche d'Omcapodem, à un mètre de lui. Tiens donc... Voulait-il en venir aux mains nues ? Sinon, pourquoi abandonner son arme de cette manière ? Cela rendit Omcapodem perplexe, et le temps pour lui de se demander s'il devait, par esprit équitable, laisser tomber son marteau en retour, le barbare chercha à lui donner un coup de poing au visage. Omcapodem fit un mouvement de tête, sans quoi il aurait pris le coup de poing en plein dans l'œil. Le barbare enchaîna avec deux coups de boule. Quelle idiotie pour un Humain de donner un coup de boule à un Xolon ! Toutefois, celui-ci était assez costaud, mais ce n'était pas suffisant. Omcapodem encaissa assez facilement, non sans ressentir tout de même une certaine douleur. En fait, le barbare s'étourdit tout seul en donnant ces deux coups de boule au Xolon.

Omcapodem sourit d'un air un peu moqueur, tandis que le barbare cracha au sol et essuya du sang de sa bouche. Le barbare empoigna ensuite la trompe du Xolon, tirant un peu dessus pour se rapprocher de lui, et l'injuria :

BALDRISSON – Tu te crois fort ? Ah ! Les anciennes de ma tribu frappent plus fort et pourtant on doit les lester les jours de grand vent pour qu'elles ne s'envolent pas ! Tu serais incapable de m'envoyer bouler dans le lac sans ton précieux marteau ! Votre réputation de force ne vaut rien !

Disait celui qui s'était presque assommé tout seul en donnant deux coups de boule. Qu'avait-il fait jusqu'à présent pour ébranler le Xolon ? Il fallait être le plus stupide du monde pour ne pas voir qu'il s'agissait d'une provocation des plus gratuites baignée dans de la mauvaise foi.

La seule chose finalement qui mit Omcapodem en rogne, c'est que le barbare lui empoignait la trompe. Le Xolon n'aimait pas cela, et le fit savoir :

OMCAPODEM – Lâche ma trompe !

Il chercha bien sûr à se libérer la trompe par lui-même, non seulement en l'agitant furieusement, mais aussi en agrippant le poignet et les doigts du barbare – en se servant de ses deux mains pour cela – et en les tordant pour ouvrir la prise. Ayant les deux mains occupées, le Xolon frappa encore une fois du pied, cette fois sur le mollet de la même jambe dont il avait déjà endolori la cuisse. L'excitation du combat et l'énervement devant les actions de ce barbare mirent Omcapodem dans son état de rage berserk.

OMCAPODEM – Lâche ma trompe !

répéta-t-il, tout en agitant la tête verticalement pour que ses défenses griffent son opposant de la poitrine jusqu'au cou.

Le Barbare sentit que son adversaire se débattait, tentait de le faire lâcher par tous les moyens en le sommant de cesser. Le colosse mordit un des épais doigts gris du Xolon, alors que ce dernier cherchait à lui tordre les poignets et lui broyer les mains. Son adversaire chercha à l'éventrer à l'aide de ses défenses. Lâchant la trompe de l'hybride, Baldrisson fit un bond et s'accrocha cette fois à la tête de son adversaire. Il lutta, ses muscles bandés, les pieds ancrés au sol, le visage rouge sous la concentration, les veines apparentes, la sueur coulant sur son corps. Il approcha son visage de l'oreille la plus proche et lui grogna, le plus bas possible :

"Bordel, tu n'avais donc pas compris, bougre de krashkra ? Balances-moi dans ce foutu lac !"

