Une rencontre inattendue (ft. Mo'tepeü)

“Arrêtez là !”
“Arrêtez là !   Maraude !”
les cris résonnaient à la lisière du bois où la poignée d’hommes s’agitaient dans tous leurs états en s'essoufflant à crier de la sorte, et à respirer de manière saccadée et désordonnée. Il courraient du côté du champ en espérant gagner un peu de temps sur quelqu’un ou quelque chose qu’ils semblent distinguer mais difficile à percevoir d’un oeil extérieur.
“Ben diou, elle trotte vite la bestiole !”
à raconter des ânneries, ils feraient mieux de regarder où ils mettent les pied tien ! me dis-je en éclipsant un furtif regard dans leur direction.  

Courant d’un pas furtif et très alerte dans le bosquet, les ombres apportées par la végétation font de moi une masse d’ombre et de mouvements assez vague, qui se faufilant entre les interstices des massifs de sureau et de noisetiers et zigzaguant entre les troncs d’arbres plus vastes, je faisais tout pour rendre la tâche plus ardue à mes poursuivants, n’hésitant pas à me baiser et à m'engouffrer à toute vitesse sous d’imposants troncs d’arbres couverts de mousses, placés à l’horizontale après avoir été malmenés par les récentes tempêtes.
Tout en analysant le trajet s’ouvrant devant moi, je ne peux m’empêcher de réfléchir aux événements qui ont pu m’amener dans telle situation. C’était pourtant le coup parfait, une charrette de marchands revenants de la foire aux vins, avec pour seule escorte deux abrutis qui devaient certainement être de la famille du commerçant. En plus tout s’était bien passé au début. Une flèche pour abattre la monture, des menaces proférés depuis l’opacité de la végétation et quelques épouvantails disséminés autour de la piste pour impressionner et ça avait suffit. En plus je ne me suis contenté que du contenu du coffre de leurs recettes du week-end, j’ai même pas touché aux bourse bien garnies de pièces scintillantes de ces messieurs ! Vraiment j’étais grande dame cette fois, si je peux me permettre. Mais il a fallu que ces espèces de payous à cheval débarquent de je-ne-sais-ou pour que tout parte en cacahuètes. Ragaillardis par le nombre, ont-ils décidé de me prendre à la chasse.  
sautant au dessus d’un fossé creusé par l’érosion puis m'enfonçant à vive allure dans un massif de jonc en fermant les yeux pour limiter les dégâts des griffures, j’étais persuadée que mes poursuivant me lâcheront là. Cela devait faire bien une dizaine de minutes qu’ils sont à mes trousse et déjà deux d’entre eux ont abandonnés, sans-compter le commerçant resté auprès de sa cargaison. Ils ne doivent être plus que quatre derrière. Après quelques précieuses secondes d’hésitation, ils s’étaient tout de même lancé dans le massif en bousculant de grands gestes, les branches qui laissaient des griffures sur leurs bras nus.

“Maraude !” raisonne encore dans mon dos. “Maudits” marmonne-je pour moi-même durant ma course, dans moins d’une lieue il y a le méandre d’une petite rivière sauvage où des bêtes viennent s’abreuver, peut-être qu’avec un peu de chance je ferai fuir quelque chevreuil ou quelque lièvre qui feront hésiter mes poursuivant quand au chemin à suivre.

C'était la deuxième fois que le nom des Chevaliers de Sercanth parvenait jusqu'à la Guilde des Guerriers de Telbara. Et cette fois encore, la piste menait jusqu'au Royaume de Tacomnal. Frekko en avait glissé un mot à Mo'tepeü, qui en faisait une quête personnelle alors que toujours rien ne permettait de relier cette secte à son propre passé. Mo'tepeü n'avait même pas l'intuition que les Chevaliers de Sercanth avaient enlevé Mifineb ; seulement, il avait pu avoir confirmation que cette secte existait bel et bien, qu'elle procédait à des enlèvements sur des personnes de diverses races, et même si elle n'avait aucun lien avec la tribu de Mo'tepeü, elle restait de toute façon à éliminer. Comment Mo'tepeü pouvait-il savoir tout cela ? Parce qu'il en avait rencontré un ancien membre, et tout ce que cette personne lui avait raconté, avait corroboré les informations reçues par Frekko et Jangdar.

Mo'tepeü n'était pas en mission officielle de la Guilde des Guerriers, d'autant que la Guilde des Guerriers de Tacomnal était déjà sur le coup. Mo'tepeü s'était rendu à la capitale pour en rencontrer un membre et se tenir mieux informé de la dernière piste. Le dernier enlèvement suspicieux avait eu lieu dans le village de Mieupont, dans la Forêt de la Vanille. Une esclave Tigraine avait été enlevée de nuit. En enquêtant, un membre de la Guilde des Guerriers de Tacomnal avait trouvé des traces d'un rituel de magie noire derrière la maison des propriétaires de l'esclave. Un golem avait été désactivé par un puissant sortilège dont la signature rappelait les Chevaliers de Sercanth. Ni le ravisseur ni l'esclave n'avaient été retrouvés, pour l'heure. Mo'tepeü ne se considérait pas plus compétent mais il se devait de tenter sa chance. C'était sa mission. Il s'était déjà trop intéressé aux Chevaliers de Sercanth pour décider de laisser tomber. Même s'il ne retrouvait pas Minifeb, il pourrait accomplir une grande quête, sa première grande quête en six ans depuis qu'il avait posé le pied en Telbara.

Mo'tepeü suivait les indications qui lui avaient été fournies pour trouver le village de Mieupont, mais quelque chose n'était pas clair. On lui avait dit de dépasser une masure isolée et qu'après cela, il trouverait une petite butte portant un cerisier tordu. Mo'tepeü avait trouvé la masure, mais il avait beau tourner autour, il ne voyait pas la butte et le cerisier tordu. Il fallait le faire ! L'indication était claire, et le point de repère devait être facile à apercevoir, tout de même ! Plus Mo'tepeü s'égarait dans la végétation, et plus il perdait son sens de l'orientation. S'il continuait comme ça, il n'allait même pas réussir à retrouver la masure.

Il se posa, un instant, et soupira. Il gifla rageusement une fougère qui n'avait rien demandé. Il allait manifestement devoir demander une nouvelle fois son chemin. Il ne devait qu'à son tatouage de la Guilde des Guerriers, exposé au-dessus de son cœur, sous l'épaule gauche, de ne pas avoir été capturé par des esclavagiste et d'avoir la permission de s'adresser aux villageois. Les gens contenaient difficilement leur mépris.

Le Xolon agita les oreilles et leva la trompe en entendant les bruits de course au loin. Comme des chasseurs qui poursuivaient un sanglier en fuite. Sauf qu'en l'occurence, le sanglier avait plutôt une forme humanoïde... Mo'tepeü avait plus entendu les bruits de courses des Humains poursuivants, que de l'humanoïde poursuivi, et sursauta presque en voyant surgir des feuillages une Halfeline. Il entendit une voix hurler « Maraude ! ». Pour sûr, il avait ladite maraude devant les yeux. Des cheveux châtain ébourrifés par la course folle, le visage rougi par l'effort, les yeux écarquillés par la peur, le front barré par une longue frange, un petit corps aux épaules larges, se terminant par des pieds nus couverts d'un duvet typique des Halfelins, et une longueur considérable, proportionnellement à son corps.

MO'TEPEÜ – Hohé, hohé, doucement !

Mo'tepeü essaya d'arrêter l'Halfeline dans sa course, avec sa voix caverneuse et son accent exotique.