Ses muscles étaient bandés, tendus à l'extrême, à tel point qu'il en tremblait. Pourtant, son adversaire parvint à le soulever et, après quelques pas, l'envoya dans le lac. Baldrisson inspira profondément, grogna en heurtant la surface de l'eau et s'enfonça dans les profondeurs du lac dans une colonne de bulles. Il profita de l'élan conféré par sa chute pour commencer à nager, cherchant du regard quelque chose qui puisse l'aider à trouver la sirène. Il misait sur une possible curiosité qui l'inciterait à venir voir le combat. Un son étrange lui parvint aux oreilles, surprenant, même, car il s'agissait d'un son émit par quelqu'un ayant les cordes vocales nécessaires pour parler. Il regarda dans la direction approximative de sa provenance et vit une créature serpentine onduler, au loin. Sous la surprise, il ouvrit la bouche, laissant échapper un peu trop d'air. Il se morigéna intérieurement et, avec des gestes lents pour économiser le peu d'air qu'il lui restait, il remonta à la surface. Ses yeux le brûlait, le sang battait aux oreilles. Alors qu'il était pratiquement sur le point d'atteindre la surface, il sentait ses poumons vidés d'oxygène le torturer, ses muscles ne fournissaient plus assez d'impulsion pour atteindre la lumière, les ténèbres s'amoncelaient à la périphérie de sa vision. En jurant, il donna un ultime coup de pied.

Sa tête creva la surface de l'eau et il inspira profondément, avalant l'air à grande goulées. Du sang coulait de son nez, il se sentait faible comme un enfant. Il toussait et régurgita l'eau contenue dans ses poumons. Sur la rive, le Xolon et Charwën le regardaient. Alors que Baldrisson se sentait couler, il se reprit et nagea sur la rive, haletant. Dégoulinant d'eau, il régurgita le reste de l'eau et s'allongea sur le dos, aspirant l'air à grande goulée.

"Sirène... Pfff... Existe... Dans cette foutue flotte..."

Le barbare ne lui lâcha la trompe que pour éviter le mouvement des défenses de l'homme-éléphant. A défaut de l'avoir entaillé, Omcapodem avait au moins obtenu la liberté de sa trompe, qu'il balança de droite à gauche avec énervement. Il était entré en rage berserk et comptait bien achever ce combat le plus vite possible. Il fut cependant surpris par ce que lui dit son adversaire : l'insultant de « bougre de krashkra » – Omcapodem n'avait aucune idée de ce qu'était un krashkra et cela semblait être en fait un mot sorti d'une autre langue – il lui fit comprendre qu'il avait voulu le pousser à le balancer dans le lac. Comment Omcapodem aurait-il pu comprendre ça ? Le barbare était juste venu l'attaquer en espérant qu'Omcapodemn le balancerait dans le lac ! Curieuse idée, tout de même. Cela aurait pu fonctionner par hasard, mais il aurait sans doute été plus malin de glisser l'idée à Omcapodem dès le départ.

Omcapodem lâcha son marteau au sol, et usa de sa force de Xolon pour soulever de deux centimètres l'homme en armure par les aisselles, marcha vers le lac, et le projeta en s'aidant d'un coup de pied. Le barbare chuta lourdement dans l'eau en éclaboussant. Son armure rendait la nage difficile mais il fit de son mieux. S'il coulait, ce ne serait pas Omcapodem qui irait le repêcher ; quand à l'autre Humain, il semblait trop chétif pour pouvoir tirer le barbare hors de l'eau.
Le barbare laissa s'échapper des bulles d'air qui n'étaient pas bon signe. Omcapodem espérait que cet idiot n'allait pas se noyer, ce serait vraiment bête... Quoique cela donnerait sans doute une bonne raison à la Sirène pour se montrer. Si la Sirène était pacifique, elle ne laisserait sans doute pas l'Humain se noyer.

Quoi qu'il en soit, l'Humain parvint à remonter à la surface à la limite de la syncope, les poumons vides d'air. Il fit plusieurs longues inspirations longues, bruyantes et saccadées, et se rapprocha de la rive, où Omcapodem mit les pieds dans l'eau pour le tirer sur la terre ferme. Tout en essayant de reprendre une respiration normale, le barbare articula péniblement quelques mots : la Sirène existait. Il l'avait donc vue.
Certes, elle existait, mais cela, Omcapodem n'en avait pas douté. Pourquoi Tomtec aurait-il inventé cette histoire ?

OMCAPODEM – La question n'est pas de savoir si elle existe, nous le savons déjà, mais quelles sont ses intentions.

Bon, et maintenant : à quoi avait servi cette idée du barbare ?